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13/03/2023 | FRANCE | N°465369

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 13 mars 2023, 465369


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Société de travaux publics et de construction du Littoral (STPCL) a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Par un jugement n° 1806762 du 24 juin 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20MA03103 du 5 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de la so

ciété, a réduit le bénéfice taxable de l'exercice clos en 2010 d'une somme de 19...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Société de travaux publics et de construction du Littoral (STPCL) a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Par un jugement n° 1806762 du 24 juin 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20MA03103 du 5 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de la société, a réduit le bénéfice taxable de l'exercice clos en 2010 d'une somme de 195 587 euros correspondant à une reprise de provisions, prononcé la réduction correspondante de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés en litige et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 juin 2022 et 3 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 4 de cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de la STPCL ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 février 2023, présentée par la STPCL ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société par actions simplifiée (SAS) Société de travaux publics et de construction du Littoral (STPCL) a, au titre des exercices clos en 2006, 2007, 2008 et 2009, inscrit en comptabilité des dotations aux provisions pour dépréciation de créances douteuses pour un montant total de 195 587 euros puis a, en 2010, estimant que les créances correspondantes étaient devenues irrécouvrables et après avoir repris les provisions devenues sans objet, constaté une perte d'un montant de 205 884 euros. A la suite d'une vérification de comptabilité de cette société, l'administration a, notamment, estimé que les créances en litige, d'un montant de 205 884 euros, avaient été regardées à tort comme irrécouvrables et a réintégré la charge correspondante au résultat de l'exercice clos en 2010. Par un jugement du 10 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des suppléments d'imposition mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que celui-ci, faisant partiellement droit à l'appel formé par la STPCL contre ce jugement, a réduit son bénéfice imposable au titre de l'exercice clos en 2010 de la somme de 195 587 euros et prononcé la réduction correspondante de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés en litige.

2. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les comptes de l'exercice (...) ". Lorsqu'une provision a été constituée dans les comptes de l'exercice, et sauf si les règles propres au droit fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de cet article limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions, le résultat fiscal de ce même exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d'un ou de plusieurs exercices ultérieurs, entraîne en revanche une augmentation de l'actif net du ou des bilans de clôture du ou des exercices correspondants.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ".

4. Pour prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la STPCL avait été assujettie à raison de la réintégration dans son résultat imposable, au titre de l'exercice clos en 2010, de la somme de 205 884 euros qu'elle avait regardée à tort comme une perte sur créances irrécouvrables, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que cette réintégration faisait apparaitre une double imposition partielle au préjudice de cette société, dès lors que celle-ci avait, au cours du même exercice, procédé à la reprise des provisions précédemment constituées à raison du caractère douteux de ces mêmes créances, à hauteur d'un montant total de 195 587 euros. Elle en a déduit que la société était fondée à demander le bénéfice de la compensation entre le rehaussement de ses bases imposables et le rétablissement de ces provisions, qu'elle avait reprises à tort dès lors que le caractère douteux des créances demeurait.

5. Toutefois, il résulte des dispositions précitées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts qu'une provision ne saurait être déduite du résultat de l'exercice si elle n'a pas été effectivement constatée dans les écritures comptables à la clôture de l'exercice. Le défaut de constitution d'une provision n'est ainsi pas susceptible de faire l'objet d'une correction demandée par voie de réclamation ou, après l'expiration du délai de réclamation, par voie de compensation à l'occasion d'un rehaussement. Dès lors que, ainsi que l'a relevé la cour, les provisions qui avaient été constituées par la STPCL au titre des exercices clos entre 2006 et 2009 avaient été reprises au cours de l'exercice clos en 2010 et ne figuraient plus au bilan de clôture de cet exercice, l'absence de déduction du montant de ces provisions pour le calcul du résultat passible de l'impôt sur les sociétés au titre de cet exercice ne pouvait être regardée comme caractérisant une surtaxe commise au détriment de la société ou une double imposition de nature à ouvrir droit à une demande de compensation à l'occasion de la réintégration par l'administration de la perte sur créances irrécouvrables. Par suite, en faisant droit à la demande de compensation de la STPCL, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation des articles 1er à 4 de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ". L'article R. 60-1 du même livre prévoit, pour l'application de ces dispositions, que " le contribuable est convoqué trente jours au moins avant la date de la réunion. Le rapport et les documents mentionnés à l'article L. 60 doivent être tenus à sa disposition, au secrétariat de la commission, pendant le délai de trente jours qui précède la réunion de cette commission. "

9. Si aucune des pièces du dossier ne permet d'établir la date à laquelle la société requérante a reçu le courrier la convoquant à la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 29 septembre 2015, il résulte de l'instruction que son conseil a été informé de cette convocation au plus tard le 21 septembre 2015. L'administration fiscale fait par ailleurs valoir sans être contredite qu'à cette même date, elle avait communiqué à ce conseil, à sa demande, le rapport qu'elle avait établi à l'attention de la commission. Dans ces conditions, il était loisible à la société, soit de participer à la séance du 29 septembre 2015, soit d'en solliciter le report à une date ultérieure. Elle ne peut dès lors être regardée comme ayant été privée, dans les circonstances de l'espèce, de la garantie prévue par l'article R. 60-1 du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition serait irrégulière pour ce motif ne peut ainsi, et en tout état de cause qu'être écarté.

10. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la réintégration dans le résultat imposable de la société au titre de l'exercice clos en 2010 d'une perte sur créances irrécouvrables de 205 884 euros, après que cette dernière eut procédé à la reprise des provisions qu'elle avait précédemment constituées pour une partie de ce montant au titre du risque de perte de ces mêmes créances, n'a pas entraîné une surtaxe commise à son détriment ou une double imposition au sens et pour l'application des dispositions citées au point 3. Il s'ensuit que la société n'est pas fondée à demander le bénéfice d'une compensation entre la réintégration des sommes en cause dans ses bases d'impôt sur les sociétés et le montant de ces provisions.

11. Il résulte de ce qui précède que la STPCL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 4 de l'arrêt du 5 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille sont annulés.

Article 2 : L'appel de la STPCL est rejeté.

Article 3 : Les impositions dont la cour administrative d'appel de Marseille a prononcé la décharge sont remises à la charge de la STPCL.

Article 4 : Les conclusions présentées par la STPCL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société par actions simplifiée Société de travaux publics et de construction du Littoral.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 13 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Lapierre

La secrétaire :

Signé : Mme Catherine Meneyrol


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 465369
Date de la décision : 13/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2023, n° 465369
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Lapierre
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : CABINET FRANÇOIS PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465369.20230313
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