Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 462352, par une demande, enregistrée le 9 février 2022 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, l'association Générations futures, l'association France Nature Environnement, l'Union fédérale des consommateurs - Que choisir (UFC - Que choisir), l'association Collectif vigilance OGM et pesticides 16, l'Union syndicale Solidaires, l'association Eau et rivières de Bretagne, l'association Alerte des médecins sur les pesticides (AMLP) et l'association Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'ouest demandent au Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de prévoir des distances de sécurité supérieures à dix mètres pour l'ensemble des produits classés cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, sans distinction des catégories de danger prévues par le règlement du 16 décembre 2008, dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
2° Sous le n° 462362, par une demande, enregistrée le 3 février 2022 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, l'association Collectif des maires anti-pesticides demande au Conseil d'Etat d'enjoindre sous astreinte au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de prendre les mesures qu'implique l'exécution de la décision nos 437815, 438085, 438343, 438444, 438445, 439100, 439127, 439189, 441240, 443223 du 26 juillet 2021 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a enjoint au Premier ministre, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à la ministre de la transition écologique, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'économie, des finances et de la relance de prendre les mesures réglementaires énoncées au point 61 de sa décision, dans un délai de six mois à compter de sa notification.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2022-62 du 25 janvier 2022 ;
- l'arrêté du 25 janvier 2022 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-5 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'une de ses décisions (...), le Conseil d'Etat peut, même d'office, lorsque cette décision n'a pas défini les mesures d'exécution, procéder à cette définition, fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte contre les personnes morales en cause ".
2. Par une décision du 26 juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, d'une part, annulé, en premier lieu, l'article 1er du décret du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation en tant qu'il n'impose pas que les chartes d'engagements des utilisateurs prévoient des modalités d'information des résidents et des personnes présentes préalablement à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et en tant qu'il insère au sein du code rural et de la pêche maritime les articles D. 253-46-1-3 à D. 253-46-1-5, en deuxième lieu, les mots " approuvées par le préfet ", insérés par l'article 8 de l'arrêté du 27 décembre 2019 au premier alinéa du II de l'article 14-2 de l'arrêté du 4 mai 2017, en troisième lieu, l'article 8 de l'arrêté du 27 décembre 2019 en tant qu'il prévoit des distances de sécurité insuffisantes pour les produits classés comme suspectés d'être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR 2) et, en dernier lieu, l'arrêté du 27 décembre 2019 en tant qu'il ne prévoit pas de dispositions destinées à protéger les personnes travaillant à proximité des zones d'utilisation des produits phytopharmaceutiques et, d'autre part, enjoint au Premier ministre, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à la ministre de la transition écologique, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'économie, des finances et de la relance de prendre les mesures réglementaires impliquées par ces annulations dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision. L'association Générations futures et autres ainsi que l'association Collectif des maires anti-pesticides ont saisi le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 911-5 du code de justice administrative, respectivement sous le n° 462352 et sous le n° 462362, de deux demandes d'astreinte pour assurer l'exécution de cette décision en tant qu'elle porte sur les distances de sécurité applicables aux produits suspectés d'être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
3. S'il résulte de l'instruction que les ministres chargés de l'agriculture, de la santé et de l'environnement ont, par un courrier du 23 décembre 2021, d'une part, demandé à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) d'accélérer le traitement des demandes de modification des conditions d'emploi des près de 300 produits phytopharmaceutiques de référence classés comme suspectés d'être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction et dont l'autorisation de mise sur le marché ne prévoit pas de distance spécifique d'utilisation à proximité des personnes résidentes et, d'autre part, indiqué qu'à compter du 1er octobre 2022, les produits de cette catégorie qui n'auront pas fait l'objet d'une telle demande verraient leur utilisation soumise au respect d'une distance de sécurité fixée à 10 mètres par voie réglementaire, ils ne sauraient être regardées comme justifiant, à la date de la présente décision, avoir pris les mesures propres à assurer l'exécution de la décision du 26 juillet 2021 en ce qu'elle annule l'article 8 de l'arrêté du 27 décembre 2019 en tant qu'il prévoit des distances de sécurité insuffisantes pour les produits classés CMR 2 dont l'autorisation de mise sur le marché ne prévoit aucune distance de sécurité spécifique.
4. Par suite, eu égard à l'importance qui s'attache au respect effectif des exigences découlant du droit de l'Union européenne, à la gravité des conséquences du défaut partiel d'exécution en termes de santé publique et à l'urgence particulière qui en découle, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer à l'encontre de l'Etat, à défaut pour lui de justifier de cette exécution dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 500 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle la décision du 26 juillet 2021 aura entièrement reçu exécution.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 3 000 euros à verser à l'association Générations futures, à l'association France Nature Environnement, à l'Union fédérale des consommateurs - Que choisir (UFC - Que choisir), à l'association Collectif vigilance OGM et pesticides 16, à l'Union syndicale Solidaires, à l'association Eau et rivières de Bretagne, à l'association Alerte des médecins sur les pesticides (AMLP) et à l'association Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'ouest, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'Etat s'il ne justifie pas avoir, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, exécuté la décision du Conseil d'Etat du 26 juillet 2021 dans la mesure énoncée au point 3 et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 500 euros par jour de retard à compter du lendemain de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la présente décision.
Article 2 : Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le ministre de la santé et de la prévention et le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire communiqueront à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter sa décision du 26 juillet 2021.
Article 3 : L'Etat versera à l'association Générations futures, à l'association France Nature Environnement, à l'Union fédérale des consommateurs - Que choisir (UFC - Que choisir), à l'association Collectif vigilance OGM et pesticides 16, à l'Union syndicale Solidaires, à l'association Eau et rivières de Bretagne, à l'association Alerte des médecins sur les pesticides (AMLP) et à l'association Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'ouest une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Générations futures, première dénommée, pour tous ses cosignataires, à l'association Collectif des maires anti-pesticides, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de la santé et de la prévention et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée à la Première ministre, à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail et à la section du rapport et des études.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 novembre 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Martin Guesdon, auditeur-rapporteur.
Rendu le 22 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Guillaume Goulard
Le rapporteur :
Signé : M. Martin Guesdon
La secrétaire :
Signé : Mme Elisabeth Ravanne