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18/04/2023 | FRANCE | N°472647

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 avril 2023, 472647


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril et 12 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 2 février 2023 portant nomination et radiation de conseillers du commerce extérieur de la France, en ce qu'il l'a radié de la fonction ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des d

ispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril et 12 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 2 février 2023 portant nomination et radiation de conseillers du commerce extérieur de la France, en ce qu'il l'a radié de la fonction ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la sanction disciplinaire de radiation dont il fait l'objet porte un atteinte grave et immédiate, d'une part, à sa réputation, remettant en cause son honnêteté et son aptitude à intervenir dans le commerce international, et par suite son contrat de travail qui le lie à l'entreprise qu'il dirige, d'autre part, à la réputation et à la situation économique de cette même entreprise, déjà fragilisée par la crise sanitaire ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

- la sanction de radiation n'a pas été prise sur proposition du ministre chargé du commerce extérieur, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du décret n° 2010-663 du 17 juin 2010 ;

- elle n'a pas été prise après avis de la commission consultative, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du même décret, alors que cet avis aurait exercé une influence sur le sens de la décision de la Première ministre ;

- contrairement à ce que retient la décision contestée, il n'a pas cessé de remplir les conditions exigées pour exercer son mandat, ni fait un usage abusif de ses titres dans l'exercice de sa profession en vue d'en tirer un avantage personnel, ni cessé de se conformer, pendant plus d'un an, aux dispositions de l'article premier du même décret ;

- la mesure de radiation prononcée à son encontre est disproportionnée au regard de la nature de ses propos en ce qu'ils ne portent pas atteinte au rayonnement international de la France et, en tout état de cause, l'obligation de contribution au rayonnement international de la France ne peut être assimilée à un devoir de réserve, lequel n'est jamais imposé aux conseillers au commerce extérieur de la France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2010-663 du 17 juin 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... et, d'autre part, le secrétaire général du gouvernement, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 13 avril 2023, à 10 heures 30 :

- Me Perier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- le représentant de M. A... ;

- M. A... ;

- les représentants du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;

- la représentante du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur le cadre juridique applicable au litige et la procédure suivie par l'administration :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 17 juin 2010 : " Les conseillers du commerce extérieur de la France concourent par des actions bénévoles au développement des échanges internationaux de la France et, à ce titre, sont des correspondants du ministre chargé de l'économie./Ils assistent les pouvoirs publics en leur soumettant des communications relatives au commerce extérieur et en répondant à des demandes d'enquêtes. Ils les appuient dans leurs actions pour le développement international des entreprises, en particulier en faveur des petites et moyennes entreprises, et apportent leurs compétences et leur expérience en matière de soutien à la formation et à l'accompagnement des jeunes sur les marchés internationaux, notamment la promotion de la procédure des volontaires internationaux en entreprise. Ils s'engagent à participer aux travaux et réunions de la section ou du comité local auquel ils sont rattachés./Ils sont membres du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France, association reconnue d'utilité publique par le décret du 9 mars 1921 susvisé./ /Ils exercent leur mandat à titre gratuit ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " I. ' Le mandat de conseiller du commerce extérieur de la France cesse par la démission ou le changement de pays de résidence de l'intéressé./II. ' Les conseillers du commerce extérieur de la France peuvent être radiés par décret du Premier ministre, sur proposition du ministre chargé du commerce extérieur, après avis de la commission prévue à l'article 4, soit qu'ils ne remplissent plus les conditions exigées pour exercer leur mandat, soit qu'ils aient fait un usage abusif de leur titre dans l'exercice de leur profession en vue d'en tirer un avantage personnel, ou encore qu'ils ne se soient pas conformés, pendant plus d'une année, aux dispositions de l'article 1er. "

3. M. A..., dirigeant de la société CIFAL, a été nommé conseiller du commerce extérieur de la France en 1994, et renouvelé dans ces fonctions pour la dernière fois par un décret du 11 janvier 2022. Il a fait l'objet, le 2 mai 2022, d'un avertissement, notifié par une lettre du président du comité national des conseillers du commerce extérieur de la France, suivant la recommandation du 25 avril 2022 du comité d'éthique des conseillers du commerce extérieur de la France. Après s'être vu notifier l'ouverture d'une procédure de radiation à son encontre et avoir été invité à présenter ses observations, il a été radié de la liste des conseillers du commerce extérieur de la France par un décret du 2 février 2023. Cette décision, dont M. A... demande la suspension, se fonde sur le fait qu'il ne remplit plus les conditions exigées par la qualité de conseiller du commerce extérieur, du fait de ses prises de position publiques virulentes et répétées, tant sur deux chaînes de télévision que sur les réseaux sociaux, défendant des thèses radicalement opposées aux positions diplomatiques de la France dans le conflit opposant la Russie et l'Ukraine, et assimilant l'action des forces armées ukrainiennes au nazisme. Ces prises de position se sont poursuivies après l'avertissement dont il a fait l'objet le 2 mai 2022.

Sur l'urgence à suspendre la décision attaquée :

4. Pour établir l'urgence à suspendre la décision le radiant de la liste des conseillers du commerce extérieur de la France, M. A... fait valoir qu'elle porte une atteinte grave à sa réputation professionnelle et à son activité, eu égard au fait que ses clients potentiels seront conduits, lors des diligences auxquelles ils procèdent avant d'avoir recours aux services de son entreprise, à en prendre connaissance, notamment par la consultation des informations le concernant sur internet.

5. Toutefois, d'une part, ainsi qu'il ressort des dispositions citées au point 2, la qualité de conseiller du commerce extérieur de la France n'est pas destinée à l'usage personnel ni au soutien de l'activité professionnelle de ceux qui se la voient reconnaître, mais à organiser le concours qu'ils apportent au ministre chargé de l'économie afin de soutenir le développement des échanges internationaux de la France. D'autre part, il résulte de l'instruction que les difficultés des entreprises dirigées par M. A..., qui ont résulté notamment des sanctions prises après l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, sont antérieures à la publication de décret attaqué, sans que M. A... apporte d'élément établissant que sa radiation, dont le motif ne figure pas dans le décret attaqué, soit à l'origine de difficultés spécifiques. Par suite, la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme satisfaite.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris les conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et au secrétaire général du gouvernement.

Fait à Paris, le 18 avril 2023

Signé : Cyril Roger-Lacan


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 472647
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 avr. 2023, n° 472647
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:472647.20230418
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