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19/10/2022 | FRANCE | N°458369

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 19 octobre 2022, 458369


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 19 avril 2021 rapportant le décret du 28 septembre 2015 lui accordant la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1

993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 19 avril 2021 rapportant le décret du 28 septembre 2015 lui accordant la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant camerounais, a déposé une demande de naturalisation, le 16 septembre 2014, en indiquant être célibataire et sans enfant. Au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 28 septembre 2015 publié au Journal officiel de la République française du 30 septembre 2015. Toutefois, par bordereau reçu le 19 avril 2021, le ministre de l'intérieur chargé des naturalisations a été informé de ce que M. A... avait épousé Mme B... C..., ressortissante camerounaise résidant régulièrement en Belgique, à l'ambassade du Cameroun à Bruxelles, le 22 décembre 2012, soit antérieurement à sa naturalisation. Par décret du 19 avril 2021, publié au Journal officiel du 20 avril 2021 et notifié à l'intéressé le 9 septembre 2021, le ministre de l'intérieur a rapporté le décret du 28 septembre 2015 prononçant la naturalisation de M. A... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par ce dernier quant à sa situation familiale. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué figurant au dossier, certifiée conforme à l'original par le secrétaire général du Gouvernement, que le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur. L'ampliation notifiée à M. A... n'avait pas, pour sa part, à être revêtue de ces signatures. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué n'aurait pas été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, le délai de deux ans imparti par l'article 27-2 du code civil pour rapporter le décret de naturalisation a commencé à courir à la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressé a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations. Il ressort des pièces du dossier que les services du ministre chargé des naturalisations n'ont été informés de la réalité de la situation familiale du requérant que le 19 avril 2019, date à laquelle ils ont reçu les documents relatifs au mariage de l'intéressé transmis par bordereau du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, ainsi que l'atteste le tampon apposé sur le bordereau reçu par le service des naturalisations. Dans ces conditions, le décret attaqué, qui a été signé le 19 avril 2021, a été pris avant l'expiration du délai de deux ans prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil.

5. En troisième lieu, l'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a contracté mariage le 22 décembre 2012 à l'ambassade du Cameroun à Bruxelles avec Mme B... C..., ressortissante camerounaise résidant régulièrement en Belgique. Ce mariage aurait dû être porté à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme il s'y était engagé lors du dépôt de sa demande. Si M. A... soutient qu'il s'est, de bonne foi, déclaré célibataire au motif qu'on lui aurait indiqué que son mariage n'ayant pas été transcrit sur les registres de l'état civil français, il n'était pas reconnu en France et qu'il n'était donc pas nécessaire de le mentionner dans le cadre de sa procédure de naturalisation, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation et ne fait état, par ailleurs, d'aucune circonstance qui l'aurait mis dans l'impossibilité de faire part de sa situation familiale au service chargé de l'instruction de son dossier avant l'intervention du décret lui accordant la nationalité française.

7. L'intéressé, qui maîtrise la langue française, ainsi qu'il ressort du compte rendu de l'entretien d'assimilation du 6 février 2015, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signé. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé sa situation maritale avant que soit prononcée sa naturalisation par décret du 28 septembre 2015. Sa bonne insertion professionnelle est sans incidence sur le caractère frauduleux des déclarations au vu desquelles la nationalité française lui avait été accordée. Par suite, en rapportant la naturalisation de M. A..., dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le Premier ministre, qui n'a commis aucune erreur de fait et s'est livré à un examen particulier de sa situation, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées par le ministre de l'intérieur, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 19 avril 2021 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 28 septembre 2015. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 septembre 2022 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 19 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Yves Doutriaux

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 458369
Date de la décision : 19/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 oct. 2022, n° 458369
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yves Doutriaux
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:458369.20221019
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