Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1918412 du 21 juillet 2021, enregistrée le 21 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l'Association des viticulteurs d'Alsace.
Par cette requête et un nouveau mémoire, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Paris le 22 août 2019 et le 2 février 2021, l'Association des viticulteurs d'Alsace demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'action et des comptes publics et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation du 28 février 2019 relatif à la mise en œuvre du dispositif d'autorisations de plantation en matière de gestion du potentiel de production viticole - Campagne 2019, en tant qu'il ne comporte aucune limitation du nombre d'hectares rendus disponibles, au sein de la zone Alsace, pour la délivrance d'autorisations de plantation nouvelle pour des superficies situées hors de l'aire de l'appellation d'origine protégée (AOP) Alsace, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. L'Association des viticulteurs d'Alsace demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre de l'action et des comptes publics et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation du 28 février 2019 relatif à la mise en œuvre du dispositif d'autorisations de plantation en matière de gestion du potentiel de production viticole - Campagne 2019, en tant qu'il ne comporte aucune limitation du nombre d'hectares rendus disponibles, au sein de la zone Alsace, pour la délivrance d'autorisations de plantation nouvelle pour des superficies situées hors de l'aire de l'appellation d'origine protégée (AOP) Alsace, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes de l'article 63 du règlement (CE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, relatif au mécanisme de sauvegarde pour les nouvelles plantations, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " 1. Chaque année, les États membres rendent disponibles des autorisations de nouvelles plantations correspondant à 1 % de la superficie totale effectivement plantée en vigne sur leur territoire, telle que mesurée au 31 juillet de l'année précédente. / 2. Les États membres peuvent: a) appliquer au niveau national un pourcentage inférieur au pourcentage énoncé au paragraphe 1 ; b) limiter la délivrance d'autorisations au niveau régional, pour des superficies particulières sur lesquelles peuvent être produits des vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée, pour des superficies sur lesquelles peuvent être produits des vins bénéficiant d'une indication géographique protégée ou pour des superficies sans indication géographique. / 3. Toute restriction visée au paragraphe 2 contribue à assurer une croissance contrôlée des plantations de vigne, produit une croissance d'un niveau supérieur à 0 % et est motivée par l'un ou plusieurs des motifs précis suivants : a) la nécessité d'éviter un risque dûment démontré d'offre excédentaire de produits vitivinicoles eu égard aux perspectives offertes par le marché pour ces produits, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour satisfaire cette nécessité ; b) la nécessité d'éviter un risque dûment démontré de dépréciation importante d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée donnée. / 4. Les États membres rendent publique toute décision adoptée en application du paragraphe 2, qui doit être dûment motivée. Les États membres notifient immédiatement à la Commission lesdites décisions ainsi que leurs motivations ".
3. Aux termes de l'article D. 665-2 du code rural et de la pêche maritime : " Les ministres chargés de l'agriculture et du budget peuvent, par arrêté, rendre disponibles, au niveau national, des autorisations de plantation nouvelle correspondant à une superficie inférieure à 1 % de la superficie totale effectivement plantée en vigne telle que mesurée au 31 juillet de l'année précédente, en application du a du 2 de l'article 63 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, après avis des comités nationaux compétents de l'INAO et du conseil spécialisé de la filière viticole de l'établissement mentionné à l'article L. 621 1. / Les éléments justifiant l'adoption de l'arrêté mentionné au premier alinéa sont publiés au Bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture ". Aux termes du III de l'article D. 665-4 du même code : " Les limitations du nombre d'hectares rendus disponibles pour la délivrance d'autorisations de plantation nouvelle pour des superficies ne bénéficiant ni d'une appellation d'origine protégée ni d'une indication géographique protégée, qui peuvent être décidées en application du b du 2 de l'article 63 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, sont fixées par arrêté des ministres chargés de l'agriculture et du budget, après avis du conseil spécialisé de la filière viticole de l'établissement mentionné à l'article L. 621-1 et, lorsque les vignes concernées se situent dans une zone de production de vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée, du comité national compétent de l'INAO ".
