Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures
Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de prescrire une expertise en vue d'évaluer le préjudice qu'il aurait subi dans le cadre de la construction du nouvel hôpital de Metz, résultant de pratiques anticoncurrentielles ayant pris la forme d'une entente illicite entre les sociétés Gerflor, Forbo Sarlino, et Tarkett France dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des produits de revêtements de sols. Par une ordonnance n° 2103396 du 2 novembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à sa demande. Par une ordonnance n° 2103396 du 6 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a fait partiellement droit à la demande de l'expert et de son sapiteur en ordonnant l'extension des opérations d'expertise à la société Banghi et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Après jonction, par une ordonnance n°s 21NC02970, 21NC02975, 21NC02977, 22NC01313, 22NC01314, 22NC01336 du 22 septembre 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les requêtes d'appel n° 21NC02970 de la société Tarkett France, n° 21NC02975 de la société Gerflor et n° 21NC02977 de la société Forbo Sarlino formées contre l'ordonnance du 2 novembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, et a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les requêtes n° 22NC01313 de la société Tarkett France, n° 22NC01314 de la société Forbo Sarlino et n° 22NC01336 de la société Gerflor formées contre l'ordonnance du 6 mai 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg.
Procédures devant le Conseil d'Etat
1° Sous le n° 468098, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 et 21 octobre 2022 et 28 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Forbo Sarlino demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à ses conclusions d'appel et de première instance ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 468177, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 et 26 octobre 2022 et 27 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Gerflor demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à ses appels ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le n° 468183, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 et 26 octobre 2022 et 9 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tarkett France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de renvoyer les affaires au juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 ;
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Forbo Sarlino, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Bouygues Bâtiment Nord-Est, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Gerflor et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Tarkett France ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois des sociétés Forbo Sarlino, Gerflor et Tarkett France sont dirigés contre la même ordonnance. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges des référés que, par une décision du 18 octobre 2017, l'Autorité de la concurrence a sanctionné les sociétés Tarkett France, Forbo Sarlino et Gerflor, intervenant dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des produits de revêtements de sol, notamment du fait de pratiques anticoncurrentielles ayant pris la forme d'une entente illicite. Estimant avoir subi un préjudice résultant de ces pratiques dans le cadre de la construction du nouvel hôpital de Metz en 2006, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de prescrire une expertise. Par une ordonnance du 2 novembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, a fait droit à sa demande. Par une seconde ordonnance du 6 mai 2022, ce même juge des référés a fait partiellement droit à la demande de l'expert et de son sapiteur en ordonnant l'extension des opérations d'expertise à la société Banghi et a rejeté le surplus de leur demande. Par six requêtes, les sociétés Gerflor, Forbo Sarlino et Tarkett France ont respectivement relevé appel de ces deux ordonnances. Par une ordonnance commune du 22 septembre 2022, contre laquelle chacune des trois sociétés précitées se pourvoit en cassation, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leurs requêtes formées contre l'ordonnance du 2 novembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, et a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur leurs requêtes formées contre l'ordonnance du 6 mai 2022 du même juge des référés.
Sur les moyens des pourvois se rapportant à l'ordonnance du 2 novembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais " et aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du même code : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ".
4. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. Dans l'hypothèse où est opposée une forclusion ou une prescription, il lui incombe de prendre parti sur ces points.
5. D'autre part, aux termes de l'article 2224 du code civil, résultant de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes du II de l'article 26 de cette loi : " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ". Aux termes de l'article 2270-1 du code civil, en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 : " Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 481-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles : " Toute personne physique ou morale formant une entreprise (...) est responsable du dommage qu'elle a causé du fait de la commission d'une pratique anticoncurrentielle (...) ". Aux termes de l'article L. 482-1 du même code dans la même rédaction : " L'action en dommages et intérêts fondée sur l'article L. 481-1 se prescrit à l'expiration d'un délai de cinq ans. Ce délai commence à courir du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître de façon cumulative :/ 1° Les actes ou faits imputés à l'une des personnes physiques ou morales mentionnées à l'article L. 481-1 et le fait qu'ils constituent une pratique anticoncurrentielle ;/ 2° Le fait que cette pratique lui cause un dommage ;/ 3° L'identité de l'un des auteurs de cette pratique (...) ". Aux termes de l'article 12 de cette ordonnance : " I. Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le lendemain de sa publication. / Toutefois, les dispositions, d'une part, des articles L. 462-3, L. 483-1 à L. 483-4, L. 483-6, L. 483-7 et L. 483-9, du code de commerce ainsi que des quatre premiers alinéas des articles L. 483-5 et L. 483-8 de ce même code et, d'autre part, de l'article L. 775-2 du code de justice administrative, issues de la présente ordonnance sont applicables aux instances introduites devant les juridictions administratives et judiciaires à compter du 26 décembre 2014. / II. Les dispositions de la présente ordonnance qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé ".
