La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2023 | FRANCE | N°472080

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 09 juin 2023, 472080


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 mars et 18 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société à responsabilité limitée Forma+ demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du troisième alinéa du paragraphe n° 45 des commentaires administratifs publiés le 16 octobre 2019 au bulletin officiel des finances publ

iques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-50 ;

2°) d'enjoin...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 mars et 18 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société à responsabilité limitée Forma+ demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du troisième alinéa du paragraphe n° 45 des commentaires administratifs publiés le 16 octobre 2019 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-50 ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d'abroger cet alinéa dans un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, notamment ses articles 132 et 133 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mai 2023, présentée par la société Forma+ ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Forma+, qui exerce une activité commerciale de soutien scolaire, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a refusé d'abroger le troisième alinéa du paragraphe n° 45 des commentaires administratifs publiés le 16 octobre 2019 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-50, qui énonce que sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée les prestations de soutien scolaire " réalisées par des organismes privés sans but lucratif, qui répondent aux conditions des organismes d'utilité générale fixées au a et au b du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts ".

2. En premier lieu, aux termes du 7 de l'article 261 du code général des impôts, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " 1° a. les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée (...) b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu exonérer de taxe sur la valeur ajoutée, sous réserve du respect des conditions qu'elles prévoient, les services à caractère social, éducatif, culturel ou sportif ou les opérations réalisées par des organismes sans but lucratif, y compris lorsque ces services ou ces opérations prennent la forme d'activités de soutien scolaire. Dès lors, les commentaires attaqués se bornent à réitérer, sans y ajouter, une règle prévue par la loi.

3. En second lieu, l'article 132, paragraphe 1, de la directive TVA dispose que : " Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (...) i) l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse, l'enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d'autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l'État membre concerné (...) ". Aux termes de l'article 133 de la même directive : " Les États membres peuvent subordonner, au cas par cas, l'octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues à l'article 132, paragraphe 1, points b), g), h), i), l), m) et n), au respect de l'une ou plusieurs des conditions suivantes : / a) les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l'amélioration des prestations fournies; / b) ces organismes doivent être gérés et administrés à titre essentiellement bénévole par des personnes n'ayant, par elles-mêmes ou par personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation; / c) ces organismes doivent pratiquer des prix homologués par les autorités publiques ou n'excédant pas de tels prix ou, pour les opérations non susceptibles d'homologation des prix, des prix inférieurs à ceux exigés pour des opérations analogues par des entreprises commerciales soumises à la TVA; / d) les exonérations ne doivent pas être susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence au détriment des entreprises commerciales assujetties à la TVA ".

4. Au sens du i) de l'article 132, paragraphe 1, de la directive TVA, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne notamment dans ses arrêts du 14 juin 2007, Horizon college (C-434/05) et du 14 mars 2019, A et G Fahrschul-Akademie GmbH (C-449/17), les prestations d'" enseignement scolaire ou universitaire " exonérées sont celles qui sont rendues dans le cadre d'un système intégré incluant concomitamment des éléments relatifs aux relations s'établissant entre enseignants et étudiants ainsi que ceux formant le cadre organisationnel des établissements, dont l'objet est la transmission en son sein de connaissances et de compétences portant sur un ensemble large et diversifié de matières, ainsi qu'à l'approfondissement et au développement de ces connaissances et de ces compétences par les élèves et les étudiants au fur et à mesure de leur progression au sein des différents degrés constitutifs de ce système. Par suite, des prestations de soutien scolaire ne sauraient être regardées comme des opérations d'" enseignement scolaire " au sens de ces dispositions, quand bien même les organismes qui les réalisent poursuivraient un but non-lucratif.

5. Il ressort néanmoins des mêmes dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'applique également aux opérations d'" éducation de l'enfance ou de la jeunesse ". Les prestations de soutien scolaire rendues par des organismes sans but lucratif dans les conditions prévues par la loi française doivent être regardées comme relevant à ce titre du champ de l'exonération, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elles n'ont pas le caractère d'une prestation d'" enseignement scolaire ou universitaire " au sens de la directive du 28 novembre 2006. Par ailleurs, en adoptant les dispositions du 7 de l'article 261 du code général des impôts limitant le bénéfice de l'exonération aux seuls organismes sans but lucratif, le législateur doit être regardé comme ayant mis en œuvre la faculté offerte par les dispositions du a) de l'article 133 de la directive TVA. Par suite, les énonciations attaquées n'énoncent ou ne réitèrent aucune règle contraire à cette directive.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la société Forma+ n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Forma+ demande à ce titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Forma+ est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Forma+ et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 mai 2023 où siégeaient : M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 9 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Hervé Cassagnabère

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mahé

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 472080
Date de la décision : 09/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2023, n° 472080
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mahé
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:472080.20230609
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award