Vu la procédure suivante :
M. Q... I... et Mme L... J... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 2 mars 2023 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a accepté le retrait de deux notaires de la société pluri-professionnelle d'exercice par actions simplifiée (SPELAS) " H... J... I... C... ", titulaire d'un office de notaire à la résidence de Perpignan et exerçant en outre la profession d'avocat, a énoncé que cette société était dissoute, a nommé la SPELAS " In'Nova " notaire à la résidence de Perpignan et a nommé les deux notaires précédemment mentionnés notaires associés. Par une ordonnance n° 2301484 du 23 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
I - Sous le n° 472753, par une requête et mémoire en réplique, enregistrés les 4 et 16 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. I... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 23 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 mars 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est entachée d'irrégularité faute de répondre aux moyens tirés, d'une part, de ce qu'il appartenait au ministre de vérifier que le projet de cession en cause, qui a pourtant fondé sa décision, a recueilli le consentement de la société, d'autre part, de ce que l'acceptation par le ministre de la justice du retrait de certains membres de la société a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés invoquées et, enfin, de ce que l'article 59 du décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 n'est pas applicable à une SPELAS exerçant les professions de notaire et d'avocat ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, d'une part, qu'il existe un risque que les actes notariaux instrumentés par la SPELAS " In'Nova " soient entachés d'illégalité et annulés par voie de conséquence de celle de l'illégalité et de l'annulation de l'arrêté litigieux, d'autre part, que la situation créée par cet arrêt entrave l'exercice de leur profession par les avocats de la SPELAS et prive les clients de celle-ci de représentation et, enfin, porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété du requérant en tant qu'actionnaire et créancier ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété, à la liberté d'entreprendre, à la liberté contractuelle ainsi qu'à l'indépendance de l'avocat, corollaire du droit à un avocat et du droit à un recours juridictionnel effectif ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence dès lors, d'une part, que l'article 59 du décret du 13 janvier 1993, que le garde des sceaux présente comme la base légale de son arrêté, ne saurait s'appliquer à une SPELAS exerçant les fonctions de notaire et d'avocat, d'autre part, que le décret du 29 décembre 2022 modifiant celui du 13 janvier 1993 est signé par le seul ministre de la justice et que le Conseil national des barreaux n'a pas été consulté préalablement à l'édiction des dispositions réglementaires appliquées, en méconnaissance des dispositions de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et, enfin, que les formalités d'entrée en vigueur de la dissolution d'une société d'exercice libéral de notaires ne sont pas compatibles avec celles qui régissent la dissolution d'une société d'avocats ni avec les dispositions de droit commun, issues du code de commerce, auxquelles obéit la dissolution d'une SPELAS exerçant les professions d'avocat et de notaire ;
- il est entaché d'erreur de droit et méconnaît gravement le droit à un avocat dès lors que le ministre de la justice a procédé à un contrôle de l'activité des avocats qui composent la SPELAS ;
- il est entaché d'erreur de fait en ce qu'il est fondé sur la circonstance erronée qu'aucun avocat n'exerçait plus au sein de la SPELAS dissoute ;
- il est entaché d'erreur de droit et porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté contractuelle, à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété en ce qu'il ne s'est pas opposé à la dissolution alors que celle-ci résulte d'une décision de l'assemblée générale des associés de la SPELAS méconnaissant l'article 1844 du code civil ;
- en retenant que le retrait des associés notaires au capital de la société impliquait nécessairement l'arrêt de l'activité notariale de la SPELAS et, par suite, la dissolution de cette dernière, alors que dans cette circonstance la société disposait d'un délai de six mois pour reprendre l'exercice de l'activité concernée, en vertu de l'article 11 du décret n° 2017-794 du 5 mai 2017, le ministre de la justice a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées ;
- le retrait des associés accepté par l'arrêté litigieux ne peut être légalement fondé sur l'article 26 du décret du 13 janvier 1993 ;
