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27/04/2023 | FRANCE | N°462804

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 27 avril 2023, 462804


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de procéder à l'échange de son permis de conduire soudanais contre un permis de conduire français, d'annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cette décision d'enjoindre sous astreinte au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un permis de conduire français, et subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois sous

astreinte de cent euros par jour. Par un jugement n° 2000912 du 28 janvi...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de procéder à l'échange de son permis de conduire soudanais contre un permis de conduire français, d'annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cette décision d'enjoindre sous astreinte au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un permis de conduire français, et subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois sous astreinte de cent euros par jour. Par un jugement n° 2000912 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 19 juin 2019 et enjoint au préfet de la Seine-Maritime et au préfet de la Loire-Atlantique de procéder au réexamen de la demande de M. A... dans le délai d'un mois.

Par un pourvoi enregistré le 31 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A..., de nationalité soudanaise, qui s'est vu reconnaître le statut de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 15 décembre 2017, a déposé, le 18 avril 2019, une demande d'échange de son permis de conduire soudanais contre un permis de conduire français. Par une décision du 19 juin 2019, le préfet de la Seine-Maritime l'a rejetée au motif qu'elle était tardive. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. A..., annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de l'Union européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire ". Aux termes du II de l'article 4 de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européenne, dans sa rédaction alors applicable : " Pour les ressortissants étrangers non-ressortissants de l'Union européenne, la date d'acquisition de la résidence normale est celle du début de validité du premier titre de séjour ". Enfin, aux termes du II de l'article 11 du même arrêté, le délai d'un an dans lequel un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié peut demander l'échange de son permis de conduire court " à compter de la date de début de validité du titre de séjour provisoire ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que, tant qu'un titre de séjour ne lui a pas été délivré, un étranger ne saurait être regardé comme ayant acquis une résidence normale en France, au sens des dispositions de l'article R. 222-3 du code de la route et, d'autre part, que, pour un réfugié, le point de départ du délai d'un an imparti pour demander l'échange d'un permis délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen, ne peut courir qu'à compter de la date de délivrance du titre de séjour provisoire établi à la suite de la reconnaissance de sa qualité de réfugié.

3. Il résulte des termes du jugement attaqué que, pour juger que la demande d'échange de permis de conduire déposée par M. A... le 18 avril 2019 l'avait été dans le délai d'un an mentionné au point précédent et annuler la décision attaquée du 19 juin 2019, le tribunal administratif a retenu que la mention RCS (récépissé de carte de séjour) figurant sur le document " asile consultation " produit par l'administration ne pouvait à elle seule établir qu'un récépissé constatant la reconnaissance d'un protection internationale aurait effectivement été remis à l'intéressé à la date du 4 janvier 2018.

4. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... faisait seulement valoir, sans en justifier, qu'il avait reçu le récépissé le 18 avril 2019 et qu'il se bornait à soutenir qu'il n'avait reçu la carte de résident de 10 ans que le 5 juillet 2018, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond.

7. En premier lieu, si l'article L.212-1 du code des relations entre le public et l'administration énonce que la décision prise par une administration doit comporter la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée, qui comporte ces mentions, a été signée par la cheffe de section de la préfecture de la Seine-Maritime, qui disposait d'une délégation de signature régulière.

8. En deuxième lieu, la décision attaquée, qui précise que la demande d'échange de permis a été déposée au-delà du délai d'un an suivant la validité du premier titre de séjour délivré le 4 janvier 2018 fixé par l'article 4 - I de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, est suffisamment motivée.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des relevés fournis par l'administration, que le récépissé de demande de titre de séjour du 4 janvier 2018 doit être regardé, alors même que l'administration n'est pas en mesure d'en produire une copie, comme le premier titre de séjour provisoire établi à la suite de la reconnaissance de la qualité de réfugié à M. A..., permettant de fixer le point de départ de sa résidence normale en France au sens des dispositions citées au point 2. Par suite, en prenant comme point de départ du délai d'un an imparti à M. A... pour présenter sa demande d'échange de permis de conduire la date du 4 janvier 2018, le préfet de la Seine-Maritime a fait une exacte application des dispositions de l'article 11 de l'arrêté du 12 janvier 2012.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 19 juin 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a rejeté comme tardive sa demande d'échange de permis de conduire. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées au titre des articles L.911-1 et L.911-3 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 28 janvier 2022 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 6 avril 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Rousselle

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 462804
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 2023, n° 462804
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462804.20230427
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