Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision implicite née le 25 juin 2022 par laquelle le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours préalable obligatoire formé contre la décision du 7 avril 2022 par laquelle la commission locale d'agrément et de contrôle Ouest a refusé le renouvellement de sa carte professionnelle l'autorisant à exercer l'activité d'agent de sécurité, ainsi que cette décision. Par une ordonnance n° 2216093/6 du 12 août 2022, le juge des référés, après avoir considéré que ces conclusions devaient être regardées comme étant dirigées contre la décision du 4 août 2022, par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a expressément rejeté son recours préalable, a suspendu l'exécution de cette décision et enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité d'autoriser M. A..., dans un délai de huit jours et dans l'attente du jugement au fond, à exercer la profession d'agent privé de sécurité.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 août et 12 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des activités privées de sécurité demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du Conseil national des activtés privées de sécurité et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a, par une décision du 4 août 2022, rejeté le recours préalable de M. A... dirigé contre la décision du 7 avril 2022 par laquelle la commission locale d'agrément et de contrôle Ouest a refusé le renouvellement de sa carte professionnelle l'autorisant à exercer l'activité d'agent de sécurité. Le Conseil national des activités privées de sécurité se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 12 août 2022 par laquelle le juge des référés a suspendu l'exécution de cette décision et lui a enjoint d'autoriser M. A..., dans un délai de 8 jours, et dans l'attente du jugement au fond, à exercer sa profession d'agent privé de sécurité.
Sur l'intervention :
2. La société Uniprotect High Sec justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'ordonnance attaquée. Par suite, son intervention est recevable.
Sur le pourvoi :
3. L'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure régit, parmi les activités privées de sécurité, les activités de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds, de protection physique de personnes et de protection des navires. Aux termes de l'article L. 612-20 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés ; " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / (...) 4° bis Pour un ressortissant étranger ne relevant pas de l'article L. 233-1 du même code, s'il n'est pas titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, s'il a obtenu son premier titre de séjour en 2014, M. A... n'établit pas avoir été titulaire d'un document l'autorisant à séjourner en France pendant une période continue de cinq ans à la date de la décision attaquée, les périodes du 9 août 2017 au 2 juillet 2018 et du 31 décembre 2018 au 24 mai 2019, soit une durée totale de seize mois, n'étant couvertes par aucun titre de séjour ni aucun récépissé. Pour ordonner la suspension de la décision litigieuse, le juge des référés a considéré que l'administration avait pu apprécier le comportement, la probité et la moralité de M. A... depuis 2014, et en particulier durant la validité de sa précédente carte professionnelle, et que cette circonstance faisait obstacle à ce que le renouvellement de sa carte lui soit refusé sur le fondement du 4° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. En jugeant que la période de cinq années de détention d'un titre de séjour exigée par ces dispositions pouvait ainsi être discontinue, le juge des référés a méconnu les dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure et a ainsi entaché son ordonnance d'une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le Conseil national des activités privées de sécurité est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la demande en référé formée contre la décision du Conseil national des activités privées de sécurité du 4 août 2022 :
En ce qui concerne l'urgence :
7. D'une part, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.
8. D'autre part, aux termes de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux ". Dans le cas où un recours administratif préalable est obligatoire avant la saisine du le juge de l'excès de pouvoir, la saisine du juge des référés est cependant possible avant que l'administration ne se soit prononcée sur le recours administratif préalable. Toutefois, la circonstance que la demande de suspension intervienne postérieurement à la décision rendue sur recours administratif préalable ne suffit pas, par elle-même, à regarder la condition d'urgence comme n'étant pas remplie par principe. Il appartient alors au juge des référés d'apprécier objectivement l'urgence compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
9. Il ressort des pièces du dossier qu'ayant pris connaissance de la décision du 7 avril 2022 de la commission locale d'agrément et de contrôle ouest lui refusant le renouvellement de sa carte professionnelle, M. A... a formé le recours administratif préalable obligatoire prévu par l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure le 19 avril suivant. Le silence gardé par l'administration pendant deux mois sur ce recours a fait naître une décision implicite de rejet le 25 juin, dont M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation le 10 juillet 2022, et la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le 28 juillet suivant. Si M. A... n'a pas demandé la suspension de l'exécution de la décision du 7 avril 2022 dès le dépôt de son recours administratif préalable comme il lui était loisible de le faire, cette seule circonstance ne saurait suffire à regarder la condition d'urgence de sa demande en référé comme n'étant pas remplie, alors notamment que M. A... a introduit sa demande de suspension moins de deux mois après l'intervention de la décision implicite de rejet de son recours administratif préalable. Dès lors que l'exécution de cette décision aurait pour conséquence de le priver d'emploi et de ressources, son contrat ayant été suspendu et que son employeur lui ayant annoncé son intention de le rompre si la situation perdurait, et qu'il est constant qu'il contribue, notamment, à l'entretien et à l'éducation de son enfant, la condition d'urgence doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme satisfaite.
En ce qui concerne l'existence d'un moyen de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée :
10. En premier lieu, M. A... ne justifie pas avoir été titulaire d'un titre de séjour ou d'un récépissé depuis cinq ans à la date de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré du caractère erroné du motif opposé à sa demande par le Conseil national des activités privées de sécurité n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
11. En second lieu, aucun autre moyen présenté par M. A... n'est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision du Conseil national des activités privées de sécurité du 4 août 2022. Par suite, ses conclusions de première instance, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par le Conseil national des activités privées de sécurité tant dans l'instance devant le Conseil d'Etat que dans l'instance devant le juge des référés.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la société Uniprotect High Sec est admise.
Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 12 août 2022 est annulée.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par le Conseil national des activités privées de sécurité au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des activités privées de sécurité, à M. B... A... et à la société Uniprotect High Sec.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 24 avril 2023.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
La rapporteure :
Signé : Mme Juliette Mongin
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain