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04/10/2022 | FRANCE | N°466254

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 04 octobre 2022, 466254


Vu la procédure suivante :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics a rejeté sa demande tendant à la révision du montant de sa pension et d'enjoindre au ministre chargé des retraites de procéder à la liquidation de sa pension de retraite à l'indice 1518 dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement du tribunal. Par un jugement n° 2012066 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre la question prioritaire de const

itutionnalité soulevée par M. D... et a rejeté sa demande.

Par un...

Vu la procédure suivante :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics a rejeté sa demande tendant à la révision du montant de sa pension et d'enjoindre au ministre chargé des retraites de procéder à la liquidation de sa pension de retraite à l'indice 1518 dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement du tribunal. Par un jugement n° 2012066 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. D... et a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 1er août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, rejeté la demande de M. D... relative à la révision du montant de sa pension. M. D... se pourvoit en cassation contre ce jugement. A l'appui de son pourvoi, par un mémoire intitulé " question prioritaire de constitutionnalité ", il demande au Conseil d'Etat de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 55 de ce même code.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé (...) ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ". Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de cette ordonnance : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 771-16 du code de justice administrative : " Lorsque l'une des parties entend contester devant le Conseil d'Etat, à l'appui d'un appel ou d'un pourvoi en cassation formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité précédemment opposé, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai de recours dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission ". Aux termes de l'article R. 771-17 du même code : " Lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est posée à l'appui d'un pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat se prononce sur le renvoi de cette question au Conseil constitutionnel sans être tenu de statuer au préalable sur l'admission du pourvoi ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une juridiction statuant en dernier ressort a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion du pourvoi en cassation formé contre la décision qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l'ait été par une décision distincte, dont il joint alors une copie, ou directement par cette décision. Les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre à celui qui a déjà présenté une question prioritaire de constitutionnalité devant une juridiction statuant en dernier ressort de s'affranchir des conditions, définies par les dispositions citées plus haut de la loi organique et du code de justice administrative, selon lesquelles le refus de transmission peut être contesté devant le juge de cassation. Elles lui permettent, en revanche, de former directement devant le Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les mêmes dispositions, mais comportant des moyens nouveaux.

4. Par suite, d'une part, il n'y a lieu d'examiner la question de la conformité aux droits et libertés garanties par la Constitution de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraites soulevée par M. D..., qu'en tant qu'elle est fondée sur le moyen qui n'a pas déjà été soulevé devant le tribunal administratif, tiré de ce que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant la justice et, d'autre part, contrairement à ce que soutient le ministre, il y a lieu d'examiner cette question préalablement à la décision sur l'admission du pourvoi.

5. Il résulte des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

6. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi est " la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Son article 16 dispose que : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ".

7. Aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. / (...) ". Ces dispositions prévoient, dans les relations entre les pensionnés et l'administration, un droit à révision des pensions concédées dans le cas où la liquidation de celles-ci est entachée d'une erreur de droit, ouvert dans les mêmes conditions de délai aux pensionnés et à l'administration, le délai de révision ainsi prévu bénéficiant aussi bien aux pensionnés, dont les droits à pension sont définitivement acquis au terme de ce délai, qu'à l'administration qui est, postérieurement à l'expiration de ce même délai, mise à l'abri de contestations tardives. M. D... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi ni, en tout état de cause, le principe d'égalité devant la justice.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.

Sur l'autre moyen du pourvoi :

9. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

10. Pour demander l'annulation du jugement qu'il attaque, M. D... soutient, en outre, que le tribunal administratif de Paris a entaché son jugement d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en rejetant sa demande sans rechercher si les conditions dans lesquelles l'administration pouvait procéder au retrait de la décision litigieuse en application des dispositions de l'article L. 242-4 du code des relations entre le public et l'administration étaient remplies.

11. Ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. D....

Article 2 : Le pourvoi de M. D... n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... D....

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 septembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 4 octobre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye

La secrétaire :

Signé : Mme Nadine Pelat


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 466254
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 oct. 2022, n° 466254
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Gueudar Delahaye
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:466254.20221004
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