7. Il résulte de ces dispositions que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage. Après l'entrée en vigueur de cette loi, la prescription de ces conclusions est régie par les dispositions de l'article 2224 du code civil. S'appliquent, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 9 mars 2017 relatives aux actions en dommage et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles, les dispositions de l'article L. 482-1 du code de commerce.
8. Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles qui a transposé la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l'Union européenne, lues à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 juin 2022, Volvo AB et DAF Trucks NV c. RM (C-267/20), que les dispositions de l'article L. 482-1 du code de commerce créées par cette ordonnance instituant une nouvelle règle de prescription s'appliquent aux actions indemnitaires introduites à compter de leur entrée en vigueur, y compris lorsqu'elles portent sur des pratiques anticoncurrentielles qui ont pris fin avant leur entrée en vigueur, dans la mesure où ces actions n'étaient pas déjà prescrites en vertu des règles antérieurement applicables.
9. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a fixé au 18 octobre 2017, date de la décision de l'Autorité de la concurrence sanctionnant les sociétés Forbo Sarlino, Gerflor et Tarkett France du fait de pratiques anticoncurrentielles, le point de départ du délai de prescription de l'action indemnitaire que le centre hospitalier régional de Metz-Thionville envisage d'introduire à leur encontre. Elle a ce faisant procédé à une appréciation souveraine qui n'est pas arguée de dénaturation. Par suite, et alors que, compte tenu d'un tel point de départ, cette action n'était pas déjà prescrite en vertu des anciennes règles, il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu'en faisant application des dispositions de l'article L. 482-1 du code de commerce pour juger que la prescription de cinq ans fixée par ces dispositions a ainsi couru à compter du 18 octobre 2017, pour en déduire que l'action du centre hospitalier n'était pas prescrite à la date du 11 mai 2021 à laquelle il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande d'expertise dans la perspective d'une action visant à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des entreprises ayant participé aux pratiques anticoncurrentielles relevées par l'Autorité de la concurrence, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy, dont l'ordonnance est suffisamment motivée sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit.
10. En deuxième lieu, en jugeant que les missions confiées à l'expert, dont il résulte des énonciations de l'ordonnance du 2 novembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg qu'elles consistaient principalement à fournir au tribunal tous les éléments permettant à celui-ci de déterminer le montant non sérieusement contestable du préjudice économique qu'aurait subi le centre hospitalier dans le cadre de l'exécution du marché litigieux, de donner son avis et de transmettre tous les éléments utiles au tribunal sur le montant du surcoût subi pour l'acquisition des produits en 2006 et sur le prix des produits acquis qui aurait résulté des conditions normales de concurrence, sur la répercussion de cet éventuel surcoût sur le centre hospitalier, par le titulaire du marché public, au regard des principes fixés dans la communication de la Commission européenne n° 2019/C 267/07 du 9 août 2019 et sur le montant des intérêts de la créance de réparation du centre hospitalier depuis la survenance du préjudice causé par l'infraction, ainsi que, d'une manière générale, à entendre tout sachant et à donner au tribunal toutes informations ou appréciations utiles de nature à lui permettre de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis, ne portaient que sur des questions de fait sur la base desquelles le juge du fond devait forger sa décision et ne conduisaient pas l'expert à trancher des questions de droit, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce, ni dénaturé ces faits et les pièces des dossiers.
11. En troisième lieu, lorsqu'une personne publique est victime, à l'occasion de la passation d'un marché public, de pratiques anticoncurrentielles, il lui est loisible de mettre en cause la responsabilité quasi-délictuelle non seulement de l'entreprise avec laquelle elle a contracté, mais aussi des entreprises dont l'implication dans de telles pratiques a affecté la procédure de passation de ce marché, et de demander au juge administratif leur condamnation solidaire. Par suite, contrairement à ce que soutient la société Gerflor, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits de l'espèce et les pièces des dossiers en jugeant qu'alors que le groupement sous-traitant de l'un des lots " sols souples " du marché en litige a indirectement acquis des produits de revêtements de sol auprès de la société Tarkett France, le centre hospitalier régional de Metz Thionville était susceptible, en cas de surcoût portant sur le prix d'acquisition de ces produits, de rechercher devant le tribunal administratif la responsabilité quasi-délictuelle des trois sociétés auteures des pratiques anti-concurrentielles.
12. En dernier lieu, l'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective, d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste, en l'état de l'instruction, de fait générateur, de préjudice ou de lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur.
