La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/08/2022 | FRANCE | N°466160

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 août 2022, 466160


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juillet et 18 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération syndicale unitaire demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'article 2 du décret n° 2022-896 du 16 juin 2022 modifiant les modalités de recrutement, de rémunération et de gestion des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger, en tant qu'il

abroge les dispositions organisant la consultation des commissions consultatives ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juillet et 18 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération syndicale unitaire demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'article 2 du décret n° 2022-896 du 16 juin 2022 modifiant les modalités de recrutement, de rémunération et de gestion des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger, en tant qu'il abroge les dispositions organisant la consultation des commissions consultatives paritaires préalable au recrutement des personnels de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ;

2°) d'enjoindre à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) de recueillir, en préalable à tout recrutement, l'avis de la commission consultative paritaire centrale compétente s'agissant des personnels expatriés et celui de la commission consultative paritaire locale compétente s'agissant des personnels recrutés sur place ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'AEFE la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les recrutements en cours dans le but de pourvoir aux besoins de l'enseignement français à l'étranger dès la rentrée 2022-2023 sont effectués en méconnaissance de l'obligation légale de recueillir préalablement l'avis des commissions paritaires compétentes ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- elle est entachée d'illégalité dès lors que son article 2, portant modification de l'article D. 911-43 du code de l'éducation, méconnaît les dispositions de l'article L. 452-5 du code de l'éducation en ce qu'il supprime l'obligation de consultation de la commission consultative paritaire centrale, compétente à l'égard des personnels expatriés, et celle relative à la commission consultative paritaire locale, compétente s'agissant des personnels recrutés sur place.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2022, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Première ministre, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, au ministre de la transformation et de la fonction publique et à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger qui n'ont pas produit d'observations.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Fédération syndicale unitaire et, d'autre part, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, la Première ministre, le ministre de la transformation et de la fonction publiques et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 19 août 2022, à 16 heures :

- Me Gougeon, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de la Fédération syndicale unitaire ;

- les représentants de la Fédération syndicale unitaire ;

- les représentants de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;

- le représentant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a fixé la clôture de l'instruction au 22 août 2022 à 9 heures 30 ;

Par un mémoire, enregistré le 20 août 2022, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, maintient ses précédentes conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article L. 452-5 du code de l'éducation : " L'agence assure par ailleurs, au bénéfice de l'ensemble des établissements scolaires participant à l'enseignement français à l'étranger : (...) 2° Le choix, l'affectation, la gestion des agents titulaires de la fonction publique placés en détachement auprès d'elle, après avis des commissions consultatives paritaires compétentes, et également l'application des régimes de rémunération de ces personnels ; ". Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article D. 911-43 du même code, dans sa version abrogée par le décret attaqué du 16 juin 2022 : " (...) Les personnels expatriés sont recrutés par l'agence, après avis de la commission consultative paritaire centrale compétente, hors du pays d'affectation, sur des postes dont la liste limitative est fixée chaque année par le directeur de l'agence./ Les personnels résidents sont recrutés par l'agence sur proposition du chef d'établissement, le cas échéant après avis de la commission consultative paritaire locale compétente de l'agence.(...) ". Aux termes de ce même article, dans sa version résultant du décret attaqué : " I.- Les fonctionnaires mentionnés à l'article D. 911-42 sont détachés sur contrat auprès de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger pour servir à l'étranger et pour occuper, dans les établissements mentionnés au même article D. 911-42, les emplois suivants :1° Emplois d'encadrement; 2° Emplois de formation des enseignants du réseau de l'enseignement français à l'étranger ; 3° Emplois d'enseignement, d'éducation et d'administration./ II.- Le contrat est conclu entre l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et le fonctionnaire. Ce contrat précise l'identité des parties, sa date d'effet, la catégorie hiérarchique dont l'emploi relève, le poste occupé, les fonctions exercées, le ou les lieux d'affectation, la durée pour laquelle il est conclu, les conditions de rémunération, les droits et obligations de l'agent et les conditions de son renouvellement. Ce contrat précise également qu'il est établi sur le fondement du 1° de l'article L. 332-1 du code général de la fonction publique. /Les modèles de contrats sont arrêtés par le directeur de l'agence. Le contrat est accompagné d'une lettre qui précise les missions de l'agent. / Les dispositions du décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger sont applicables aux personnels mentionnés au I du présent article. ".

