Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mars et 13 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler la décision n° CS 2021-25 du 20 octobre 2021 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), d'une part, lui a interdit pendant une durée de quatre années, à compter du 18 mai 2019, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue sportive professionnelle ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l'un des membres de celle-ci, d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport, ainsi que toute fonction d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle ou d'un de leurs membres, et de prendre part à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, ou le Comité national olympique et sportif français, ainsi qu'aux activités sportives impliquant des sports de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage, d'autre part, a décidé qu'un résumé de cette décision serait publié sur le site internet de l'AFLD ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler cette décision en tant qu'elle lui refuse le bénéfice du sursis à exécution en application de l'article L. 230-4 du code du sport et qu'elle a décidé de la publication d'un résumé sur internet, et de réduire la durée des sanctions prononcées à deux ans ;
3°) de mettre à la charge de l'AFLD la somme de 3 500 euros à verser à la SARL Le Prado-Gilbert, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision attaquée ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code du sport ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2018-1283 du 27 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. A..., et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion d'une manifestation de pancrace, M. B... A... a fait l'objet d'un contrôle antidopage qui a révélé la présence dans ses urines de 168-hydroxystanozolol et de 168-hydroxy-stanozolol-O-glucuronide, métabolites du stanozolol. Par une décision du 20 octobre 2021, la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre la sanction d'interdiction pendant une durée de quatre ans de participer à l'organisation et au déroulement de manifestations sportives, aux entraînements y préparant ainsi qu'à des activités sportives, d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport, ainsi que toute fonction d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle ou d'un de leurs membres. M. A... demande au Conseil d'Etat l'annulation de cette décision.
Sur la procédure disciplinaire :
2. Aux termes de l'article R.232-95 du code du sport : " Les débats ne sont pas publics sauf demande contraire formulée, avant l'ouverture de la séance, par l'intéressé, ou son conseil, ou le cas échéant, la ou les personnes investies de l'autorité parentale ou le représentant légal./ Le membre du collège ou l'agent de l'agence désigné en application du dernier alinéa de l'article R. 232-11 pour représenter le collège peut également demander la publicité des débats, à condition que l'intéressé ait donné son consentement par écrit. Le président peut rejeter la demande de publicité des débats pour des motifs tenant à l'ordre public ou à un secret protégé par la loi ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'intéressé ou son défenseur a droit, dès lors qu'il en fait la demande, à ce que sa cause soit entendue publiquement. Dès lors, les dispositions de l'article R. 232-95 du code du sport, qui ne font pas obstacle à ce que les audiences devant la commission des sanctions de l'AFLD soient publiques sur simple demande des intéressés, ne sauraient être regardées comme contraires aux stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. A..., qui n'a pas souhaité solliciter le bénéfice d'une séance publique, alors qu'il avait été informé de cette possibilité par un courrier du 20 septembre 2021, ne saurait se plaindre de ce que la commission des sanctions a pris la décision attaquée à l'issue d'une séance non publique.
Sur la sanction :
En ce qui concerne la sanction principale :
4. Aux termes de l'article L.232-9 du code du sport, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits : " I. Est interdite la présence, dans l'échantillon d'un sportif, des substances figurant sur la liste des interdictions mentionnée au dernier alinéa du présent article, de leurs métabolites ou de leurs marqueurs (...) ". Selon le I de l'article L. 232-23 du même code : " I. - La commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage peut prononcer à l'encontre des personnes ayant enfreint les dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-9-2, L. 232-9-3, L. 232-10, L. 232-14-5 ou L. 232-17 : (...) 2° Une interdiction temporaire ou définitive : / a) De participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue sportive professionnelle ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l'un des membres de celles-ci ; / b) D'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 ; / c) D'exercer les fonctions de personnel d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle, ou de l'un de leurs membres ; / d) Et de prendre part à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, ou le comité national olympique et sportif français, ainsi qu'aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage ". L'article L.232-23-3-3 de ce code dans sa version alors applicable, dispose que : " la durée des mesures d'interdiction mentionnées au 2° du I de l'article L. 232-23 à raison d'un manquement à l'article L. 232-9 (...) : 1° Est de quatre ans lorsque ce manquement implique une substance non spécifiée. Cette durée est ramenée à deux ans lorsque le sportif démontre qu'il n'a pas eu l'intention de commettre ce manquement. ". Selon l'article L.232-23-3-10 du même code dans sa version en vigueur à la même date : " II. La durée des mesures d'interdiction prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-9 peut être réduite dans les conditions suivantes : (...) 2° Sous réserve de l'application des dispositions du 1°, lorsque l'infraction implique l'absence de soumission au prélèvement d'un échantillon ou la présence dans un échantillon, l'usage, ou la possession non-intentionnels d'une substance ou d'une méthode interdite, si le sportif peut établir son absence de faute ou de négligence significative, la durée d'interdiction applicable peut être réduite en fonction du degré de faute, sans toutefois être inférieure à la moitié de la période d'interdiction normalement applicable ; (...) / La durée des mesures d'interdiction prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-8 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité ".
