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05/04/2023 | FRANCE | N°459652

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 05 avril 2023, 459652


Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à ce que soit attribuée la mention " Mort pour la France " à son père M. B... A..., d'autre part, la décision implicite par laquelle elle a refusé de procéder au versement du solde de la prime de captivité ainsi que la prime de démobilisation dues à son père, et d'enjoindre à la ministre de faire procéder à la liquidation et au versement des sommes concernées, assorties des in

térêts au taux légal. Par un jugement n° 1803260 du 25 septembre 2020, le...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à ce que soit attribuée la mention " Mort pour la France " à son père M. B... A..., d'autre part, la décision implicite par laquelle elle a refusé de procéder au versement du solde de la prime de captivité ainsi que la prime de démobilisation dues à son père, et d'enjoindre à la ministre de faire procéder à la liquidation et au versement des sommes concernées, assorties des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 1803260 du 25 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20PA03559 du 19 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que M. A... avait formé contre ce jugement en tant qu'il rejetait sa demande relative au versement du solde de la prime de captivité ainsi que de la prime de démobilisation dues à son père.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 décembre 2021, 21 mars, 25 mai et 2 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi du 29 janvier 1831, modifiée notamment par la loi n° 456-0195 du 31 décembre 1945 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 mars 2023, présentée par M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par courrier du 1er octobre 2017, M. C... A... a demandé à la ministre des armées de faire procéder, d'une part, à l'attribution à son père M. B... A..., décédé lors des évènements qui se sont produits au camp de Thiaroye (Sénégal) le 1er décembre 1944, de la mention " Mort pour la France ", d'autre part, au versement du solde des primes de captivité et de démobilisation restant dues à son père à cette date. Des décisions implicites de rejet étant nées du silence gardé par la ministre sur ces demandes, M. A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions et à ce qu'il soit enjoint à la ministre des armées de lui verser, en sa qualité d'ayant-droit de son père, les sommes restant dues à son père. Par jugement du 25 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions tendant à l'attribution à M. B... A... de la mention " Mort pour la France " et rejeté le surplus de ses conclusions. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 octobre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement en tant qu'il rejetait sa demande relative au versement du solde de la prime de captivité ainsi que de la prime de démobilisation dues à son père.

2. Aux termes de l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, dans sa rédaction issue de l'article 148 de la loi du 31 décembre 1945 portant fixation du budget général (services civils) pour l'exercice 1946, applicable à la créance : " Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics, sans préjudice des déchéances prononcées par des lois antérieures ou consenties par des marchés et conventions, toutes créances qui, n'ayant pas été acquittées avant la clôture de l'exercice auquel elles appartiennent, n'auraient pu être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre années à partir de l'ouverture de l'exercice pour les créanciers domiciliés en Europe et de cinq années pour les créanciers domiciliés hors du territoire européen ". Aux termes de l'article 10 de la même loi du 29 janvier 1831, dans sa rédaction issue du décret-loi du 30 octobre 1935, la prescription n'est pas applicable " aux créances dont l'ordonnancement et le paiement n'auraient pu être effectués dans les délais déterminés par le fait de l'administration ou par suite de recours devant une juridiction ".

3. Il résulte des dispositions citées au point 2 que l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831 avait institué un régime de déchéance quadriennale dans le cadre duquel la prescription des créances détenues sur l'administration était acquise à l'issue d'un délai de quatre ans qui courait à compter de l'exercice auquel elles se rattachaient. En revanche, aucune des dispositions de ce texte ne prévoyait que la prescription ne courrait pas contre le créancier qui pouvait être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement.

4. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en jugeant que les créances correspondant au solde de la prime de captivité et à la prime de démobilisation de M. B... A... étaient prescrites à la date à laquelle ses ayants-droit ont saisi le juge administratif, en 2018, sans qu'ait d'incidence sur le cours de la prescription la circonstance que Mme A... aurait été dans l'incapacité de connaître les conditions exactes du décès de son époux, la cour administrative d'appel, qui a estimé que la prescription avait commencé à courir au plus tard à compter de l'année 1953 au cours de laquelle Mme A... a eu connaissance de sa qualité d'ayant-droit, le décès de son époux ne lui ayant été notifié que le 8 août de cette année, et dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis.

5. En deuxième lieu, la cour ne s'est pas méprise sur la portée des écritures de M. C... A... en déduisant de la circonstance qu'il indiquait avoir ignoré jusqu'en 2013 l'existence de la circulaire du ministre des armées du 4 décembre 1944, affirmant à tort que l'ensemble des primes de captivité dues aux anciens combattants sénégalais leur avaient été régulièrement versées, que cette circulaire ne pouvait être regardée comme un fait de l'administration au sens de l'article 10 de la loi du 29 janvier 1831 de nature à modifier le cours des délais de prescription.

6. En troisième lieu, les moyens tirés, d'une part, de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en refusant de regarder sa créance comme devant être rattachée à l'exercice 2014, au cours duquel le Président de la République a prononcé, lors d'un déplacement au Sénégal, un discours portant sur les évènements survenus en 1944 au camp de Thiaroye et, d'autre part, de ce que les demandes indemnitaires du 1er décembre 1944 formées par M. B... A... auraient interrompu le cours de la prescription de ses créances et prorogé le délai de recours contentieux sont nouveaux en cassation et, par suite, inopérants. Il en va de même des moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part et en tout état de cause, de ce que les déclarations du Président de la République en 2014 auraient fait naître une obligation naturelle, transformée en obligation civile.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 459652
Date de la décision : 05/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 avr. 2023, n° 459652
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elise Adevah-Poeuf
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:459652.20230405
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