- le ministre de la justice a incompétemment procédé à un retrait capitalistique et non à un retrait d'exercice et a manqué à ses obligations en s'abstenant de contrôler effectivement les modalités de la cession et du transfert de la charge notariale opérés en conséquence de la dissolution de la SPELAS et de vérifier que ces opérations ont recueilli le consentement de la société, ce alors même que le contenu du traité de cession du 16 novembre 2022, qui a fondé l'arrêté contesté et que le ministre de la justice devait contrôler, est différent de ce qui a été voté lors de l'assemblée générale de la société du 5 octobre 2022, elle-même tenue irrégulièrement ;
- l'opération de transfert de la charge notariale opérée en conséquence de la dissolution de la SPELAS méconnaît le principe du caractère contradictoire de la procédure dès lors que ni les éléments transmis par le requérant, ni la réalité de la volonté du transfert de charge n'ont fait l'objet d'une appréciation par le garde des sceaux ;
- une atteinte grave et manifestement illégale a été portée aux libertés fondamentales invoquées en raison du refus du garde des sceaux de communiquer l'intégralité des documents réclamés relatifs à la procédure.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 12 avril 2023, l'ordre des avocats de Montpellier s'associe aux conclusions de la requête d'appel et demande que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que son intervention est recevable, que l'urgence est établie en raison de la gravité de l'atteinte à l'exercice de la profession d'avocat, et que les libertés fondamentales invoquées par l'appelant ont été méconnues de façon grave et manifestement illégale pour les mêmes motifs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, M. K... G..., Mme B... D..., M. E... C... P..., Mme A... F..., la société de participation financière des professions libérales (SPFPL) Scripto Verbo, la SPFPL Avonot Holding, la (SPFPL) Notavoc, la SPFPL Hold Jack et la société d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) In'Nova concluent, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. I..., à verser à la SELAS In'Nova, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La requête a été communiquée à M. M... H... qui n'a pas produit d'observations.
II. Sous le n° 472783, par une requête, enregistrée le 5 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme L... J... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 23 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 mars 2023.
Elle soutient que :
- l'ordonnance du juge des référés du tribunal de Montpellier est entachée d'irrégularité en ce que ses moyens n'ont pas été visés et en ce qu'elle ne se prononce pas sur la nomination de la SPELAS " In'Nova " comme notaire dans la résidence de Perpignant ;
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard à l'atteinte que l'arrêté contesté porte, en premier lieu, à ses intérêts, en ce qu'elle n'a plus accès à son outil de travail et a été écartée de ses dossiers, en deuxième lieu, à la sécurité juridique dès lors que tous les actes qui seront pris en conséquence de l'assemblée générale du 27 janvier 2023 et de la dissolution de la SPELAS seront à leur tour entachés d'irrégularité et, en dernier lieu, à son droit de propriété ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence dès lors que, d'une part, les articles 59 et 59-1 du décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 n'est pas applicable à une société pluriprofessionnelle incluant des avocats, de sorte que le ministre de la justice n'était pas compétent pour prononcer la dissolution de la SPELAS et, d'autre part, il n'est pas non plus compétent pour décider de la reprise de la charge notariale anciennement dévolue à la société dissoute par la société In'Nova ;
- il a été adopté au terme d'une procédure irrégulière, portant atteinte aux droits de la défense et méconnaissant sa situation professionnelle, dès lors que les pièces transmises par les membres notaires de la SPELAS au ministre de la justice ne lui ont pas été communiquées ;
- le traité de cession du 16 novembre 2022 sur lequel s'est fondé le ministre de la justice est entaché d'illégalité dès lors que son contenu excède ce qui a été voté lors de l'assemblée générale du 5 octobre 2022 et, de ce fait, n'a pas fait l'objet de son consentement ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit et d'appréciation dès lors que, d'une part, le ministre de la justice ne s'est pas borné à constater la dissolution de la SPELAS mais a porté une appréciation sur le déroulé de l'assemblée générale du 27 janvier 2023 et, d'autre part, a retenu, à tort, la régularité de cette dernière.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 12 avril 2023, l'ordre des avocats de Montpellier s'associe aux conclusions de la requête d'appel et demande que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que son intervention est recevable, que l'urgence est établie en raison de la gravité de l'atteinte à l'exercice de la profession d'avocat, et que les libertés fondamentales invoquées par l'appelante ont été méconnues de façon grave et manifestement illégale pour les motifs précédemment mentionnés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, M. K... G..., Mme B... D..., M. E... C... P..., Mme A... F..., la société de participation financière des professions libérales (SPFPL) Scripto Verbo, la SPFPL Avonot Holding, la (SPFPL) Notavoc, la SPFPL Hold Jack et la société d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) In'Nova concluent, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme J..., à verser à la SELAS In'Nova, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;
