La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2022 | FRANCE | N°463876

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 27 mai 2022, 463876


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de suspendre l'exécution de la décision implicite de refus du service intégré d'accueil et d'orientation de l'Isère de lui désigner un hébergement d'urgence et d'ordonner au préfet de l'Isère de l'orienter, dans un délai de vingt-quatre heures, vers une structure d'hébergement d'urgence, avec suivi social, jusqu'à

ce qu'il soit orienté vers une structure d'hébergement stable ou de soi...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de suspendre l'exécution de la décision implicite de refus du service intégré d'accueil et d'orientation de l'Isère de lui désigner un hébergement d'urgence et d'ordonner au préfet de l'Isère de l'orienter, dans un délai de vingt-quatre heures, vers une structure d'hébergement d'urgence, avec suivi social, jusqu'à ce qu'il soit orienté vers une structure d'hébergement stable ou de soins ou vers un logement adapté à sa situation. Par une ordonnance n° 2202422 du 22 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 avril 2022 ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision implicite du préfet de l'Isère rejetant sa demande d'hébergement d'urgence ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'assurer son hébergement d'urgence, avec suivi social, jusqu'à ce qu'il soit orienté vers une structure d'hébergement stable ou de soins ou vers un logement adapté à sa situation, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, assorti d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'il n'a plus de domicile fixe, que son état de santé mentale est très dégradé et que cet état met potentiellement sa vie en danger ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît le droit à l'hébergement d'urgence garanti par l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles faute d'avoir été orienté vers une structure d'hébergement d'urgence alors qu'il a effectué de nombreux appels, qu'il se trouve dans une situation de détresse médicale, psychique et sociale et qu'il justifie de l'existence de troubles psychiatriques graves incompatibles avec une absence de mise à l'abri ;

- l'absence d'accueil au sein d'un dispositif d'hébergement d'urgence porte atteinte au droit au respect de la vie et à l'interdiction des traitements inhumains, garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la dégradation de son état de santé mentale pouvant le conduire à adopter un comportement suicidaire.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 et 20 mai 2022, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., et d'autre part, le ministre des solidarités et de la santé ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 20 mai 2022, à 15 heures :

- Me Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- les représentants du ministre des solidarités et de la santé ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clôt l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 2011 et entré en France le 23 octobre 2017, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'enjoindre au préfet de l'Isère, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de l'héberger dans le cadre d'une structure d'hébergement d'urgence ou dans une autre structure susceptible de l'accueillir compte tenu de sa pathologie psychiatrique. Par une ordonnance du 22 avril 2022, le juge des référés de ce tribunal a rejeté sa demande.

3. Aux termes de l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles : " Dans chaque département est mis en place, sous l'autorité du représentant de l'Etat, un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation de leur situation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers les structures ou services qu'appelle leur état. Cette orientation est assurée par un service intégré d'accueil et d'orientation (...) ". L'article L. 345-2-2 de ce code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) ". Aux termes de l'article L. 345-2-3 du même code : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ".

4. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions précitées, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée. Les ressortissants étrangers qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou dont la demande d'asile a été définitivement rejetée et qui doivent ainsi quitter le territoire en vertu des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas vocation à bénéficier du dispositif d'hébergement d'urgence, une carence constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne saurait être caractérisée, à l'issue de la période strictement nécessaire à la mise en œuvre de leur départ volontaire, qu'en cas de circonstances exceptionnelles.

5. Il résulte de l'instruction que la prise en charge de M. B... A... en tant que mineur non accompagné, initiée le 14 novembre 2017 jusqu'à sa majorité au 1er janvier 2019, a été maintenue jusqu'au 3 janvier 2022 dans le cadre du dispositif " contrat jeune majeur " et que, depuis lors, il vit à la rue. Une décision portant obligation de quitter le territoire assortie d'une interdiction de retour de deux ans a été prise le 11 mars 2022, mais n'a pu lui être notifiée, tandis que le récépissé de sa demande de titre de séjour étranger malade a expiré le 20 mai 2022. M. A... a effectué plusieurs demandes d'hébergement d'urgence auprès du " 115 ", une enquête sociale ayant en outre été réalisée par la mission locale de Grenoble assurant son suivi avec l'assistance d'un travailleur social. S'il se trouve dans une situation de particulière vulnérabilité en raison de troubles psychiatriques sérieux, partiellement pris en charge par une permanence d'accès aux soins de santé psychiatrique de Grenoble, ses circonstances ne sont cependant pas telles qu'elles puissent être regardées comme exceptionnelles, ou comme méconnaissant en tout état de cause des garanties tirées de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de l'existence à son égard d'une obligation de quitter le territoire français, de sa situation de famille et de son âge et de la saturation actuelle du dispositif d'urgence du département de l'Isère, les 2096 places disponibles étant intégralement occupées au 17 mai 2022.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a estimé que n'était pas constituée une carence constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant qu'il soit fait usage des pouvoirs que le juge tire de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Ses conclusions doivent par suite être rejetées, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 de ce dernier code et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et à la ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Fait à Paris, le 27 mai 2022

Signé : Damien Botteghi


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 mai. 2022, n° 463876
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 27/05/2022
Date de l'import : 01/06/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 463876
Numéro NOR : CETATEXT000045842895 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-05-27;463876 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award