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'alors même que le centre hospitalier régional avait la possibilité de désigner lui-même un expert, sa demande d'expertise présentait, compte tenu des particularités du litige et de l'intérêt lié à la mise en œuvre d'une procédure contradictoire, un caractère utile au sens des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, en relevant que, ainsi qu'il a été dit au point 10, les missions de l'expert ne le conduisaient pas à trancher des questions de droit, et que les seuls éléments en possession du centre hospitalier régional ne pouvaient permettre d'établir avec une précision suffisante la réalité du surcoût allégué et le montant du préjudice en découlant, pour en déduire que la demande d'expertise présentait un caractère utile, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit. De même, en relevant que l'évaluation exacte des dommages, ainsi que l'individualisation des pratiques tarifaires des sociétés ayant participé à l'entente, impliquaient la mise en œuvre d'une analyse de haute technicité requérant des compétences particulières, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas dénaturé les faits de l'espèce et les pièces des dossiers. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 12, que la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas entaché son ordonnance d'erreur de droit ni dénaturé les pièces des dossiers en estimant que l'expertise sollicitée était utile nonobstant la circonstance que le centre hospitalier régional de Metz Thionville n'avait pas encore décidé d'engager une action indemnitaire à l'encontre des sociétés appelantes.
Sur les moyens des pourvois se rapportant à l'ordonnance du 6 mai 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg :
14. Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a estimé que le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg n'avait pas, par son ordonnance du 6 mai 2022, étendu la mission de l'expert et de son sapiteur définie par son ordonnance du 2 novembre 2021, en précisant, sans méconnaître la demande d'expertise formée par le centre hospitalier, qu'elle portait sur toute période utile de manifestation des dommages subis par le centre hospitalier en lien avec l'ensemble des pratiques anticoncurrentielles au titre desquelles l'Autorité de la concurrence a sanctionné les sociétés concernées par sa décision du 18 octobre 2017. En déduisant de ces appréciations et de la circonstance qu'elle avait déjà répondu aux mêmes critiques portées par les requérantes contre l'ordonnance du 2 novembre 2021, qu'il n'y avait plus lieu pour elle de statuer sur leur requête d'appel respective dirigée contre l'ordonnance du 6 mai 2022, alors qu'elles ne les rendaient pas sans objet, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Forbo Sarlino, Gerflor et Tarkett France sont seulement fondées à demander l'annulation de l'article 2 de l'ordonnance attaquée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois se rapportant à l'ordonnance du 6 mai 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg.
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, les affaires au titre des procédures de référé engagées, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
17. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que, par son ordonnance du 6 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, saisi par l'expert et son sapiteur sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-3 du code de justice administrative d'une demande tendant notamment à obtenir des précisions sur le contenu de leur mission fixée par l'ordonnance du 2 novembre 2021, aurait inexactement précisé ce contenu ou méconnu la portée de la demande initiale d'expertise présentée par le centre hospitalier en jugeant que les opérations d'expertise n'étaient pas limitées à la seule période allant du 8 octobre 2001 au 22 septembre 2011, mais qu'elles portaient sur toute période utile de manifestation des dommages subis par le centre hospitalier en lien avec l'ensemble des pratiques anticoncurrentielles au titre desquelles l'Autorité de la concurrence a sanctionné les sociétés concernées par sa décision du 18 octobre 2017. D'autre part, il n'a pas davantage, ce faisant, étendu la mission de l'expert et de son sapiteur. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les missions de l'expert et de son sapiteur, même ainsi précisées, seraient de nature à les conduire à trancher des questions de droit.
18. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de leur requête d'appel respective, que les sociétés Forbo Sarlino, Gerflor et Tarkett France ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par son ordonnance du 6 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des demandes de l'expert et de son sapiteur en estimant que leur mission portait déjà sur toute la période utile de manifestation des dommages subis par le centre hospitalier.
Sur les frais d'instance :
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Forbo Sarlino, Gerflor et Tarkett France la somme de 3 000 euros chacune à verser au centre hospitalier régional de Metz-Thionville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du 22 septembre 2022 de la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : Les requêtes n° 22NC01313 de la société Tarkett France, n° 22NC01314 de la société Forbo Sarlino et n° 22NC01336 de la société Gerflor présentées devant la cour administrative d'appel de Nancy et le surplus des conclusions des pourvois des sociétés Forbo Sarlino, Gerflor et Tarkett France sont rejetés.
Article 3 : Les sociétés Forbo Sarlino, Tarkett France et Gerflor verseront chacune au centre hospitalier régional de Metz-Thionville une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Forbo Sarlino, à la société Gerflor, à la société Tarkett France, au centre hospitalier régional de Metz-Thionville et à la société Bouygues Bâtiment Nord-Est.
Copie en sera adressée à la société Banghi, à la société Lagarde et Meregnani, à Me David Koch, mandataire liquidateur judiciaire de la société Les peintures réunies, et à MM. Sidoli et Laborde, experts.