- l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 ;
- le décret n° 88-814 du 12 juillet 1988 ;
- le décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 ;
- le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 ;
- le décret n° 2017-794 du 5 mai 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. I..., Mme J... et l'ordre des avocats au barreau de Montpellier et, d'autre part, le garde des sceaux, ministre de la justice, ainsi que M. G..., Mme D..., M. C... P..., Mme F..., la SELAS In'Nova, la SPFPL Notavoc, la SPFPL Scripto Verbo, la SPFPL Hold Jack, la SPFPL Avonot Holding et M. H... ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 17 avril 2023, à 10 heures 30 :
- M. I... et sa représentante ;
- Mme J... ;
- Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. G..., de la SPFPL Scripto Verbo, de Mme D..., de la SPFPL Avonot Holding, de M. O..., de la SPFPL Novatoc, de Mme F..., de la SPFPL Hold Jack et de la SELAS In'nova ;
- la représentante de l'ordre des avocats au barreau de Montpellier ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. D'une part, il résulte de l'article 1er du décret du 12 juillet 1988 relatif à la nomination et à la cessation de fonctions des officiers publics et ministériels que le garde des sceaux, ministre de la justice, nomme et accepte le retrait des officiers publics ou ministériels d'une société titulaire d'un office. En vertu du deuxième alinéa de l'article 2 du même décret, l'arrêté par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, accepte le retrait d'un officier public ou ministériel, membre d'une société titulaire d'un office, prend effet à la date de sa publication.
3. D'autre part, il résulte de l'article 59 du décret du 13 janvier 1993 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, dans sa rédaction résultant du décret du 29 décembre 2022 relatif à la gestion des professions de commissaire de justice et de notaire, que la dissolution anticipée d'une société exerçant la profession de notaire prend effet à la date à laquelle elle est constatée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, ou à l'expiration d'un délai de deux mois en l'absence d'opposition de ce dernier.
4. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 27 juillet 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice, a nommé notaire à la résidence de Perpignan la société pluri-professionnelle d'exercice libéral par actions simplifiée (SPELAS) " H... J... I... C... ", exerçant la profession de notaire et celle d'avocat. Par un arrêté du 2 mars 2023 " portant dissolution d'une société pluri-professionnelle d'exercice par actions simplifiée et nomination d'une société pluri-professionnelle d'exercice par actions simplifiée ", le garde des sceaux, ministre de la justice a entendu, concomitamment, constater la dissolution de cette SPELAS sur le fondement des dispositions mentionnées au point 3, accepter le retrait de M. C... et Mme D..., notaires, de cette SPELAS et nommer la SPELAS " In'Nova " notaire à la résidence de Perpignan ainsi que les deux notaires précédemment mentionnés, notaires associés, sur le fondement des dispositions mentionnées au point 2. M. I... et Mme J..., avocats associés de la SPELAS " H... J... I... C... ", ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet arrêté du 2 mars 2023. Par deux requêtes distinctes qu'il y a lieu de joindre, les requérants forment appel de l'ordonnance du 23 mars 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a rejeté leur demande.
Sur l'intervention de l'ordre des avocats au barreau de Montpellier :
5. L'ordre des avocats au barreau de Montpellier justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'ordonnance attaquée et à la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux. Par suite, son intervention doit être admise.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
6. Eu égard, d'une part, à l'office qu'attribue l'article L. 521-2 du code de justice administrative au juge des référés du tribunal administratif, et, d'autre part, à la teneur des écritures de première instance de M. I..., de Mme J... et de l'ordre des avocats au barreau de Montpellier, l'ordonnance attaquée, qui juge qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale n'a été portée aux libertés invoquées par les requérants par cet arrêté, en particulier par le constat de la dissolution de la SPELAS en cause qui était plus particulièrement contesté, est suffisamment motivée.
