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27/06/2022 | FRANCE | N°464929

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 27 juin 2022, 464929


Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au recteur de l'académie de la Guyane d'affecter sa fille mineure B... A... dans un établissement scolaire adapté à son âge et à son niveau scolaire dans un délai de sept jours suivant la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2200614 du 27 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au recteur de l'académie de la Guyane d'affecter sa fille mineure B... A... dans un établissement scolaire adapté à son âge et à son niveau scolaire dans un délai de sept jours suivant la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2200614 du 27 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance attaquée ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de l'avocat soussigné lequel renoncera alors au bénéfice de l'aide juridictionnelle, la somme de 3 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

;

Il soutient que :

- la minute de la décision qui lui a été transmise n'a pas été signée par le magistrat qui l'a rendue, portant atteinte aux prescriptions de l'article R. 741-8 du code de justice administrative ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que sa fille mineure demeure déscolarisée ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- la carence du recteur de l'académie de Guyane, n'affectant pas sa fille dans un établissement scolaire adapté à son âge et à son niveau, porte atteinte au droit à l'éducation et au principe d'égal accès à l'instruction ;

- elle est entachée d'erreur de droit et méconnaît les textes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ceux des articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 131-1 du code de l'éducation en considérant qu'ils ne posent qu'une obligation de scolarisation jusqu'à un certain âge et en omettant, dès lors, de considérer qu'ils garantissent d'abord et avant tout un droit à être scolarisé, sans considération d'âge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2022, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... et, d'autre part, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 21 juin 2022, à 9 heures 30 :

- Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- les représentantes du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 23 juin 2022 à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. M. A... a demandé aux autorités académiques de Guyane de procéder à l'inscription dans un établissement scolaire de sa fille B..., âgée de 16 ans. Il a, dix jours après, en raison du silence gardé par l'autorité administrative, saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, estimant que le défaut de réponse constituait une atteinte grave et manifestement illégale au droit fondamental à l'éducation et à l'instruction de sa fille. Par une ordonnance du 27 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la demande d'injonction de M. A... au recteur d'académie de procéder à l'inscription de sa fille dans un délai de sept jours dans un établissement scolaire adapté à son âge et à son niveau. M. A... relève appel de cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté ses conclusions à fin d'injonction.

3. Pour écarter la demande de M. A..., le juge des référés du tribunal administratif de Guyane, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 113-1 du code de l'éducation, aux termes du premier alinéa duquel : " L'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de 3 ans et jusqu'à l'âge de 16 ans (...) ", a constaté que l'obligation scolaire ne s'imposait que jusqu'à l'âge de 16 ans, et, au regard de l'âge de la fille du requérant, en a déduit que la décision du recteur de l'académie de Guyane de ne pas donner immédiatement suite à la demande qui lui avait été adressée n'avait pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'instruction de l'intéressée. Toutefois, en vertu des dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 du même code, le droit à l'instruction et à l'éducation est également garanti par la loi sans limite d'âge. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Guyane a opposé à sa demande les dispositions de L. 113-1 du code de l'éducation ;

4. Toutefois, il résulte des échanges entre les parties, et notamment des précisions apportées à l'audience à l'invitation du juge des référés qu'entretemps, que la jeune B... A... a été convoquée au centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV) le 23 juin 2022 à 9 heures, en vue d'une évaluation de son niveau dans la perspective d'une inscription dans un établissement scolaire, examen qui, ainsi qu'en attestent les pièces produites après l'audience s'est effectivement déroulé, et a entraîné l'envoi d'une proposition de rendez-vous dans un établissement scolaire. Le ministre de l'éducation s'est engagé au cours de l'audience à ce qu'une telle inscription intervienne avant le 31 juillet 2022. Alors que les congés scolaires débutent dans quelques jours, il est ainsi donné, ainsi que l'a reconnu par l'intermédiaire de son conseil M. A... lors de l'audience, entière satisfaction à la requête initialement introduite. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur cette dernière.

5. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 3 000 euros au bénéfice de M. A....

O R D O N N E :

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Article 1er : En considération de l'examen des capacités scolaires de B... A... auquel il a été procédé au lendemain de l'audience, et de l'engagement du ministre de procéder en conséquence à l'affectation correspondant au résultat de cet examen avant le 31 juillet, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. A....

Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 3 000 euros.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... A... ainsi qu'au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Fait à Paris, le 27 juin 2022

Signé : Thierry Tuot


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 464929
Date de la décision : 27/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2022, n° 464929
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:464929.20220627
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