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10/10/2022 | FRANCE | N°455691

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 10 octobre 2022, 455691


Vu la procédure suivante :

La société Action développement loisir a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le contrat de délégation de service public, conclu entre la communauté de communes Granville Terre et Mer et la société Vert Marine, relatif à l'exploitation du centre aquatique de Granville. Par un jugement n° 1800066 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20NT03004 du 18 juin 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de la société Action développement loisir contre ce

jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en...

Vu la procédure suivante :

La société Action développement loisir a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le contrat de délégation de service public, conclu entre la communauté de communes Granville Terre et Mer et la société Vert Marine, relatif à l'exploitation du centre aquatique de Granville. Par un jugement n° 1800066 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20NT03004 du 18 juin 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de la société Action développement loisir contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 18 novembre 2021 et 31 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Action développement loisir demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la communauté de communes Granville Terre et Mer et de la société Vert Marine la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Action développement loisir, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Vert Marine et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la communauté de communes Granville Terre et Mer ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un avis publié le 2 août 2016, la communauté de communes Granville Terre et Mer a engagé une consultation en vue de l'attribution de la délégation de service public afférente à l'exploitation de son centre aquatique situé à Granville. Quatre candidats, dont la société Action développement loisir et la société Vert Marine, ont été admis à présenter une offre et, à l'issue de cette procédure, la société Vert Marine a été déclarée attributaire par une délibération du conseil communautaire du 26 septembre 2017. Par un jugement du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la société Action développement loisir tendant à l'annulation du contrat de délégation de service public conclu entre la communauté de communes Granville Terre et Mer et la société Vert Marine. Par un arrêt du 18 juin 2021, contre lequel la société Action développement loisir se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif.

2. Aux termes du I de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, alors applicable : " Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ".

3. Aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, (...) peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail (...) ".

4. En premier lieu, il résulte des dispositions du code du travail citées au point précédent que les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s'imposent aux candidats à l'octroi d'une délégation de service public lorsqu'ils entrent dans le champ d'application de cette convention. Par suite, une offre finale mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par l'autorité concédante et doit être écartée comme irrégulière par celle-ci. Il suit de là qu'en jugeant irrégulière l'offre de la société requérante méconnaissant les stipulations de la convention collective applicable, la cour, qui n'était pas tenue de rechercher si cette irrégularité pouvait constituer un avantage pour le candidat, n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En deuxième lieu, lorsque, à l'occasion d'un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, une contestation sérieuse s'élève sur la détermination de la convention ou l'accord collectif de travail applicable à une entreprise, il appartient au juge saisi de ce litige de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation, sauf s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.

6. Aux termes de l'article L. 2261-2 du code du travail : " La convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. / En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables ".

7. Par arrêté du ministre en charge du travail du 21 novembre 2006, la convention collective nationale du sport a été étendue et son champ d'application est ainsi défini par son article 1.1 dans sa version alors en vigueur : " La convention collective du sport règle, sur l'ensemble du territoire y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises exerçant leur activité principale dans l'un des domaines suivants : / - organisation, gestion et encadrement d'activités sportives ; / - gestion d'installations et d'équipements sportifs. / (...) ". Le champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, étendue par un arrêté ministériel du 25 juillet 1994, est ainsi défini par son article 1er, dans sa rédaction applicable au litige : " La convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels règle, sur l'ensemble des départements français, y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises de droit privé à but lucratif : / (...) - qui gèrent des installations et / ou exploitent à titre principal des activités à vocation récréative et / ou culturelle, dans un espace clos et aménagé avec des installations fixes et permanentes comportant des attractions de diverse nature (...). / Sont notamment, comprises dans le champ d'application, les activités suivantes (...) parc aquatique (...) / Sont exclues du champ d'application les entreprises de droit privé, à but lucratif, répertoriées sous l'ancienne codification NAF 92.6 " gestion d'installations sportives " et " autres activités sportives ", remplacée par la codification suivante : 93. 11Z : " gestion d'installations sportives " (...) / gestion d'installations sportives à caractère récréatif et de loisir. / Et, plus précisément, les installations et les centres des activités suivantes : / les piscines (...) ".

8. En estimant, après avoir relevé que l'activité confiée à l'attributaire de la délégation de service public en litige avait pour objet la gestion d'un équipement, composé de deux bassins et d'une fosse de plongée, dont la vocation est principalement sportive alors même qu'il comporte accessoirement des espaces ludiques et de détente, qu'elle ne se confond pas avec celle des parcs aquatiques entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels et qu'elle relève dès lors de la convention nationale du sport, la cour, qui n'était pas tenue de saisir l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle eu égard à la jurisprudence établie du juge judiciaire sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit, ni dénaturé les faits de l'espèce.

9. En dernier lieu, alors même que l'offre du concurrent évincé demandant l'annulation du contrat de délégation de service public a été classée et notée, le pouvoir adjudicateur et l'attributaire du contrat peuvent se prévaloir devant le juge du caractère irrégulier de son offre pour soutenir que le demandeur ne peut utilement soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en écartant comme inopérants, au motif que son offre était irrégulière, les moyens qu'elle soulevait, nonobstant la circonstance, d'une part, que son offre ayant été classée et notée, ces moyens, en lien direct avec sa notation, étaient liés au motif de son éviction et, d'autre part, que le motif d'irrégularité de son offre n'avait pas été opposé par l'autorité concédante mais par l'attributaire de la concession.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Action développement loisir n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Action développement loisir, sur le fondement de ces mêmes dispositions, une somme de 3 000 euros à verser, d'une part, à la société Vert Marine et, d'autre part, à la communauté de communes Granville Terre et Mer.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Action développement loisir est rejeté.

Article 2 : La société Action développement loisir versera une somme de 3 000 euros, d'une part, à la communauté de communes Granville Terre et Mer et, d'autre part, à la société Vert Marine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Action développement loisir, à la communauté de communes Granville Terre et Mer et à la société Vert Marine.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 septembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Didier Ribes, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 10 octobre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Didier Ribes

La secrétaire :

Signé : Mme Nadine Pelat


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 455691
Date de la décision : 10/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-02-005 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. - FORMALITÉS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE. - DSP – 1) OBLIGATION POUR LES CANDIDATS DE RESPECTER UNE CONVENTION COLLECTIVE APPLICABLE – EXISTENCE – 2) OFFRE MÉCONNAISSANT UNE TELLE CONVENTION OU MENTIONNANT UNE CONVENTION INAPPLICABLE – OFFRE IRRÉGULIÈRE – EXISTENCE [RJ1].

39-02-005 1) Il résulte de l’article L. 2261-15 du code du travail que les stipulations d’une convention de branche ou d’un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s’imposent aux candidats à l’octroi d’une délégation de service public (DSP) lorsqu’ils entrent dans le champ d’application de cette convention. ...2) Par suite, une offre finale mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par l’autorité concédante et doit être écartée comme irrégulière par celle-ci.


Références :

[RJ1]

Rappr., s’agissant d’un marché public, CE, 11 décembre 2013, Société antillaise de sécurité, n° 372214, T. p. 692.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2022, n° 455691
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP DE NERVO, POUPET ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455691.20221010
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