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15/06/2022 | FRANCE | N°464329

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 juin 2022, 464329


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mai et 9 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tillots Pharma France demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'économie, des finances et de la relance du 17 février 2022 portant radiation de la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mai et 9 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tillots Pharma France demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'économie, des finances et de la relance du 17 février 2022 portant radiation de la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale en tant qu'il a radié la spécialité DIFICLIR 200 mg comprimé pelliculé et la spécialité DIFICLIR 40 mg granulés en solution buvable de cette liste ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la radiation de la liste en sus des spécialités DIFICLIR de la liste porte une atteinte grave et immédiate à sa situation économique et à l'intérêt des patient de voir leurs besoins médicaux suffisamment couverts ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- la méthode utilisée par l'administration pour calculer le rapport de 30% entre le coût moyen estimé de la spécialité DIFICLIR 200 mg et les tarifs de la majorité des prestations dans lesquelles la spécialité est susceptible d'être administrée méconnaît le 4° du I de l'article R. 612-37-2 du code de la sécurité sociale ;

- la détermination de ce rapport pour la spécialité DIFICLIR 40 mg granulés en solution buvable n'a pas été faite, faute de données de consommation pour cette spécialité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2022, la ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Tillotts Pharma France, et d'autre part, la ministre de la santé et de la prévention ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 9 juin 2022, à 15 heures :

- Me Lesourd, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Tillotts Pharma France ;

- les représentants de la société Tillotts Pharma France ;

- les représentants de la ministre de la santé et de la prévention ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. Il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. Aux termes de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale : " I. - L'Etat fixe, sur demande du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou à l'initiative des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, la liste des spécialités pharmaceutiques bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché dispensées aux patients dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 162-22-6 qui peuvent être prises en charge, sur présentation des factures, par les régimes obligatoires d'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation mentionnées au 1° du même article (...). Cette liste précise les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge des médicaments en sus des prestations d'hospitalisation mentionnées à l'article L. 162-22-6 (...) ". Aux termes du I de l'article R. 162-37 du même code : " La liste des spécialités pharmaceutiques prévue à l'article L. 162-22-7 et leurs conditions de prise en charge sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ".

4. La société Tillots demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'arrêté du 17 février 2022 par lequel les ministres chargés de la santé et du budget ont modifié la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, dite liste " en sus ", en tant qu'il radie de cette liste les spécialités pharmaceutiques " DIFICLIR ".

5. Pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de cet arrêté, la société Tillots Pharma France, qui exploite en France ces spécialités, soutient que la prise en charge directe de leur coût par les établissements de santé a des répercussions immédiates sur leur prescription par les médecins hospitaliers ce qui crée une modification de sa situation et porte préjudice à l'intérêt des patients de voir leurs besoins médicaux suffisamment couverts.

6. Il résulte toutefois de l'instruction que la décision de radier ces spécialités de la liste " en sus " ne fait pas obstacle à leur prise en charge dans le cadre du tarif des prestations facturées par les établissements de santé. Il est également constant que les montants remboursés au titre de la liste " en sus " pour la spécialité DIFICLIR ont été intégrés dans les tarifs d'hospitalisation associés aux " groupes homogènes " consommateurs de cette spécialité. Si la société Tillots Pharma France fait valoir que cette réintégration ne compense pas l'intégralité du coût du traitement, qu'elle a déjà enregistré des refus de vente depuis le 1er mars 2022 et que ces spécialités représentent près de 30% de son chiffre d'affaires, ces éléments ne permettent pas, en l'état de l'instruction, d'établir que la décision contestée serait de de nature à porter une atteinte grave et immédiate à sa situation financière et à la mise à disposition de ces spécialités aux patients qui en auraient besoin. Les effets de l'arrêté contesté ne sont donc pas de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond par le Conseil d'Etat, son exécution soit suspendue. Dans ces conditions, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme étant remplie.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, la requête de la société Tillots Pharma France doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société Tillotts Pharma France est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Tillotts Pharma France et à la ministre de la santé et de la prévention.

Fait à Paris, le 15 juin 2022

Signé : Mathieu Hérondart


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 464329
Date de la décision : 15/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2022, n° 464329
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:464329.20220615
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