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19/07/2022 | FRANCE | N°462057

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 19 juillet 2022, 462057


Vu la procédure suivante :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton n° 12 de Sada (Mayotte) en vue de l'élection des conseillers départementaux, de déclarer Mme H... D... et M. E... G... ainsi que leurs remplaçants inéligibles pour une durée de trois ans et de suspendre leurs mandats.

Par un jugement n° 2102312 du 7 février 2022, ce tribunal a fait droit à ses conclusions à fin d'annulation et rejeté le surplus de sa protestation.

Par une

requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mars et 4 avril 20...

Vu la procédure suivante :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton n° 12 de Sada (Mayotte) en vue de l'élection des conseillers départementaux, de déclarer Mme H... D... et M. E... G... ainsi que leurs remplaçants inéligibles pour une durée de trois ans et de suspendre leurs mandats.

Par un jugement n° 2102312 du 7 février 2022, ce tribunal a fait droit à ses conclusions à fin d'annulation et rejeté le surplus de sa protestation.

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mars et 4 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G... et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) statuant en appel dans cette mesure, de rejeter la protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. G... et de Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue du second tour organisé le 27 juin 2021 dans le canton n° 12 de Sada (Mayotte) en vue de l'élection des membres du conseil départemental, le binôme composé de M. E... G... et de Mme H... D... a obtenu 3 657 voix, soit 50,26 % des suffrages exprimés, tandis que le binôme composé de M. F... B... et de Mme A... C... a recueilli 3 619 voix, soit 49,74 % des suffrages exprimés. Par un jugement du 7 février 2022, le tribunal administratif de Mayotte, statuant sur une protestation formée par M. B..., a annulé ces opérations électorales au motif que 56 suffrages, soit un nombre de suffrages supérieur à l'écart de voix séparant les deux binômes présents au second tour, avaient été irrégulièrement exprimés et rejeté le surplus des conclusions de cette protestation. M. G... et Mme D... relèvent appel de l'article 1er de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le caractère contradictoire de la procédure n'impose pas, compte tenu des règles et délais propres au contentieux électoral, que soit communiqué aux parties l'ensemble des pièces recueillies au cours de l'instruction du litige. En revanche, il suppose que le juge ne puisse se fonder que sur des éléments dont les parties auraient pu prendre connaissance et qu'elles auraient été mises à même de discuter. Il appartient seulement au tribunal administratif, une fois ces pièces enregistrées par son greffe, de les tenir à la disposition des parties de sorte que celles-ci puissent, si elles l'estiment utile, en prendre connaissance. En l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté que les listes d'émargement, dont M. G... et à Mme D... soutiennent qu'elles ne leur ont pas été communiquées, ont été tenues à leur disposition au greffe du tribunal administratif. Par suite, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

Sur les opérations électorales :

3. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral : " Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement " et aux termes du second alinéa de l'article L. 64 du même code : " Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : l'électeur ne peut signer lui-même ". Il résulte de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l'encre, d'un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d'impossibilité dûment reportée sur la liste d'émargement. Ainsi, la constatation d'un vote par l'apposition, sur la liste d'émargement, soit d'une croix, soit de signatures qui présentent des différences manifestes entre les deux tours de scrutin sans qu'il soit fait mention d'un vote par procuration sur la liste d'émargement, ne peut être regardée comme garantissant l'authenticité du vote. L'inobservation de ces règles est susceptible d'entraîner, même en l'absence de fraude ou de manœuvre, l'annulation des opérations électorales.

4. Il résulte de l'instruction que, parmi les suffrages jugés par le tribunal administratif comme irrégulièrement exprimés en raison d'un doute sur l'authenticité des signatures apposées sur la liste d'émargement, les signatures des électeurs votant sous les nos 69, 147, 995 et 1079 dans le bureau de vote n° 15, sous les nos 178, 369, 510 et 516 dans le bureau de vote n° 16, sous les nos 75, 111, 207, 252, 471, 498, 557, 571, 577 et 586 dans le bureau de vote n° 41, sous les nos 126, 412, 436, 626, 674 et 699 dans le bureau de vote n° 54, sous les nos 126 et 164 dans le bureau de vote n° 75, sous les nos 186, 425 et 627 dans le bureau de vote n° 124, sous les nos 78, 117, 156, 217, 256, 459, 564, 592 et 623 dans le bureau de vote n° 180, sous les nos 220 et 310 dans le bureau de vote n° 181 et sous les nos 64, 67, 142, 143 et 339 dans le bureau de vote n° 182, présentent des différences significatives entre les deux tours de scrutin, sans que cette différence ne soit justifiée par les mentions portées sur la liste d'émargement. Par ailleurs, les électeurs n° 363 du bureau de vote n° 41 et n° 131 du bureau de vote n° 180 ont, sans explication, apposé une croix en lieu et place de leur signature. De même, les mentions figurant sur la liste d'émargement ne comportent pas de précisions suffisantes pour établir l'authenticité du vote par procuration de l'électeur n° 407 du bureau de vote n° 16. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif a jugé, en l'absence de justification apportée par M. G... et Mme D... en première instance, que ces 48 suffrages avaient été irrégulièrement exprimés, alors même que l'existence d'une manœuvre ne serait pas établie ni même alléguée.

5. En revanche, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il ressort de l'examen de la liste d'émargement que les signatures des électeurs votant sous les nos 390 et 420 dans le bureau de vote n° 15, sous le n° 166 dans le bureau n° 16 et sous le n° 186 dans le bureau n° 41 ne présentent pas de différences significatives entre les deux tours. Il en est de même des signatures des électeurs votant sous le n° 134 du bureau de vote n° 15, sous le n° 370 dans le bureau de vote n° 16 et sous les nos 6 et 121 dans le bureau de vote n° 181, pour lesquelles les différences constatées sont justifiées par la mention manuscrite, portée sur la liste d'émargement, d'un vote par procuration au second tour de scrutin. Les suffrages correspondants doivent donc être regardés comme ayant été régulièrement émis.

6. Il résulte de ce qui précède que le nombre de suffrages devant être hypothétiquement retranchés du total des suffrages exprimés et des voix obtenues par le binôme formé par M. G... et Mme D... doit, par rapport au calcul opéré par le tribunal administratif, être ramené de 56 à 48.

7. Toutefois, compte tenu de l'écart de 38 voix qui sépare ce binôme de l'autre binôme de candidats présent au second tour, les appelants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif a annulé les opérations électorales.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. G... et de Mme D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. E... G..., à Mme H... D..., à M. F... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 juin 2022 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 19 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Jonathan Bosredon

La secrétaire :

Signé : Mme Catherine Meneyrol


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 462057
Date de la décision : 19/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2022, n° 462057
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jonathan Bosredon
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462057.20220719
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