Sur les conclusions à fin de suspension :

Sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision :

3. Le syndicat requérant soutient que le décret attaqué, en abrogeant les dispositions qui organisaient la consultation des commissions consultatives paritaires préalablement au recrutement de certains personnels de l'AEFE, méconnaît le principe de consultation de ces commissions, posé par la loi. Si l'administration soutient que les dispositions réglementaires abrogées et remplacées par le décret attaqué se bornaient à reprendre les dispositions législatives applicables, de sorte que leur édiction par voie réglementaire n'était pas nécessaire, d'une part, il ressort de la lecture même de ces dispositions qu'elles permettaient d'organiser l'application du principe posé par la loi, en désignant les commissions devant être consultées pour les différents types de recrutement de l'agence, et d'autre part, il résulte de l'instruction que depuis l'entrée en vigueur du décret attaqué, et pour la préparation des recrutements en cours, l'administration n'a pas procédé à la consultation de ces commissions. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé par la FSU doit être regardé comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Sur l'urgence :

4. D'une part, Il résulte de l'instruction, et notamment de l'audience, que si les procédures de recrutement d'enseignants et de personnels d'encadrement pour la rentrée scolaire 2022-2023 sont largement engagées, tant s'agissant des contrats des personnels concernés que de la préparation des arrêtés procédant, le cas échéant, à leur détachement, l'administration, qui avait au demeurant été alertée il y a plusieurs semaines dans le cadre de comités techniques paritaires sur les risques que présenterait l'absence de consultation de ces commissions pour la sécurité juridique des recrutements en cours, ne se trouve pas dans l'impossibilité matérielle d'organiser les consultations des commissions consultatives paritaires dans un délai compatible avec l'organisation de la rentrée scolaire et la prise de fonctions de ces personnels. Il en résulte, d'une part, que les conclusions à fin de suspension conservent un objet pour les mesures relatives aux recrutements pour la rentrée 2022-2023, et présentent un caractère d'urgence, et d'autre part, que l'administration n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt général ferait obstacle à ce que ces dispositions attaquées soient suspendues en tant qu'elles abrogent l'obligation de consulter ces commissions, du fait de l'incompatibilité alléguée de cette suspension avec l'organisation de la rentrée scolaire.

5. D'autre part, si l'administration fait valoir que différentes modalités de concertation ont accompagné ces procédures de recrutement, incluant notamment l'organisation de groupes de travail intégrant les membres des commissions consultatives paritaires locales, il résulte clairement de l'instruction, et notamment des éléments recueillis à l'audience, que ces consultations, organisées de façon informelle, ne présentent pas les mêmes garanties pour les personnels concernés que la procédure de consultation prévue par la loi et ne sauraient en tenir lieu.

6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le syndicat requérant est fondé à demander la suspension de l'article 2 du décret attaqué en tant qu'il abroge les dispositions relatives à la consultation des commissions consultatives paritaires pour les recrutements des personnes de l'AEFE.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à la consultation des commissions consultatives paritaires selon les modalités prévues par les dispositions de l'article D. 911-42 abrogé par le décret attaqué pour les recrutements en cours doivent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'article 2 du décret du 16 juin 2022 modifiant les modalités de recrutement, de rémunération et de gestion des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger est suspendu en tant qu'il abroge les dispositions organisant la consultation des commissions consultatives paritaires préalable au recrutement des personnels de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Article 2 : Il est enjoint à l'administration de procéder sans délai à la consultation de ces commissions pour les recrutements en cours selon les modalités prévues par les dispositions dont l'abrogation est suspendue par la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la FSU une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération syndicale unitaire et à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Copie en sera adressée à la Première ministre, au ministre de l'éducation nationale, au ministre de la transformation et de la fonction publiques et à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Fait à Paris, le 23 août 2022

Signé : Cyril Roger-Lacan


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 466160
Date de la décision : 23/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 aoû. 2022, n° 466160
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GUÉRIN - GOUGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:466160.20220823
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award