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16/11/2022 | FRANCE | N°462398

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 16 novembre 2022, 462398


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 mars et 29 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Igdal demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite du 17 mars 2022 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du paragraphe n° 90 des commentaires administratifs publiés le 16 juin 2021 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-CF-INF-20-20,

et d'enjoindre au ministre de procéder à cette abrogation ;

2°) à titre subs...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 mars et 29 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Igdal demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite du 17 mars 2022 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du paragraphe n° 90 des commentaires administratifs publiés le 16 juin 2021 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-CF-INF-20-20, et d'enjoindre au ministre de procéder à cette abrogation ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de transmettre à la Cour européenne des droits de l'homme une demande d'avis portant sur la compatibilité des dispositions du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à la compatibilité de ces mêmes dispositions avec les stipulations de la Charte de droits fondamentaux de l'Union européenne ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 1er ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du 14 juin 2022 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Igdal ;

- la décision n° 2022-1009 QPC du 22 septembre 2022 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Igdal ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de la societe Igdal ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 6 et 7 octobre 2022, présentées par la société Igdal ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Igdal a demandé au ministre de l'économie, des finances et de la relance d'abroger le paragraphe n° 90 des commentaires administratifs publiés le 16 juin 2021 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-CF-INF-20-20. Elle demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur sa demande.

2. La société Igdal soutient que ces commentaires, qui rappellent les dispositions du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts, sont illégaux en ce qu'ils réitèrent des dispositions qui, selon elle, porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et méconnaitraient les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

3. Aux termes du premier alinéa du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible ". Le 1 de l'article 287 du même code dispose, dans sa version applicable au litige, que : " Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration ".

4. D'une part, le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2022-1009 QPC du 22 septembre 2022 rendue sur renvoi du Conseil d'Etat, déclaré conformes à la Constitution les dispositions du premier alinéa du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que les commentaires attaqués réitèreraient des dispositions législatives portant atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté.

5. D'autre part, les dispositions contestées sanctionnent le manquement à l'obligation de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée exigible au titre d'une opération relevant du régime de l'auto-liquidation d'une amende fiscale égale à 5 % de la somme que le redevable est en droit de déduire. Ces dispositions ont essentiellement pour objet, dans un cas où la taxe non déclarée est elle-même immédiatement déductible, de dissuader les redevables de la taxe d'omettre de s'acquitter avec exactitude de leurs obligations déclaratives, afin de permettre le bon fonctionnement des procédures d'échanges d'informations entre administrations fiscales des Etats membres de l'Union européenne et, ce faisant, de lutter contre la fraude fiscale. En fixant le montant de l'amende encourue en proportion des sommes que le redevable est en droit de déduire au titre des opérations non déclarées, le législateur a retenu une assiette en rapport avec les manquements réprimés. En appliquant à ce montant un taux de 5 %, les dispositions contestées ont retenu un montant proportionné à la gravité de ces manquements, laquelle s'apprécie à raison de l'importance des sommes non déclarées. Ces dispositions ne sauraient ainsi, au regard de l'objectif qu'elles poursuivent, être regardées comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par celles de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, ni de saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'une demande d'avis, que la société Igdal n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre a refusé d'abroger ces commentaires administratifs. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-l du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Igdal est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Igdal et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 octobre 2022 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 16 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Lapierre

La secrétaire :

Signé : Mme Catherine Meneyrol


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 462398
Date de la décision : 16/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 nov. 2022, n° 462398
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Lapierre
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462398.20221116
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