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25/05/2022 | FRANCE | N°464299

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 mai 2022, 464299


Vu la procédure suivante :

I. Mme J... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 20 mai 2022, révélée par un courriel du bureau des élections du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, refusant la livraison de son matériel électoral et, d'autre part, d'enjoindre à la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, de

stinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les ...

Vu la procédure suivante :

I. Mme J... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 20 mai 2022, révélée par un courriel du bureau des élections du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, refusant la livraison de son matériel électoral et, d'autre part, d'enjoindre à la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, destinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les autres candidats. Par une ordonnance n° 2211360 du 23 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sous le n° 464299, par une requête enregistrée le 23 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision du 20 mai 2022 de refus de son matériel électoral ;

3°) d'enjoindre à la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, destinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les autres candidats ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- cette ordonnance est entachée d'irrégularité en ce que, en premier lieu, la juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est fondée sur un mémoire en défense et sur des pièces signés et produits par une autorité incompétente en application des dispositions de R. 431-9 du code de justice administrative, en deuxième lieu, sa minute n'est pas signée en violation de l'article R. 742-5 du code de justice administrative, en troisième lieu, elle est insuffisamment motivée et, en dernier lieu, elle repose sur des motifs contradictoires ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que les opérations électorales du premier tour des élections législatives pour ces circonscriptions doivent se tenir le 5 juin 2022 et, qu'en tout état de cause, la date limite d'envoi du matériel électoral par la commission électorale a été fixée au 24 mai prochain ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- la décision contestée porte atteinte au principe d'égalité entre les candidats ainsi qu'à la liberté reconnue à tout citoyen majeur jouissant de ses droits civiques et remplissant les conditions d'éligibilité propres au scrutin de se présenter à une fonction élective en ce que, d'une part, elle la prive de toute possibilité de voir ses documents de propagande diffusés aux électeurs Français établis hors de France, et, d'autre part, le ministère a donné son accord pour le conditionnement du matériel électoral arrivé tardivement à des candidats d'un autre parti politique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2022, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II. Mme I... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 20 mai 2022, révélée par un courriel du bureau des élections du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, refusant la livraison de son matériel électoral et, d'autre part, d'enjoindre à la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, destinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les autres candidats. Par une ordonnance n° 2211353 du 23 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sous le n° 464302, par une requête enregistrée le 23 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision du 20 mai 2022 de refus de son matériel électoral ;

3°) d'enjoindre à la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, destinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les autres candidats ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- cette ordonnance est entachée d'irrégularité en ce que, en premier lieu, la juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est fondée sur un mémoire en défense et sur des pièces signés et produits par une autorité incompétente en application des dispositions de R. 431-9 du code de justice administrative, en deuxième lieu, sa minute n'est pas signée en violation de l'article R. 742-5 du code de justice administrative, en troisième lieu, elle est insuffisamment motivée et, en dernier lieu, elle repose sur des motifs contradictoires ;

-la condition d'urgence est remplie dès lors que les opérations électorales du premier tour des élections législatives pour ces circonscriptions doivent se tenir le 5 juin 2022 et, qu'en tout état de cause, la date limite d'envoi du matériel électoral par la commission électorale a été fixée au 24 mai prochain ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- la décision contestée porte atteinte au principe d'égalité entre les candidats ainsi qu'à la liberté reconnue à tout citoyen majeur jouissant de ses droits civiques et remplissant les conditions d'éligibilité propres au scrutin de se présenter à une fonction élective en ce que, d'une part, elle la prive de toute possibilité de voir ses documents de propagande diffusés aux électeurs Français établis hors de France, et, d'autre part, le ministère a donné son accord pour le conditionnement du matériel électoral arrivé tardivement à des candidats d'un autre parti politique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2022, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que par son mémoire en défense enregistré sous le n° 464299.

III. Mme F... G... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 20 mai 2022, révélée par un courriel du bureau des élections du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, refusant la livraison de son matériel électoral et, d'autre part, d'enjoindre à la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, destinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les autres candidats. Par une ordonnance n° 2211354 du 23 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sous le n° 464303, par une requête enregistrée le 23 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme G... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision du 20 mai 2022 de refus de son matériel électoral ;

3°) d'enjoindre à la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, destinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les autres candidats ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- cette ordonnance est entachée d'irrégularité en ce que, en premier lieu, la juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est fondée sur un mémoire en défense et sur des pièces signés et produits par une autorité incompétente en application des dispositions de R. 431-9 du code de justice administrative, en deuxième lieu, sa minute n'est pas signée en violation de l'article R. 742-5 du code de justice administrative, en troisième lieu, elle est insuffisamment motivée et, en dernier lieu, elle repose sur des motifs contradictoires ;

