La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2022 | FRANCE | N°462280

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 14 décembre 2022, 462280


Vu la procédure suivante :

Les associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées et Saint-Sulpice Active et Citoyenne ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 6 mai 2021 des préfets de la Haute-Garonne et du Tarn, complémentaire à l'arrêté interdépartemental du 27 mars 2014 autorisant, au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, les travaux de la zone d'aménagement concerté (ZAC) des " Porte

s du Tarn " sur le territoire des communes de Saint-Sulpice-la-Pointe (...

Vu la procédure suivante :

Les associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées et Saint-Sulpice Active et Citoyenne ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 6 mai 2021 des préfets de la Haute-Garonne et du Tarn, complémentaire à l'arrêté interdépartemental du 27 mars 2014 autorisant, au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, les travaux de la zone d'aménagement concerté (ZAC) des " Portes du Tarn " sur le territoire des communes de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) et de Buzet-sur-Tarn (Haute-Garonne) et à l'arrêté du 10 novembre 2014 modifié relatif à une autorisation de destruction, perturbation, capture, déplacement d'individus ainsi que de destruction, altération, dégradation d'aires de repos ou de reproduction d'espèces protégées dans le cadre de la réalisation de la ZAC.

Par une ordonnance n° 2200362 du 17 février 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a prononcé la suspension de l'exécution de cet arrêté.

Par un pourvoi, enregistré le 11 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin avocats, avocat de l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées et autre, et à la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société publique locale d'aménagement Les portes du Tarn ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 décembre 2022, présentée par l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées et autre.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 13 mars 2014, les préfets de la Haute-Garonne et du Tarn ont déclaré d'utilité publique les travaux et acquisitions relatifs à l'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) Les portes du Tarn, sur le territoire des communes de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) et Buzet-sur-Tarn (Haute-Garonne). Par un arrêté du 27 mars 2014 des deux préfets, la société publique locale d'aménagement (SPLA) Les portes du Tarn a été autorisée au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement à réaliser les travaux d'aménagement de la ZAC. Par un nouvel arrêté du 10 novembre 2014, complété le 8 janvier 2015, les préfets de la Haute-Garonne et du Tarn ont autorisé cette société, sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, à déroger à l'interdiction de destruction, perturbation, capture et déplacement de cinquante-cinq espèces protégées présentes dans le périmètre de la ZAC. La ministre de la transition écologique se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 17 février 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande des associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées et Saint-Sulpice Active et Citoyenne, suspendu l'exécution de l'arrêté du 6 mai 2021 des préfets de la Haute-Garonne et du Tarn complémentaire aux arrêtés précités des 27 mars et 10 novembre 2014.

Sur le pourvoi :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en défense :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 751-8 du code de justice administrative : " Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige. Copie de la décision est adressée au préfet ainsi que, s'il y a lieu, à l'autorité qui assure la défense de l'Etat devant la juridiction ". Si le deuxième alinéa de cet article prévoit que, lorsque la décision est rendue sur une demande présentée, en application du code général des collectivités territoriales, par le préfet ou lorsqu'elle émane d'un tribunal administratif statuant dans l'une des matières mentionnées à l'article R. 811-10-1, la notification est adressée au préfet, cette dérogation n'est susceptible de s'appliquer, conformément à l'objet de l'article R. 811-10-1, que lorsque la décision du tribunal administratif est susceptible de faire l'objet d'un appel. En application de l'article L. 523-1 du même code, les décisions rendues sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code sont rendues en dernier ressort et ne sont donc susceptibles que d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, où seul le ministre et non le préfet peut représenter l'Etat. Par suite, la notification des décisions rendues par le tribunal administratif en application de l'article L. 521-1 doit être adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige.

4. Il ressort des pièces du dossier de la procédure que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 17 février 2022, si elle a été notifiée aux préfets de la Haute-Garonne et du Tarn, n'a pas été notifiée à la ministre de la transition écologique. Par suite, le délai de recours n'a pas couru et le pourvoi de la ministre, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 mars 2022, n'est pas tardif.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'ordonnance attaquée :

5. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour estimer que l'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté des préfets de la Haute-Garonne et du Tarn en date du 6 mai 2021 était établie, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a relevé que des travaux de déblaiement et de remblaiement étaient prévus à compter du 21 février 2022 et dans le courant du mois de mars et que cet arrêté aurait des impacts sur les espèces protégées présentes sur le site, par leur destruction, leur perturbation intentionnelle et la dégradation des habitats. En se bornant à relever les seuls risques pour ces espèces sans s'interroger sur l'intérêt public qui s'attachait, selon les préfets et la SPLA Les portes du Tarn, à l'exécution immédiate de l'arrêté attaqué, dès lors que le projet a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique et d'une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement devenues définitives et qu'il a donné lieu à la réalisation de travaux générant de nombreuses dépenses depuis sept ans, le juge des référés a entaché son ordonnance d'erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la ministre de la transition écologique est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande en référé formée contre l'arrêté du 6 mai 2021 des préfets de la Haute-Garonne et du Tarn :

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'arrêté du 6 mai 2021 attaqué a pour objet d'autoriser les travaux conduisant à la perturbation et la destruction d'individus, ainsi que la destruction, l'altération, la dégradation de l'aire de repos ou du site de reproduction de quarante-huit espèces animales protégées, dont certaines sont inscrites sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de Midi-Pyrénées. Les travaux en cause, qui devaient débuter en décembre 2021 pour une durée de dix-huit mois, portent atteinte de manière grave et immédiate aux intérêts que les associations requérantes se proposent de défendre et sont susceptibles de causer aux espèces protégées présentes sur le site une atteinte irréversible. Dans ces conditions, ni la circonstance que le projet a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique et d'une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement ni le fait que des travaux ou des aménagements ont déjà été réalisés et des dépenses engagées depuis cette date, ne sont de nature, dans les circonstances de l'espèce, à justifier que les travaux soient poursuivis et achevés rapidement. Par suite, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

10. En revanche, et en deuxième lieu, aucun des moyens soulevés n'est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 6 mai 2021. En particulier, en l'état de l'instruction, la circonstance qu'ait été constatée, sur le périmètre de la ZAC, la présence de plusieurs espèces protégées d'oiseaux ne figurant pas à l'arrêté précité n'est pas, à elle-seule, de nature à créer un tel doute.

11. Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté qu'elles contestent.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, tant dans l'instance devant le Conseil d'Etat que dans l'instance devant le juge des référés, la partie perdante, soit condamné à verser aux associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées et Saint-Sulpice Active et Citoyenne la somme qu'elles sollicitent à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par le préfet de la Haute-Garonne et la SPLA Les portes du Tarn dans l'instance devant le juge des référés.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 17 février 2022 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par les associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées et Saint-Sulpice Active et Citoyenne devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées et Saint-Sulpice Active et Citoyenne, du préfet de la Haute-Garonne et de la SPLA Les portes du Tarn présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées et à l'association Saint-Sulpice Active et Citoyenne.

Copie en sera adressée à la société publique locale d'aménagement (SPLA) Les portes du Tarn.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er décembre 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 14 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 462280
Date de la décision : 14/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 déc. 2022, n° 462280
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SAS HANNOTIN AVOCATS ; SCP L. POULET-ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462280.20221214
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award