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06/07/2022 | FRANCE | N°464843

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, formation collégiale, 06 juillet 2022, 464843


Vu la procédure suivante :

Mme G... B..., agissant en qualité de tutrice de sa fille, Mlle A... D..., majeur protégé, M. C... E..., agissant en qualité de co-tuteur de Mlle D..., et M. F... D..., père de Mlle D..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'annuler ou de suspendre l'exécution de " toute décision occulte " du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen Normandie prévoyant la limitation des soins administrés à Mlle A... D... ou, à tou

t le moins, d'annuler ou suspendre l'exécution de la décision du 30 n...

Vu la procédure suivante :

Mme G... B..., agissant en qualité de tutrice de sa fille, Mlle A... D..., majeur protégé, M. C... E..., agissant en qualité de co-tuteur de Mlle D..., et M. F... D..., père de Mlle D..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'annuler ou de suspendre l'exécution de " toute décision occulte " du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen Normandie prévoyant la limitation des soins administrés à Mlle A... D... ou, à tout le moins, d'annuler ou suspendre l'exécution de la décision du 30 novembre 2021 ayant donné lieu au compte-rendu du 29 décembre 2021 H... laquelle l'équipe de soins du service de réanimation médicale a collégialement décidé la limitation et l'arrêt des thérapeutiques en cas de complication intercurrente et, en toute hypothèse, d'enjoindre au CHU de justifier des mesures qu'il aura prises pour garantir la bonne administration des soins et, d'autre part, de placer Mlle D... en chambre individuelle en y autorisant la présence de sa mère. H... une ordonnance n° 2200662 du 27 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

H... une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 et 29 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B..., M. E... et M. D... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leur demande en référé ;

3°) d'enjoindre au CHU de Caen Normandie de réexaminer la situation de Mlle D... dans le délai d'un mois à compter de l'ordonnance à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Caen Normandie la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de la décision de limitation de soins contestée, dont les effets sont illimités dans le temps, est susceptible de s'appliquer à tout moment et d'entraîner le décès immédiat de Mlle D..., eu égard au risque sérieux de récidive de son état de mal épileptique ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie, au droit à bénéficier de traitements adaptés et au droit à la dignité de la personne humaine ;

- les effets de la décision contestée sont illimités dans le temps et son exécution n'est pas subordonnée à l'absence d'évolution favorable de l'état de santé de Mlle D... ;

- la décision contestée conduit à ce qu'une détresse vitale de Mlle D... ne soit pas prise en charge ;

- elle prive Mlle D... de la possibilité de se voir administrer du cannabidiol, qui constitue une nouvelle thérapeutique permettant de limiter la survenance de ses états de mal épileptique alors même que son traitement actuel est insuffisant pour éviter leurs répétitions qui aggravent son état de santé ;

- elle est dépourvue de base légale dès lors que l'administration du cannabidiol ne constitue pas une obstination déraisonnable au sens de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique mais un soin approprié dans la mesure où le traitement dont Mlle D... bénéficie actuellement ne permet pas d'empêcher la survenance d'états de mal mais seulement de les atténuer lorsqu'ils surviennent ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est établi que le cannabidiol aurait des effets positifs sur la maladie de Mlle D... ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir dès lors qu'il n'est fait état d'aucun élément autre que financier ou matériel pour justifier le refus de placer Mlle D... en chambre individuelle ;

- ce refus de placement en chambre individuel porte une atteinte grave à la vie, en ce qu'elle favorise la survenance d'états de mal épileptique qui peuvent s'avérer fatals pour Mlle D..., et une atteinte à sa dignité.