-la condition d'urgence est remplie dès lors que les opérations électorales du premier tour des élections législatives pour ces circonscriptions doivent se tenir le 5 juin 2022 et, qu'en tout état de cause, la date limite d'envoi du matériel électoral par la commission électorale a été fixée au 24 mai prochain ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- la décision contestée porte atteinte au principe d'égalité entre les candidats ainsi qu'à la liberté reconnue à tout citoyen majeur jouissant de ses droits civiques et remplissant les conditions d'éligibilité propres au scrutin de se présenter à une fonction élective en ce que, d'une part, elle la prive de toute possibilité de voir ses documents de propagande diffusés aux électeurs Français établis hors de France, et, d'autre part, le ministère a donné son accord pour le conditionnement du matériel électoral arrivé tardivement à des candidats d'un autre parti politique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2022, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que par son mémoire en défense enregistré sous le n° 464299.

IV. Mme H... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 20 mai 2022, révélée par un courriel du bureau des élections du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, refusant la livraison de son matériel électoral et, d'autre part, d'enjoindre à la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, destinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les autres candidats. Par une ordonnance n° 2211352 du 23 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sous le n° 464306, par une requête enregistrée le 23 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision du 20 mai 2022 de refus de son matériel électoral ;

3°) d'enjoindre à la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, destinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les autres candidats ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- cette ordonnance est entachée d'irrégularité en ce que, en premier lieu, la juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est fondée sur un mémoire en défense et sur des pièces signés et produits par une autorité incompétente en application des dispositions de R. 431-9 du code de justice administrative, en deuxième lieu, sa minute n'est pas signée en violation de l'article R. 742-5 du code de justice administrative, en troisième lieu, elle est insuffisamment motivée et, en dernier lieu, elle repose sur des motifs contradictoires ;

-la condition d'urgence est remplie dès lors que les opérations électorales du premier tour des élections législatives pour ces circonscriptions doivent se tenir le 5 juin 2022 et, qu'en tout état de cause, la date limite d'envoi du matériel électoral par la commission électorale a été fixée au 24 mai prochain ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- la décision contestée porte atteinte au principe d'égalité entre les candidats ainsi qu'à la liberté reconnue à tout citoyen majeur jouissant de ses droits civiques et remplissant les conditions d'éligibilité propres au scrutin de se présenter à une fonction élective en ce que, d'une part, elle la prive de toute possibilité de voir ses documents de propagande diffusés aux électeurs Français établis hors de France, et, d'autre part, le ministère a donné son accord pour le conditionnement du matériel électoral arrivé tardivement à des candidats d'un autre parti politique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2022, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que par son mémoire en défense enregistré sous le n° 464299.

V. M. C... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 20 mai 2022, révélée par un courriel du bureau des élections du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, refusant la livraison de son matériel électoral et, d'autre part, d'enjoindre à la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, destinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les autres candidats. Par une ordonnance n° 2211351 du 23 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sous le n° 464307, par une requête enregistrée le 23 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision du 20 mai 2022 de refus de son matériel électoral ;

3°) d'enjoindre la commission électorale et de livraison d'assurer la mise sous pli et l'acheminement de ses documents électoraux, destinés aux électeurs et aux bureaux de vote, en même temps que pour les autres candidats ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- cette ordonnance est entachée d'irrégularité en ce que, en premier lieu, la juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est fondée sur un mémoire en défense et sur des pièces signés et produits par une autorité incompétente en application des dispositions de R. 431-9 du code de justice administrative, en deuxième lieu, sa minute n'est pas signée en violation de l'article R. 742-5 du code de justice administrative, en troisième lieu, elle est insuffisamment motivée et, en dernier lieu, elle repose sur des motifs contradictoires ;

-la condition d'urgence est remplie dès lors que les opérations électorales du premier tour des élections législatives pour ces circonscriptions doivent se tenir le 5 juin 2022 et, qu'en tout état de cause, la date limite d'envoi du matériel électoral par la commission électorale a été fixée au 24 mai prochain ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- la décision contestée porte atteinte au principe d'égalité entre les candidats ainsi qu'à la liberté reconnue à tout citoyen majeur jouissant de ses droits civiques et remplissant les conditions d'éligibilité propres au scrutin de se présenter à une fonction élective en ce que, d'une part, elle la prive de toute possibilité de voir ses documents de propagande diffusés aux électeurs Français établis hors de France, et, d'autre part, le ministère a donné son accord pour le conditionnement du matériel électoral arrivé tardivement à des candidats d'un autre parti politique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2022, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que par son mémoire en défense enregistré sous le n° 464299.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme J... E..., Mme I... B..., Mme F... G..., Mme H... D... et M. C... A... et, d'autre part, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 25 mai 2022, à 10 heures :