Sur l'urgence :
7. Il appartient à toute personne demandant au juge administratif d'ordonner des mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Il revient au juge des référés d'apprécier, au vu des éléments que lui soumet le requérant comme de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si la condition d'urgence particulière requise par cet article est satisfaite, en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu'il entend défendre mais aussi l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des mesures prises par l'administration.
8. D'une part, l'arrêté attaqué, en ce qu'il constate la dissolution de la SPELAS " H... J... I... C... " à la suite d'une délibération de l'assemblée générale des associés de cette société du 27 janvier 2023 décidant de sa dissolution anticipée, ne saurait avoir pour effet de faire obstacle à ce que la représentation des clients de cette société soit assurée, le cas échéant par le biais du liquidateur de cette société exerçant la profession d'avocat, ces clients n'étant pas empêchés par ailleurs de recourir à un autre mandataire, tel que M. I... exerçant à titre individuel au barreau de Montpellier, ou M. H..., associé de la SPELAS exerçant au barreau de Perpignan et qui a d'ailleurs été expressément autorisé à reprendre sa clientèle par la même délibération. Si les requérants et l'intervenant soutiennent que la représentation par la SPELAS serait impossible faute d'accomplissement des formalités prévues par le décret du 5 mai 2017 relatif à la constitution, au fonctionnement et au contrôle des sociétés pluri-professionnelles d'exercice de professions libérales juridiques, judiciaires et d'expertise comptable prévues au titre IV bis de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et par le code de commerce, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas, en tout état de cause, une conséquence nécessaire de l'exécution de l'arrêté litigieux. De même, il ne résulte pas de l'instruction que cet arrêté ferait par lui-même obstacle à ce que Mme J... cesse définitivement son activité professionnelle, comme elle a indiqué souhaiter le faire, ou décide de poursuivre son activité à titre individuel. Il en résulte que l'existence d'un préjudice grave et immédiat aux intérêts professionnels des requérants comme à ceux des clients de la SPELAS dissoute n'est pas établi.
9. D'autre part, s'il est soutenu que l'arrêté litigieux porterait gravement atteinte au droit de propriété des requérants, lesquels ne font par ailleurs état d'aucune difficulté financière, aucune des circonstances invoquées à l'appui de cette assertion, notamment la gravité alléguée des irrégularités dont seraient entachées les décisions de l'assemblée générale des associés de la SPELAS dissoute et le " traité de cession " de l'office notarial du 16 novembre 2022, dont ils peuvent d'ailleurs contester la validité devant le juge judiciaire, ou le caractère " aléatoire " de la procédure d'inscription des créances, ne caractérise une situation d'urgence justifiant le prononcé, à très bref délai, des mesures prévues à l'article L. 521-2 du code de justice administrative. En outre, eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la continuité du service public notarial et aux difficultés qui pourraient résulter à cet égard de la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux, et alors que le juge administratif pourrait, le cas échéant, moduler dans le temps les effets d'une décision d'annulation pour excès de l'arrêté litigieux dans le cas où il estimerait que celle-ci emporterait des conséquences manifestement excessives, en particulier par la remise en cause de la validité des actes authentiques passés par la société In'Nova à laquelle la charge notariale de Perpignan a été transférée, il n'est pas établi qu'il y ait urgence à suspendre immédiatement l'exécution de cet arrêté en tant qu'il nomme cette société notaire à la résidence de Perpignan et deux notaires associés.
10. Enfin, l'invocation d'atteintes manifestement illégales aux libertés fondamentales dont se prévalent les requérants et l'intérêt public qui s'attache à leur respect ne traduisent pas en soi l'existence d'une situation d'urgence.
11. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est pas satisfaite. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté attaqué sur ce fondement.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à ce même titre à la charge des appelants.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'intervention de l'ordre des avocats au barreau de Montpellier est admise.
Article 2 : Les requêtes de M. I... et de Mme J... sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. G... et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme L... J..., M N..., au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. M... H..., à M. K... G..., à Mme B... D..., à M. E... C... P..., à Mme A... F..., à la SELAS In'Nova, à la SPFPL Notavoc, à la SPFPL Scripto Verbo, à la SPFPL Hold Jack, à la SPFPL Avonot Holding ainsi qu'à l'ordre des avocats au barreau de Montpellier.
Fait à Paris, le 25 avril 2023
Signé : Alexandre Lallet