H... un mémoire en défense, un mémoire récapitulatif et un nouveau mémoire, enregistrés les 23, 24 et 30 juin 2022, le CHU de Caen Normandie conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mise à la charge des requérants la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la requête est irrecevable, que l'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B..., M. E... et M. D... et, d'autre part, le CHU de Caen Normandie ;

ont été entendus lors de l'audience publique du 1er juillet 2022, à 10 heures 30 :

- Me de la Burgade, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B..., M. E... et M. D... ;

- les représentants de Mme B..., M. E... et M. D... ;

- Mme B... ;

- les représentants du CHU de Caen Normandie ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juillet 2022, présentée H... Mme B..., M. E... et M. D... ;

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée H... l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Ces dispositions législatives confèrent au juge des référés, qui statue, en vertu de l'article L. 511-1 du code de justice administrative, H... des mesures qui présentent un caractère provisoire le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d'évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales.

2. Toutefois, il appartient au juge des référés d'exercer ses pouvoirs de manière particulière lorsqu'il est saisi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une décision, prise H... un médecin, dans le cadre défini H... le code de la santé publique, et conduisant à arrêter ou à ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, un traitement qui apparaît inutile ou disproportionné ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, dans la mesure où l'exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Il doit alors prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues H... la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, qui sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable.

3. En outre, une carence caractérisée d'une autorité administrative dans l'usage des pouvoirs que lui confère la loi pour mettre en œuvre le droit de toute personne à recevoir, sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé, tels qu'appréciés H... le médecin, peut faire apparaître, pour l'application de ces dispositions, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle risque d'entraîner une altération grave de l'état de santé de la personne intéressée. En revanche, si l'autorité administrative est en droit, lorsque des incertitudes subsistent quant à l'existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, de prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées, l'existence de telles incertitudes fait, en principe, obstacle à ce que soit reconnue une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, justifiant que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

Sur le cadre juridique du litige :

4. Aux termes de l'article L. 1110-1 du code la santé publique : " Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre H... tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. (...) " L'article L. 1110-2 de ce code dispose que : " La personne malade a droit au respect de sa dignité ".

5. Aux termes de l'article L. 1110-5 du même code : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés H... rapport au bénéfice escompté (...) ". Aux termes de l'article L. 1110-5-1 du même code : " Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie H... voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " (...) Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical (...) ". L'article R. 4127-37-2 du même code précise que : " (...) II. - Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. (...) La personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale. / III. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise H... le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale. Cette procédure collégiale prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est recueilli H... ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. / (...) / IV. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est motivée. La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l'un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. La volonté de limitation ou d'arrêt de traitement exprimée dans les directives anticipées ou, à défaut, le témoignage de la personne de confiance, ou de la famille ou de l'un des proches de la volonté exprimée H... le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient ".

6. Il résulte de ces dispositions législatives, ainsi que de l'interprétation que le Conseil constitutionnel en a donnée dans sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, qu'il appartient au médecin en charge d'un patient, lorsque celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté d'arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut prendre une telle décision qu'à l'issue d'une procédure collégiale, destinée à l'éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d'un arrêt du traitement et, sauf dans les cas mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, dans le respect des directives anticipées du patient ou, à défaut de telles directives, après consultation de la personne de confiance désignée H... le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches, ainsi que, le cas échéant, de son ou ses tuteurs.

Sur les circonstances du litige :

7. Il résulte de l'instruction que Mlle A... D..., âgée de vingt-deux ans, souffre d'une encéphalopathie épileptique génétique congénitale. Cette pathologie est caractérisée H... des états de mal épileptique réfractaires et récurrents, difficiles à prévenir et à contrôler, nécessitant des traitements de plus en plus puissants et des intubations trachéales, et qui, en se multipliant, conduisent à un déclin neurologique progressif. Mlle D... est grabataire et dépendante pour tous les actes de la vie quotidienne. Elle manifeste une vigilance et des émotions quand bien même elle n'a qu'une compréhension verbale limitée et n'émet que de rares sons inarticulés. Mlle D... a été prise en charge, à raison d'états de mal épileptique, à sept reprises, entre 2012 et 2017, au sein du service de réanimation de l'hôpital Necker à Paris puis, à la suite du déménagement de sa famille, au sein du service de réanimation pédiatrique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen Normandie et, à six reprises, entre 2018 et 2020, au sein du service de réanimation adulte de cet établissement. Hospitalisée depuis le 3 juin 2021 au sein du service de neurologie, Mlle D... a été de nouveau admise en réanimation du 3 juin au 16 juillet 2021, du 23 juillet au 4 août 2021, du 7 novembre au 28 décembre 2021, du 12 au 23 février 2022 et du 8 au 18 mai 2022.