5. Il résulte de l'instruction que les analyse effectuées par le département des analyses de l'AFLD à la suite du contrôle antidopage mentionné au point 1 ont fait ressortir la présence dans les urines de M. A... de 168-hydroxystanozolol et de 168-hydroxy-stanozolol-O-glucuronide, métabolites du stanozolol, substance dite non spécifiée, appartenant à la classe S1 des agents anabolisants figurant sur la liste des substances interdites en permanence annexée au décret n° 2018-1283 du 27 décembre 2018 portant publication de l'amendement à l'annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport, adopté à Paris le 15 novembre 2018. Si M. A... fait valoir qu'il a toujours refusé les sollicitations de dopage, qu'il a absorbé ces substances lors d'une période de surmenage et de grande fatigue, qu'il s'agit d'un acte isolé et que la sanction contestée le prive de l'essentiel de ses revenus, la durée de quatre ans des interdictions prononcées par la commission des sanctions de l'AFLD à l'encontre de l'intéressé n'apparaît pas disproportionnée eu égard à la nature des substances détectées.
En ce qui concerne la sanction complémentaire de publication :
6. Aux termes de l'article L. 232-23-6 du code du sport, dans sa rédaction applicable à la date des faits : " Les décisions de la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage et les accords conclus conformément à l'article L. 232-21-1 sont rendus publics après avoir été notifiés aux personnes en ayant fait l'objet. A cette fin, la commission des sanctions ordonne la publication, sur le site internet de l'Agence, de l'intégralité ou d'une partie de la décision ou de l'accord ou d'un résumé informant le public des motifs et du dispositif de ceux-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle de l'interdiction prononcée, ni être inférieure à un mois. / La publication de la sanction s'effectue de manière nominative, sauf si la personne qui fait l'objet de la sanction est mineure. "
7. Il ne résulte pas de l'instruction que la publication d'un résumé nominatif de la sanction sur le site internet de l'Agence pendant la durée de l'interdiction exposerait M. A... au risque de représailles qu'il allègue. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, cette publication n'est pas disproportionnée.
En ce qui concerne l'absence de sursis à exécution :
8. Aux termes de l'article L. 232-23-3-2 du code du sport, dans sa version alors applicable, la sanction prévue au 2° du I de l'article L. 232-23 peut être assortie d'un sursis à exécution " lorsque la personne a fourni une aide substantielle permettant : /a) D'éviter qu'il ne soit contrevenu aux dispositions du présent chapitre ; / b) Ou d'identifier des personnes contrevenant ou tentant de contrevenir aux dispositions du présent chapitre ; /c) Ou de faire cesser un manquement aux dispositions du présent chapitre./ Les sanctions mentionnées au 2° du I de l'article L. 232-23 peuvent être assorties du sursis à concurrence des trois quarts de leur durée, en fonction de la gravité de l'infraction commise par l'intéressé et de l'importance de l'aide substantielle fournie (...) ". L'article L.230-4 du code du sport, dans sa rédaction alors applicable dispose que : " Constitue une aide substantielle pour l'application de la section 4 du chapitre II du présent titre le fait pour une personne de : / 1° Divulguer entièrement, dans une déclaration écrite signée toutes, les informations en sa possession en relation avec des infractions aux règles relatives à la lutte contre le dopage ; / 2° Et de collaborer pleinement à l'enquête et à l'examen de toute affaire liée à ces informations, notamment en témoignant à une audience./Les informations fournies doivent être crédibles et permettre d'engager des poursuites ou, si aucune poursuite n'est engagée, constituer des indices graves et concordants sur le fondement desquels des poursuites pourraient être engagées ".
9. Il résulte de l'instruction que, sur la base des informations divulguées par M. A... dans une déclaration écrite, concernant le site internet auprès duquel il avait commandé le produit à l'origine du manquement et le règlement de sa commande, l'Agence, d'une part, a transmis un signalement, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, au parquet de Créteil, qui a ouvert une enquête préliminaire, classée sans suite, d'autre part, a informé l'Agence nationale antidopage ukrainienne. Ces informations, qui n'ont pas permis d'engager des poursuites, ne constituent pas, eu égard à leur nature, des indices suffisamment graves et concordants sur le fondement desquels elles pourraient être engagées. Leur divulgation ne caractérise dès lors pas une aide substantielle au sens de l'article L. 230-4 du code du sport. La commission des sanctions a pu en déduire que les conditions posées par ces dispositions pour que la sanction infligée à l'intéressé puisse être assortie du sursis n'étaient pas réunies.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ou subsidiairement la réduction à deux années des mesures d'interdiction. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font par suite obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'AFLD qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'AFLD au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'AFLD au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'Agence française de lutte contre le dopage.