Vu la procédure suivante :
La société Le Chalet des Jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 3 618 121 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure de passation pour l'attribution de trente traités de sous-concession du service public balnéaire sur la plage de Pampelonne, avec intérêts au taux légal et capitalisés. Par un jugement n° 1900616 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21MA03747 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et condamné la commune de Ramatuelle à payer à la société Le Chalet des Jumeaux une somme de 2 725 795 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisés.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 juin et 12 septembre 2022 et le 30 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Ramatuelle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;
- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Pinet, avocat de la commune de Ramatuelle et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Le Chalet des Jumeaux ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet du Var a accordé à la commune de Ramatuelle la concession de la plage naturelle de Pampelonne pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019. La commune de Ramatuelle a engagé, le 30 juin 2017, une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution de trente traités de sous-concession du service public balnéaire sur cette plage. Par un jugement du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la société Le Chalet des Jumeaux tendant à ce qu'elle soit indemnisée du préjudice subi en raison de son éviction de l'ensemble de trente lots de cette procédure. Par l'arrêt attaqué du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et condamné la commune de Ramatuelle à payer à la société Le Chalet des Jumeaux une somme de 2 725 795 euros, correspondant au résultat net attendu de l'exploitation du traité de sous-concession mis en concurrence au titre du lot n° E3, dont elle a considéré que la société Le Chalet des Jumeaux avait été privée d'une chance sérieuse de se le voir attribuer.
2. Aux termes de l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ".
3. Les concessions sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire. Il lui appartient à ce titre d'indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Marseille, pour estimer que la société Le Chalet des Jumeaux avait été irrégulièrement privée d'une chance sérieuse de se voir attribuer le lot n° E3 et condamner la commune de Ramatuelle à l'indemniser du préjudice résultant de son éviction de la procédure de passation de ce lot, a considéré que la commune avait entaché cette procédure d'un vice qui découlait notamment de l'insuffisante définition de ses besoins, faute pour elle d'avoir précisé le " niveau de standing " des établissements qui était attendu pour chaque lot. En statuant ainsi, alors que l'autorité concédante avait informé les candidats sur les principales caractéristiques du service public concédé, et qu'elle n'était pas tenue de définir cet élément de la stratégie commerciale des établissements exploités sur chacun des lots, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille doit être annulé.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 500 euros à verser à la commune de Ramatuelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande que présente la société Le Chalet des Jumeaux sur son fondement.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La société Le Chalet des Jumeaux versera la somme de 500 euros à la commune de Ramatuelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées sur le même fondement sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Ramatuelle et à la société Le Chalet des Jumeaux.