8. A l'occasion de la prise en charge de Mlle D... H... le service de réanimation du CHU de Caen Normandie entre les 7 novembre et 28 décembre 2021, la procédure collégiale prévue H... les dispositions du code de la santé publique citées au point 5 a été mise en œuvre. Au vu de la gravité de la pathologie neurologique sous-jacente, dégénérative, incurable et évolutive, du degré de dépendance et de la durée d'hospitalisation de plus de cinq mois depuis le 3 juin 2021, la décision a été prise, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, de limiter la prise en charge de l'état de santé de Mlle D... aux traitements en rapport avec la pathologie neurologique, incluant la protection des voies aériennes avec recours à l'intubation orotrachéale, mais de ne pas augmenter le niveau des soins suppléant les fonctions vitales en cas de survenue d'une complication intercurrente grave. Ainsi, il a été décidé de ne pas initier de support aminergique, de ne pas recourir à l'épuration extra-rénale, de ne pas recourir à une chirurgie en urgence et de ne pas traiter d'arrêt cardiaque. Consultés au titre des dispositions de l'article R. 4127-37-2 du code de la santé publique citées au point 5, les proches de Mlle D... ont fait connaître leur désaccord sur cette décision.

9. Le 18 mars 2022, Mme B..., agissant en qualité de co-tutrice de sa fille, Mlle D..., M. E..., agissant en qualité de co-tuteur, et M. F... D..., père de Mlle D..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision de limitation de soins du 30 novembre 2021 et de toute autre décision ayant le même objet, d'enjoindre au CHU de Caen Normandie de justifier des mesures prises pour garantir la bonne administration des soins et de placer Mlle D... en chambre individuelle en y autorisant la présence de sa mère. H... une ordonnance du 25 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a notamment décidé une mesure d'expertise. A la suite du dépôt, le 9 mai 2022, du rapport de l'expert désigné, le juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté la demande des requérants, H... une ordonnance du 27 mai 2022. H... la présente requête, ceux-ci relèvent appel de cette ordonnance.

Sur la décision de limitation des traitements du 30 novembre 2021 et toute autre décision ayant le même objet :

10. Il résulte des écritures du CHU de Caen Normandie, tant devant le juge de référés du tribunal administratif de Caen que dans le cadre de la présente instance, que la décision de limitation de soins du 30 novembre 2021 mentionnée au point 8 a cessé de produire tout effet à la sortie de Mlle D... du service de réanimation le 28 décembre 2021 et qu'aucune autre décision ayant le même objet n'a été prise depuis. Au cours de l'audience du 1er juillet 2022, le CHU de Caen Normandie a réaffirmé, devant le juge des référés du Conseil d'Etat, que la décision du 30 novembre 2021 n'était plus en vigueur, y compris en ce qui concerne la limitation ou la non-introduction de vasopresseurs, et que toute éventuelle nouvelle décision de limitation de soins n'interviendrait que dans les conditions et selon les modalités fixées à l'article R. 4127-37-2 du code de la santé publique cité au point 5, lesquelles imposent notamment l'information de la famille quant à la nature et aux motifs d'une telle décision. A cet égard, le CHU de Caen Normandie a pris l'engagement que, dans le cas où la procédure collégiale serait de nouveau mise en œuvre, l'éventuelle décision prise serait, sans délai, remise, sous forme écrite, aux requérants.