- Me Rebeyrol, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme E..., Mme B..., Mme G..., Mme D... et de M. A... ;

- le représentant de Mme E..., Mme B..., Mme G..., Mme D... et de M. A... ;

- les représentants de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 25 mai 2022 à 12 heures ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 ;

- le code électoral ;

- l'arrêté du 5 mai 2022 fixant les dates limites de remise à la commission électorale et de livraison du matériel électoral des candidats à l'élection des députés élus par les Français établis hors de France ;

- l'arrêté du 16 mai 2022 fixant la liste des candidats au premier tour de l'élection des députés élus par les Français établis hors de France ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. Les requêtes visées ci-dessus, qui sont présentées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.

Sur la régularité des ordonnances attaquées :

3. Il résulte de l'instruction, en premier lieu, que la ministre de l'Europe et des affaires étrangères étant, en tout état de cause, régulièrement représentée à l'audience devant la juge des référés du tribunal administratif, celle-ci a pu valablement prendre en compte les pièces produites en défense. Il résulte également de l'instruction, en second lieu, que les minutes des ordonnances attaquées ont été, conformément aux dispositions de l'article R. 742-5 du code de justice administrative, signées par la magistrate qui les a rendues. En troisième lieu, la juge des référés, saisie au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a pu, en se fondant sur l'absence d'atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées, régulièrement rejeter les demandes par des ordonnances qui sont suffisamment motivées et ne présentent aucune contradiction de motifs, sans avoir à se prononcer explicitement sur la condition d'urgence. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les ordonnances attaquées seraient entachées d'irrégularité pour en demander l'annulation.

Sur le bien-fondé des ordonnances attaquées :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du code électoral : " Chaque candidat, binôme de candidats ou liste de candidats désirant obtenir le concours de la commission de propagande, doit remettre au président de la commission, avant une date limite fixée pour chaque tour de scrutin par arrêté préfectoral, les exemplaires imprimés de la circulaire ainsi qu'une quantité de bulletins au moins égale au double du nombre des électeurs inscrits. / La commission n'est pas tenue d'assurer l'envoi des imprimés remis postérieurement à cette date. / La commission n'assure pas l'envoi des circulaires qui ne sont pas conformes aux articles R. 27 et R. 29 et des bulletins de vote qui ne sont pas conformes aux articles L. 52-3 et R. 30 et aux prescriptions édictées pour chaque catégorie d'élections. / Lorsque la circonscription excède les limites du département, le contrôle de conformité prévu au troisième alinéa est effectué par la commission de propagande du département chef-lieu de circonscription qui transmet sans délai ses décisions aux commissions de propagande des autres départements ". Ces dispositions sont rendues applicables, par les articles R. 174 et R. 174-1 du même code, à la commission électorale instituée par l'article L. 330-6 de ce code pour les opérations électorales des Français établis hors de France. En vertu de ces dispositions, si la commission électorale peut légalement refuser d'accepter le matériel électoral remis hors délai, il lui revient d'apprécier, au vu des circonstances de l'espèce et du temps dont elle dispose s'il convient qu'elle assure l'envoi des imprimés qui lui sont remis postérieurement à la date limite fixée par l'arrêté ministériel.

5. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 5 mai 2022 fixant les dates limites de remise à la commission électorale et de livraison du matériel électoral des candidats à l'élection des députés élus par les Français établis hors de France : " En application des articles R. 38 et R. 174-1 du code électoral, la date limite de remise à la commission électorale prévue à l'article L. 330-6 du même code, des circulaires et bulletins de vote des candidats est fixée au 18 mai 2022, à 12 heures (heure légale de Paris), pour le premier tour (...) " et aux termes du dernier alinéa de l'article 2 de cet arrêté : " La livraison de l'ensemble du matériel électoral (circulaires, bulletins de vote et affiches) est effectuée entre le 16 mai 2022 et au plus tard le 19 mai 2022 pour le premier tour, (...), entre 8 heures et 18 heures (heure légale de Paris) ".

6. En dernier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles R. 34 et R. 174-1 du code électoral, la commission électorale et de livraison reçoit du ministre des affaires étrangères le matériel nécessaire à l'expédition des circulaires et bulletins de vote et fait préparer les libellés d'envoi. Elle est notamment chargée d'adresser, au plus tard, le deuxième mardi précédent le premier tour de scrutin à tous les électeurs de la circonscription, une circulaire et un bulletin de vote de chaque candidat, binôme de candidats ou liste.

7. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'en raison de problèmes rencontrés par leur imprimeur, les cinq requérants, candidats dans diverses circonscriptions électorales propres aux Français établis hors de France ainsi que cela résulte de l'arrêté du 16 mai 2022 fixant la liste des candidats au premier tour de l'élection des députés élus par les Français établis hors de France, n'ont pas respecté la date limite de remise du matériel de vote, fixée au mercredi 18 mai à 12 heures par l'article 1er de l'arrêté du 5 mai 2022 mentionné au point 5, ni davantage celle fixée par le dernier alinéa de l'article 2 du même arrêté, au jeudi 19 mai 2022 à 18 heures pour la livraison, au prestataire de l'administration chargé du conditionnement des envois, de l'ensemble du matériel électoral. Ces délais ont notamment pour finalité de permettre au prestataire de l'administration de conditionner dans des délais très contraints en priorité les bulletins de vote puis les autres éléments du matériel électoral (en particulier, les circulaires et affiches) afin de permettre que soit assuré à temps leur acheminement notamment par la voie de la valise diplomatique vers des postes diplomatiques ou consulaires éloignés et, pour certains, difficiles d'accès. S'il résulte de l'instruction que la commission électorale a accepté la remise du matériel électoral au-delà de 18 heures sans préciser toutefois une nouvelle heure butoir, il est constant que l'imprimeur en cause ne s'est présenté chez le prestataire de l'administration, la société Koba, que le 19 mai à 23 heures, ainsi qu'en témoigne un message de cette société, et a attendu jusqu'au lendemain matin. La société Koba ayant sollicité à 9h08 la marche à suivre auprès de l'administration, il lui a été répondu à 9h30 de refuser cette livraison conformément à la prise de position antérieure de la commission électorale. Compte tenu du retard significatif ainsi constaté dont les candidats doivent assumer la responsabilité, - notamment en assurant par eux-mêmes l'acheminement en particulier de leur matériel de vote ainsi que cela est rendu possible par les dispositions de l'article 55 du code électoral rendu applicable à l'élection des députés élus par les Français établis hors de France par l'article 176-1 du même code -, un tel refus, - même s'il peut paraître regrettable -, n'apparaît pas au regard de ce qui a été rappelé au point 4, comme révélant, dans les circonstances de l'espèce et en l'état de l'instruction, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Par suite, Mme E... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les ordonnances attaquées, la juge des référés du tribunal administratif a rejeté leurs demandes.

8. Au demeurant et, en tout état de cause, à la date de la présente ordonnance, il résulte des échanges à l'audience que les opérations de conditionnement et d'envoi du matériel de vote vers les circonscriptions des Français établis hors de France par le prestataire de service sont achevées et qu'un nouveau conditionnement et un nouvel envoi, à les supposer d'ailleurs matériellement et juridiquement possibles, ne permettraient pas de garantir une arrivée dans les temps des bulletins de vote. L'administration a également rappelé à l'audience, sans être contredite, qu'elle avait fourni, dès vendredi 20 mai, aux intéressés la liste des bureaux de vote à l'étranger et leurs adresses et indiqué qu'une aide pourrait être apportée par certaines ambassades pour aider au transport sur place des bulletins de vote vers les bureaux de vote les plus difficiles d'accès. Il résulte également de l'instruction que le vote par voie électronique prévu par les articles R. 176-3 et suivants du code électoral, est désormais majoritairement pratiqué par les Français établis hors de France et qu'il est également possible de voter à l'urne, le cas échéant, par un bulletin manuscrit dans les conditions prévues par l'article R. 104 du code électoral qui est rendu applicable pour les Français établis hors de France par l'article R. 177 du même code. Il est enfin indiqué par l'administration à l'audience, d'une part, que certains candidats choisissent de privilégier l'édition de bulletin par leurs électeurs qu'ils mettent à disposition de ces derniers dans les formats réguliers de manière dématérialisée et, d'autre part, que le site du ministère des affaires étrangères, - en particulier la procédure de vote électronique -, rend accessible l'ensemble des circulaires des candidats sous forme dématérialisée.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que les requêtes de Mme E... et autres doivent être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : Les requêtes de Mme E..., Mme B..., Mme G..., Mme D... et M. A... sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme J... E..., Mme I... B..., Mme F... G..., Mme H... D... et M. A... et à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Fait à Paris, le 25 mai 2022

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 464299
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mai. 2022, n° 464299
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:464299.20220525
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