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12/05/2023 | FRANCE | N°464199

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 12 mai 2023, 464199


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) Lotimmo a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer, d'une part, l'annulation des deux titres de perception émis le 25 avril 2014 en vue du recouvrement des cotisations de taxe d'aménagement et de redevance d'archéologie préventive auxquelles elle a été assujettie à raison d'un permis de construire délivré le 10 avril 2013 et, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes. Par un jugement nos 2102692, 2102693 du 21 février 2022, ce tribunal a rejeté ces dem

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Par une ordonnance n° 22TL21035 du 18 mai 2022, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) Lotimmo a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer, d'une part, l'annulation des deux titres de perception émis le 25 avril 2014 en vue du recouvrement des cotisations de taxe d'aménagement et de redevance d'archéologie préventive auxquelles elle a été assujettie à raison d'un permis de construire délivré le 10 avril 2013 et, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes. Par un jugement nos 2102692, 2102693 du 21 février 2022, ce tribunal a rejeté ces demandes.

Par une ordonnance n° 22TL21035 du 18 mai 2022, enregistrée le 19 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Toulouse a transmis au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 21 avril 2022 au greffe de cette cour, formé par la société Lotimmo contre ce jugement, en tant qu'il se prononce sur la taxe d'aménagement.

Par ce pourvoi, la société Lotimmo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a statué sur la taxe d'aménagement ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Lotimmo ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a émis, le 25 avril 2014, un titre de perception en vue du recouvrement de la taxe d'aménagement à laquelle la société Lotimmo a été assujettie, à hauteur de 10 878 euros, à raison d'un permis de construire délivré le 10 avril 2013. Le comptable public de la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales a, le 24 novembre 2020, mis cette société en demeure de payer le montant de cette taxe et des majorations correspondantes. La société se pourvoit en cassation contre le jugement du 21 février 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant que celui-ci a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du titre de recette et, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer les sommes mentionnées par la mise en demeure.

Sur le jugement, en tant qu'il a statué sur les conclusions aux fins d'annulation du titre de perception :

2. Aux termes de l'article L. 331-24 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " La taxe d'aménagement et la pénalité dont elle peut être assortie en vertu de l'article L. 331-23 sont recouvrées par les comptables publics compétents comme des créances étrangères à l'impôt et au domaine. / Le recouvrement de la taxe fait l'objet de l'émission de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter, ou de l'émission d'un titre unique lorsque le montant n'excède pas 1 500 euros. / Les titres sont respectivement émis douze et vingt-quatre mois après la date de délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager, la date de la décision de non-opposition ou la date à laquelle l'autorisation est réputée avoir été accordée (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société requérante soutenait devant le tribunal administratif que la taxe d'aménagement litigieuse avait, en méconnaissance de ces dispositions, été mise en recouvrement au moyen d'un unique titre de perception, pour son montant total, et non de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter.

4. En omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant au soutien de la contestation d'assiette que soulevait ainsi la société requérante, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen qu'elle soulève à l'encontre de cette partie du jugement, la société Lotimmo est fondée à en demander l'annulation en tant qu'il a statué sur ses conclusions tendant à l'annulation du titre de perception.

Sur le jugement, en tant qu'il a statué sur les conclusions aux fins de décharge de l'obligation de payer :

5. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. (...) ".

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 331-29 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur : " L'action en recouvrement se prescrit par cinq ans à compter de l'émission du titre de perception ". Ce délai est interrompu par un acte comportant reconnaissance, par le redevable de l'impôt, de l'exigibilité de sa dette, lequel s'entend de tout acte ou de toute démarche par lesquels celui-ci admet son obligation de payer une créance définie par sa nature, son montant et l'identité de son titulaire.

7. En jugeant que la lettre adressée à l'administration fiscale par la société Lotimmo le 22 mars 2018, par laquelle celle-ci sollicitait l'exonération d'une première tranche de taxe d'aménagement, d'un montant de 10 878 euros, et s'engageait sur l'honneur à payer la seconde tranche, valait reconnaissance de sa dette, le tribunal administratif a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation. En en déduisant que la prescription de l'action en recouvrement avait été interrompue par ce courrier et que cette prescription n'était pas acquise à la date de notification de la mise en demeure valant commandement de payer du 24 novembre 2020, il n'a pas commis d'erreur de droit.

8. En second lieu, écartant la contestation de la régularité en la forme de cette mise en demeure comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Lotimmo n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la taxe d'aménagement et les majorations en litige.

Sur le règlement de l'affaire au fond :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

11. Aux termes de l'article L. 331-31 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " En matière d'assiette, les réclamations concernant la taxe d'aménagement sont recevables jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'émission du premier titre de perception ou du titre unique. (...) / Les réclamations concernant la taxe d'aménagement sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables en matière d'impôts directs locaux. ". Le premier alinéa de l'article R*. 190-1 du LPF dispose que : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition ". Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable souhaitant contester l'assiette de la taxe d'aménagement doit, à peine d'irrecevabilité, former une réclamation préalable auprès du service territorial de la direction générale des finances publiques avant le 31 décembre de la deuxième année suivant l'émission du premier titre de perception ou du titre unique.

12. Ainsi que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique le soutient sans être contredit, il n'apparaît pas, au vu des pièces du dossier, que la demande soumise par la société Lotimmo au tribunal administratif aurait été précédée d'une réclamation préalable. Le ministre est par suite fondé à soutenir que la contestation d'assiette de cette société est irrecevable. La demande ne peut ainsi qu'être rejetée.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 21 février 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions aux fins d'annulation du titre de perception de la taxe d'aménagement.

Article 2 : La demande d'annulation du titre de perception de la taxe d'aménagement est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Lotimmo est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Lotimmo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Lotimmo, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.

Rendu le 12 mai 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve

La secrétaire :

Signé : Mme Catherine Meneyrol


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 464199
Date de la décision : 12/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2023, n° 464199
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benjamin Duca-Deneuve
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464199.20230512
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