Sur l'introduction d'un traitement à base de cannabidiol :

11. Les requérants soutiennent qu'en l'absence de traitement connu permettant de prévenir la survenance des états de mal épileptique, à terme fatals pour Mlle D..., le refus du CHU de Caen Normandie de mettre en œuvre un traitement à base de cannabidiol prive celle-ci d'une chance de survie et que, H... suite, cette carence thérapeutique porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie, au droit à bénéficier de traitements adaptés et au droit à la dignité de la personne humaine.

12. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise établi à la demande du juge des référés du tribunal administratif de Caen que le protocole thérapeutique antiépileptique mis en œuvre H... l'équipe soignante du service de neurologie du CHU de Caen Normandie au profit de Mlle D... est conforme aux données acquises de la science tant en ce qui concerne le traitement de fond qu'en ce qui concerne les états de mal épileptique. L'expert désigné a H... ailleurs estimé que la mise en œuvre d'un traitement à base de cannabidiol pouvait être tenté mais a souligné le caractère risqué de ce traitement qui ne bénéficie ni d'une autorisation de mise sur le marché ni d'une autorisation temporaire d'utilisation ou, désormais, d'accès précoce ou compassionnel pour la pathologie dont souffre Mlle D.... Dans ces conditions, le choix thérapeutique de ne pas administrer dans l'immédiat à Mlle D... un traitement à base de cannabidiol ne peut être regardé comme une décision qui porterait une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie, au droit à bénéficier de traitements adaptés et au droit à la dignité de la personne humaine, justifiant que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

13. Au demeurant, l'expert a relevé que le climat conflictuel entre l'équipe soignante et la famille faisait actuellement obstacle à la mise en œuvre d'un traitement à base de cannabidiol. Au cours de l'audience du 1er juillet 2022, le chef du service de neurologie du CHU de Caen Normandie a confirmé qu'il n'existait pas de refus de principe de l'équipe soignante de recourir à un tel traitement mais qu'en raison des risques de complications majeures susceptibles d'intervenir, telles des troubles de la conscience ou la provocation d'états de mal épileptique, l'introduction de ce traitement dans le protocole de soins délivré à Mlle D... ne pouvait être envisagé que dans un climat de totale confiance entre l'équipe soignante et la famille. Les parties ont convenu que cette condition faisait à ce jour défaut, notamment du fait de l'anxiété de la famille de Mlle D... quant à l'état de santé de celle-ci. Les parties ont cependant exprimé le souhait, dans le souci partagé de la meilleure prise en charge possible de Mlle D..., qu'une amélioration de ce climat puisse intervenir et elles ont envisagé qu'une réflexion et des échanges soient entamés en ce sens, pouvant aboutir, au besoin, à une formalisation dans un document commun.

Sur le placement en chambre individuelle :

14. Il résulte de l'instruction que le service de neurologie du CHU de Caen Normandie dans lequel Mlle D... est prise en charge ne dispose que de quatre chambres individuelles, attribuées, sur décision médicale, prioritairement aux mineurs, aux personnes en soins palliatifs et aux patients placés en isolement pour des raisons infectieuses. Alors même que le rapport d'expertise envisage favorablement le placement de Mlle D... en chambre individuelle, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions actuelles d'hospitalisation de Mlle D... en chambre double porteraient une atteinte grave et manifestement illégale à un droit fondamental de celle-ci.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, H... l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

16. H... suite, la requête de Mme B..., M. E... et M. D... doit être rejetée, y compris les conclusions présentées aux fins d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée H... le CHU de Caen Normandie.

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées H... le CHU de Caen Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme B..., M. E... et M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées H... le CHU de Caen Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme G... B..., à M. C... E..., à M. F... D... et au centre hospitalier universitaire de Caen Normandie.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er juillet 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, conseillère d'Etat, présidant ; M. Olivier Japiot et Mme Anne Egerszegi, conseillers d'Etat, juges des référés.

Fait à Paris, le 6 juillet 2022

Signé : Gaëlle Dumortier


Synthèse
Formation : Juge des référés, formation collégiale
Numéro d'arrêt : 464843
Date de la décision : 06/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2022, n° 464843
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme A Egerszegi
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:464843.20220706
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