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22/07/2022 | FRANCE | N°454831

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 22 juillet 2022, 454831


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Le Cercle droit et liberté, M. B... E..., Mme D... H..., M. F... C... et Mme A... G... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-955 du 19 juillet 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-

1 du Code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Le Cercle droit et liberté, M. B... E..., Mme D... H..., M. F... C... et Mme A... G... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-955 du 19 juillet 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Agniau-Canel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'expiration, le 1er juin 2021, de l'état d'urgence sanitaire qui avait été déclenché en octobre 2020 pour faire face à une reprise de l'épidémie de covid-19, l'évolution de la situation sanitaire a conduit à une modification des mesures prises pour lutter contre l'épidémie. A la date à laquelle ont été prises les dispositions contestées du décret attaqué, étaient ainsi notamment applicables les dispositions du A du II de l'article 1er de loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, aux termes desquelles : " A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 30 septembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 : (...) 2° Subordonner l'accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. Cette réglementation est appliquée en prenant en compte une densité adaptée aux caractéristiques des lieux, établissements ou événements concernés, y compris à l'extérieur, pour permettre de garantir la mise en œuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus. / Un décret détermine, après avis du comité de scientifiques mentionné à l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, les éléments permettant d'établir le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, le justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou le certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. ".

2. L'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction modifiée par le décret du 19 juillet 2021, adopté alors que la situation épidémiologique était à nouveau en nette dégradation, prévoit que l'accès à certains établissements, lieux et évènements accueillant un nombre de visiteurs, spectateurs, clients ou passagers au moins égal à 50 personnes, est subordonné à la production d'un examen ou d'un test de dépistage, d'un justificatif de schéma vaccinal complet ou d'un certificat de rétablissement. A défaut de présentation de l'un de ces documents, l'accès à l'établissement, au lieu ou à l'évènement est refusé.

3. Les conclusions de la requête doivent être regardées comme tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021, dans sa rédaction modifiée par le décret du 19 juillet 2021, en ce qu'elles fixent à 50 personnes le seuil d'application du " passe sanitaire " pour l'accès à certains lieux, établissements et évènements.

4. Les dispositions précitées du A du II de l'article 1er de loi du 31 mai 2021, qui subordonnent l'accès à certains lieux, établissements et évènements, à la présentation d'un " passe sanitaire ", visent à lutter contre l'épidémie de covid-19 toujours présente sur le territoire national à la sortie de la crise sanitaire. Dans ce cadre ainsi fixé par le législateur, il appartient au pouvoir réglementaire de prendre les dispositions requises et si nécessaire de les adapter, notamment au vu des données épidémiologiques dont il dispose, dès lors qu'elles sont justifiées par la protection de la santé publique et proportionnées à l'objectif poursuivi.

5. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier qu'était constatée à la date d'entrée en vigueur du décret attaqué une forte dégradation de la situation sanitaire, liée à une diffusion accrue du variant Delta sur le territoire. Le conseil scientifique, dans son avis du 6 juillet 2021, décrivait ce variant, d'après les données anglaises, comme présentant une transmissibilité augmentée de 60 % par rapport au variant Alpha avec une sévérité au moins aussi importante. Le taux d'incidence était alors marqué par une tendance à une forte augmentation de la circulation du virus avec un taux de 84,4 / 100 000 habitants sur la période du 11 au 17 juillet 2021, soit une hausse de 111% par rapport à la période du 4 au 10 juillet et de 244 % par rapport à la période du 27 juin au 3 juillet, alors que le taux de dépistage était lui-même en augmentation de 22,4 % par rapport à la semaine du 4 au 10 juillet. Le taux de reproduction du virus était quant à lui situé entre 1,48 et 1,52 impliquant une plus grande transmission du virus par les personnes infectées. Cette forte recrudescence commençait à affecter les services hospitaliers avec une augmentation significative des entrées à l'hôpital et des admissions en services de soins critiques.

6. En premier lieu, dans les circonstances qui viennent d'être rappelées, les dispositions du A du II de l'article 1er de loi du 31 mai 2021 autorisant le Premier ministre à subordonner l'accès à certains lieux, établissements et évènements à la présentation d'un passe sanitaire en présence de grands rassemblements de personnes, sans avoir fixé de jauge, ne faisaient pas obstacle à ce que ce dernier, compte tenu de la situation d'urgence sanitaire caractérisée à la date du décret attaqué, fixe à 50 personnes accueillies le seuil de cette exigence, dans l'intervalle nécessaire à l'adoption d'un nouveau cadre législatif. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret du 19 juillet 2021 aurait été pris en méconnaissance de la loi du 31 mai 2021.

7. En deuxième lieu, dans les circonstances sanitaires exceptionnelles précédemment décrites, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'atteinte à la liberté d'aller et venir découlant de la fixation du seuil de présentation du passe sanitaire pour l'accès à certains lieux, établissements et évènements, n'était pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi.

8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs justifiant une application immédiate des dispositions attaquées, il ne saurait, en tout état de cause, être soutenu que le décret méconnaîtrait le principe de sécurité juridique faute d'avoir assorti les mesures édictées d'une entrée en vigueur différée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'association Le Cercle droit et liberté et autres doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association Le Cercle droit et liberté et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Le Cercle droit et liberté, représentant unique, pour l'ensemble des requérants et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 juillet 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et Mme Dominique Agniau-Canel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Dominique Agniau-Canel

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 454831
Date de la décision : 22/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2022, n° 454831
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Agniau-Canel
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454831.20220722
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