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19/04/2023 | FRANCE | N°472633

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 19 avril 2023, 472633


Vu la procédure suivante :

L'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre les opérations d'abattage sur les alignements d'arbres au droit du tracé de la future autoroute A 69, à titre principal, celles qui sont sur le point de débuter sur le territoire de la commune de Vendine, et ce dans l'attente de la délivrance éventuelle de la dérogation au titre de l'article L. 350-3 du code de l'environnement. <

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Par une ordonnance n° 2301521 du 24 mars 2023, le juge des référés...

Vu la procédure suivante :

L'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre les opérations d'abattage sur les alignements d'arbres au droit du tracé de la future autoroute A 69, à titre principal, celles qui sont sur le point de débuter sur le territoire de la commune de Vendine, et ce dans l'attente de la délivrance éventuelle de la dérogation au titre de l'article L. 350-3 du code de l'environnement.

Par une ordonnance n° 2301521 du 24 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 mars et 10 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'ordonner la cessation des opérations d'abattage sur les alignements d'arbres situés sur les communes de Maurens-Scopont, Puylaurens, Saint-Germain-des-Prés, Cambounet-sur-le-Sor limite Soual, Saïx, Cambounet-sur-le-Sor (Dicosa), Vendine et Verfeil, dans l'attente d'une éventuelle régularisation administrative au titre de l'article L. 350-3 du code de l'environnement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les opérations d'abattage d'arbres sont irréversibles et qu'elles vont se poursuivre au-delà du 31 mars ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé dans la mesure où, d'une part, le dossier de demande d'autorisation environnementale de la société Atosca ne comporte aucune demande de dérogation au titre de l'article L. 350-3 du code de l'environnement et que, d'autre part, il ne contient ni appréciation de l'impact du projet sur chacun des alignements d'arbres qui relèvent du régime spécifique de protection de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, ni mesure d'évitement et de compensation locale et financière des atteintes portées à ces alignements.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2023, la société Atosca conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 7 avril 2023, la société Guintoli demande au juge des référés de faire droit aux conclusions en défense du ministre et de la cohésion des territoires et de la société Atosca et de rejeter la requête de l'association requérante.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement à laquelle renvoie son Préambule ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 ;

- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées et, d'autre part, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la société Atosca et la société Guintoli ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 11 avril 2023, à 10 heures 30 :

- Me Perier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées ;

- les représentants de l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées ;

- les représentants du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;

- les représentants de la société Atosca ;

- Me Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Guintoli ;

- les représentants de la société Guintoli ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

Sur l'intervention de la société Guintoli :

2. La société Guintoli justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'ordonnance attaquée. Son intervention en défense est dès lors recevable.

Sur l'appel de l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées :

3. Aux termes de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle la société Atosca a présenté sa demande d'autorisation environnementale, " Les allées d'arbres et alignements d'arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d'aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l'objet d'une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques./ Le fait d'abattre, de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres est interdit, sauf lorsqu'il est démontré que l'état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures./ Des dérogations peuvent être accordées par l'autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction./ Le fait d'abattre ou de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres donne lieu, y compris en cas d'autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales, comprenant un volet en nature (plantations) et un volet financier destiné à assurer l'entretien ultérieur. ".

4. Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l'article premier de la Charte de l'environnement, présente le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Toute personne justifiant, au regard de sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu'elle entend défendre, qu'il y est porté une atteinte grave et manifestement illégale du fait de l'action ou de la carence de l'autorité publique, peut saisir le juge des référés sur le fondement de cet article. Il lui appartient alors de faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans le très bref délai prévu par ces dispositions, d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2, les mesures qu'il peut ordonner doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises.

5. L'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées fait appel de l'ordonnance du 24 mars 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête tendant, sur le fondement l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à la suspension des opérations d'abattage d'alignements d'arbres au droit du tracé de la future autoroute A 69 entre Castres et Verfeil.

6. Il résulte de l'instruction que si une partie des arbres formant des alignements le long des voies situées sur le parcours de la future autoroute ont été abattus dans le cadre de la phase préparatoire des travaux, les opérations d'abattage ont été suspendues le 31 mars dernier et ne reprendront pas avant le mois de septembre 2023. Comme l'ont indiqué les défendeurs à l'audience, cette interruption fait application de la mesure de réduction MR 03, annexée à l'arrêté interdépartemental d'autorisation environnementale du 1er mars 2023, relative à l'" adaptation du calendrier de travaux vis-à-vis des enjeux écologiques (flore, faune et zones humides) ", qui limite la période de déboisements, d'une part, entre le 1er septembre et la mi-novembre, et, d'autre part, entre le 15 février et le 31 mars " dans les secteurs à moindres enjeux avec validation de la DREAL/DE ", n'autorisant toute l'année que les interventions ponctuelles de coupe d'arbre sans cavité en l'absence de gîtes potentiels pour les chauve-souris et les oiseaux. Si des interrogations ont été émises à l'audience par l'association requérante sur la possibilité d'utiliser cette dérogation pour procéder à l'abattage d'alignements d'arbres au bord d'une route, les sociétés Atosca, concessionnaire de l'autoroute, et Guintoli, mandataire du groupement d'entreprises chargées des travaux de construction, ont confirmé qu'elles respecteraient la période d'interdiction d'abattage des alignements d'arbres qui ne sauraient entrer dans le champ de cette dérogation. Ces dernières ont d'ailleurs assuré à l'audience que le programme des travaux ne comportait aucun abattage d'arbres entrant dans le champ de la protection de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, cité au point 3, avant le mois de septembre prochain. Enfin, contrairement à ce que soutient l'association requérante, ni le communiqué de presse publié le 31 mars 2023 par la société Atosca, qui se borne à faire le point sur les travaux réalisés et ne mentionne, au titre des prochains travaux forestiers, que la seule coupe d'arbres isolés entrant dans le champ de la dérogation à la période d'interdiction des déboisements, ni l'arrêté du préfet du Tarn du 31 mars 2023 qui réglemente la circulation entre les communes du Saïx et de Cambounet-le-So dans le cadre des travaux de déboisement et dont il a été indiqué à l'audience qu'il s'agissait de faciliter le ramassage des arbres déjà abattus, ne permettent de mettre en doute la réalité de l'interruption de l'abattage des alignements d'arbres qui sont seuls en cause dans la présente instance. Il s'ensuit que la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est pas, en l'espèce, satisfaite.

7. Il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Atosca.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de la société Guintoli est admise.

Article 2 : La requête de l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Atosca sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ainsi qu'à la société Atosca.

Copie en sera adressée à la société Guintoli.

Fait à Paris, le 19 avril 2023

Signé : Nathalie Escaut


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 472633
Date de la décision : 19/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2023, n° 472633
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:472633.20230419
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