La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/08/2022 | FRANCE | N°454279

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 01 août 2022, 454279


Vu la procédure suivante :

Par une protestation, enregistrée le 6 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme AG... S..., M. AD... I..., Mme A... AJ..., M. Z... Y..., Mme AK... K..., M. H... de Bonnechose, Mme E... L..., M. M... U..., M. AC... B..., M. AI... AE..., Mme C... AF..., M. V... N..., M. R... AH..., Mme A... O..., M. AB... Q..., Mme AA... F... et M. W... G... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 en vue de l'élection des conseillers régionaux de la région Occit

anie ;

2°) d'enjoindre à l'Etat d'organiser de nouvelles élections ré...

Vu la procédure suivante :

Par une protestation, enregistrée le 6 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme AG... S..., M. AD... I..., Mme A... AJ..., M. Z... Y..., Mme AK... K..., M. H... de Bonnechose, Mme E... L..., M. M... U..., M. AC... B..., M. AI... AE..., Mme C... AF..., M. V... N..., M. R... AH..., Mme A... O..., M. AB... Q..., Mme AA... F... et M. W... G... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 en vue de l'élection des conseillers régionaux de la région Occitanie ;

2°) d'enjoindre à l'Etat d'organiser de nouvelles élections régionales dans la région Occitanie dans un délai de trois mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code électoral ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Lors du premier tour des élections régionales qui s'est tenu dans la région Occitanie les 20 juin 2021, neuf listes se sont présentées au suffrage des électeurs. La liste " Union essentielle ", conduite par M. AH..., a obtenu 6 209 voix, soit 0,41 % des suffrages. A l'issue du second tour de scrutin qui s'est tenu le 27 juin 2021, la liste " L'Occitanie en commun ", conduite par Mme D..., a obtenu 882 166 voix, soit 57,78 % des suffrages, devant la liste " Rassembler l'Occitanie " de M. T..., qui a obtenu 366 471 voix, soit 24,00 % des suffrages et la liste " Du courage pour l'Occitanie ! " de M. P..., qui a obtenu 278 253 voix, soit 18,22 % des suffrages.

2. En premier lieu, les stipulations de l'article 3 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont applicables qu'aux seules élections du corps législatif. Par suite, elles ne peuvent être utilement invoquées à l'appui d'une protestation dirigée contre les élections des conseillers régionaux.

3. En deuxième lieu, la loi du 30 septembre 1986, modifiée notamment par la loi du 17 janvier 1989, a confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel la mission de veiller au respect des principes définis aux articles 1 à 3 de ladite loi, au nombre desquels figurent l'égalité de traitement et l'expression du pluralisme des courants de pensée et d'opinion. Ces dispositions législatives imposent aux services de radiodiffusion sonore et de télévision de traiter de manière équitable dans leur accès à l'antenne les différentes listes en présence pour les élections régionales. En revanche, aucune disposition n'encadre les prises de position politique de la presse écrite durant les campagnes, pas davantage que l'audience qu'elle accorde aux différentes listes en présence.

4. D'une part, il résulte de l'instruction que M. AH... a été invité en sa qualité de tête de la liste " Union essentielle " au débat organisé par la chaîne France 3 entre les neuf têtes de liste le 9 juin 2021. Si les protestataires soutiennent que cette chaine aurait refusé qu'un autre membre de cette liste participe à ce débat en remplacement de M. AH... qui n'a pu y prendre part, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que ce service public de télévision aurait, ce faisant, méconnu ses obligations de traitement équitable des différentes listes. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'ils ne peuvent utilement soutenir que certains médias régionaux leur auraient accordé une publicité insuffisante. Enfin, ils ne sont pas fondés à se prévaloir de la circonstance que leur liste aurait été présentée comme " complotiste " dans certains médias nationaux alors que, d'une part, la majorité des articles mentionnés en ce sens par les protestataires ont été publiés après le premier tour du scrutin et, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que l'unique article de presse paru avant la date du premier tour de l'élection qu'ils mentionnent, publié par un média en ligne spécialisé, aurait eu un retentissement local de nature à influencer les électeurs et à affecter la sincérité du scrutin.

5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 354 du code électoral : " Dans chaque département, une commission de propagande, dont la composition et le fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d'Etat, est chargée d'assurer l'envoi et la distribution des documents de propagande électorale ". L'article R. 34 de ce code, rendu applicable aux élections régionales par l'article R. 182, précise les missions de la commission de propagande, chargée d'adresser " à tous les électeurs de la circonscription, une circulaire et un bulletin de vote de chaque candidat, binôme de candidats ou liste ".

6. D'autre part, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 346 du même code : " Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 % des suffrages exprimés. Dans le cas où une seule liste remplit cette condition, la liste ayant obtenu après celle-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second. Dans le cas où aucune liste ne remplit cette condition, les deux listes ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second. La composition de ces listes peut être modifiée pour comprendre les candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 5 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition d'une liste, le titre de la liste et l'ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés ".

7. Il résulte de l'instruction que des dysfonctionnements ont empêché la distribution des circulaires et bulletins de vote des listes à de nombreux électeurs dans la région Occitanie. Eu égard à l'écart de voix entre les différentes listes, d'une part, et à l'écart entre le résultat obtenu par la liste " Union essentielle " et les seuils de 5 % et 10 % des suffrages exprimés mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 346 du code électoral, d'autre part, cette défaillance, qui a au demeurant affecté également les différentes listes en présence, ne saurait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

8. En quatrième lieu, si les protestataires soutiennent que sept bulletins de la liste " Union essentielle " auraient, à tort, été écartés à tort comme nuls à la suite d'instructions émises par les préfectures dans les communes de Mauguio (Hérault), du Poujol-sur-Orb (Hérault), de Saint-Gervais (Gard), de Carlencas-et-Levas (Hérault) et d'Olargues (Hérault), l'ajout hypothétique de sept suffrages à ceux qui ont été obtenus par cette liste est, en tout état de cause, sans incidence sur les résultats du scrutin.

9. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 58 du code électoral : " Dans chaque salle de scrutin, les candidats ou les mandataires de chaque liste peuvent faire déposer des bulletins de vote sur une table préparée à cet effet par les soins du maire ".

10. A supposer même que, comme le soutiennent les protestataires, les bulletins de vote de la liste " Union essentielle " aient été soustraits au regard des électeurs sur les tables des salles de scrutin dans deux bureaux de vote situés à Montpellier et à Saint-Jean-de-Minervois, cette circonstance, dont il n'est pas soutenu qu'elle aurait revêtu le caractère d'une manœuvre, n'est pas été de nature, eu égard à l'écart séparant cette liste des seuils de 5 % et 10 % des suffrages exprimés, à altérer les résultats du scrutin.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la protestation de Mme S... AL... doit être rejetée.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme S... AL... soit mise à la charge de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La protestation de Mme S... AL... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme AG... S..., première requérante dénommée, à Mme J... D..., à M. AD... T..., à M. X... P... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juillet 2022 où siégeaient : M. Benoît Bohnert, assesseur, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 1er août 2022.

Le président :

Signé : M. Benoît Bohnert

Le rapporteur :

Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye

La secrétaire :

Signé : Mme Corinne Sak


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 454279
Date de la décision : 01/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 aoû. 2022, n° 454279
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Gueudar Delahaye
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454279.20220801
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award