4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que, si des autorisations de plantation nouvelle correspondant à 1 % de la superficie totale effectivement plantée en vigne au 31 juillet de l'année précédente sont en principe rendues disponibles chaque année, les ministres chargés de l'agriculture et du budget peuvent déterminer chaque année, par des décisions dûment motivées, soit un taux maximal de progression de la surface totale de vignes en France inférieur à 1 %, soit des limitations applicables dans certaines zones géographiques et pour certains produits vitivinicoles, sous réserve, d'une part, que la croissance autorisée demeure supérieure à 0 % et à la condition, d'autre part, que ces limitations soient justifiées par l'existence d'un risque dûment démontré d'offre excédentaire de produits vitivinicoles ou de dépréciation importante d'une ou plusieurs appellations d'origine protégée ou indications géographiques protégées.
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
5. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres (...) ". L'arrêté attaqué du ministre de l'action et des comptes publics et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en tant qu'il prévoit, pour certains produits vitivinicoles et dans certaines zones géographiques, des limitations du nombres d'hectares rendus disponibles pour l'octroi d'autorisations de nouvelles plantations de vigne, présente un caractère réglementaire. Par suite, contrairement à ce que soutient l'Association des viticulteurs d'Alsace, sa demande ressortit à la compétence du Conseil d'Etat, statuant en premier et dernier ressort.
Sur les moyens de la requête :
6. L'arrêté attaqué du 28 février 2019, pris en application des dispositions du code rural et de la pêche maritime précédemment citées, fixe à 1 % l'augmentation maximale de la superficie totale effectivement plantée en vigne sur le territoire national pour 2019, représentant 8 109 hectares rendus disponibles pour l'octroi d'autorisations de plantation nouvelle de vigne, et prévoit des limitations du nombre d'hectares rendus disponibles pour certains produits viticoles et dans certaines zones géographiques, énumérés dans son annexe 1. En ce qui concerne la zone Alsace, le point c de l'annexe 1 de l'arrêté attaqué ne prévoit, pour les vins sans indication géographique, une limitation à 0,1 hectare qu'à l'intérieur de l'aire géographique de l'AOP Alsace. Il en résulte qu'en dehors de l'aire de l'AOP Alsace, l'arrêté ne fixe pas de limitation spécifique au sein de la zone Alsace de la surface rendue disponible pour la délivrance d'autorisations de plantation nouvelle de vignes, seule la limite générale d'augmentation maximale de la superficie totale effectivement plantée en vigne sur le territoire national trouvant à s'appliquer.
7. Si l'Association des viticulteurs d'Alsace fait valoir, à l'appui de sa demande d'annulation, que le conseil spécialisé pour la filière viticole de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la pêche (FranceAgriMer) a proposé, dans son avis du 20 février 2019, de limiter à 0,25 hectare, pour les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, les surfaces rendues disponibles pour l'octroi d'autorisations de plantation nouvelle pour les vins sans indication géographique, hors de l'aire géographique de l'AOP Alsace, et que le précédent arrêté du 28 février 2018 pour la campagne 2018 limitait à 0,10 hectare les surfaces rendues disponibles pour la délivrance d'autorisations de plantation nouvelle pour les vins sans indication géographique pour les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, elle n'avance aucun élément suffisamment étayé au soutien de son allégation selon laquelle l'absence de limitation de la surface rendue disponible pour la délivrance d'autorisations de plantation nouvelle au sein de la zone Alsace pour la campagne 2019, en dehors de l'aire de l'AOP Alsace, aurait été susceptible de créer un risque dûment démontré d'offre excédentaire de produits vitivinicoles eu égard aux perspectives offertes par le marché ou de dépréciation importante de l'AOP Alsace. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les ministres auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en n'édictant pas une telle limitation.
8. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'Association des viticulteurs d'Alsace doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Association des viticulteurs d'Alsace est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association des viticulteurs d'alsace, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 décembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Françoise Tomé, M. Géraud Sajust de Bergues, conseillers d'Etat et M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 6 janvier 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Mathieu Le Coq
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin