Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil départemental de Mayotte de l'ordre des médecins demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision de la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins du 18 janvier 2022 qui, d'une part, a annulé les décisions de la formation restreinte du conseil interrégional de la Réunion-Mayotte en date du 18 novembre 2021 ainsi que celle du conseil départemental de Mayotte du 14 septembre 2021 rejetant la demande d'inscription du docteur B... au tableau de l'ordre des médecins de Mayotte et, d'autre part, a prononcé cette inscription ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'au regard de la condamnation pénale pour des faits de viol dont le docteur B... a fait l'objet, la suspension de son inscription au tableau de l'ordre des médecins de Mayotte répond à des exigences impérieuses de santé publique, est nécessaire à la sauvegarde des intérêts des patients dont le conseil de l'ordre des médecins est le garant et permet d'écarter le risque potentiel de mise en jeu de la responsabilité du conseil de l'ordre en cas de faute du docteur B... dans l'exercice de son activité ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la composition de la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins qui s'est prononcée est irrégulière au regard des règles prévues par l'article L. 4124-11 du code de la santé publique, de même que la convocation de ses membres ;
- en estimant que, malgré la gravité des faits pour lesquels il a été pénalement condamné, le docteur B... remplissait la condition de moralité à laquelle l'article L. 4112-1 du code de la santé publique subordonne l'inscription au tableau de l'ordre des médecins, la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins a entaché sa décision d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
3. Par une décision du 18 janvier 2022, la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins, d'une part, a annulé les décisions de la formation restreinte du conseil interrégional de la Réunion-Mayotte en date du 18 novembre 2021 ainsi que celle du conseil départemental de Mayotte du 14 septembre 2021 refusant l'inscription au tableau de l'ordre des médecins de Mayotte du docteur B..., spécialiste en psychiatrie, et, d'autre part, a procédé à cette inscription. Le conseil départemental de Mayotte de l'ordre des médecins demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision.
4. Pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de la décision en cause, le conseil départemental de l'ordre des médecins requérant se prévaut des exigences impérieuses de la santé publique, de la sauvegarde des intérêts des patients dont il est le garant et du risque potentiel de mise en jeu de sa responsabilité en cas de faute du docteur B... dans l'exercice de son activité.
5. Toutefois, si le conseil départemental de Mayotte de l'ordre des médecins avait refusé l'inscription du docteur B... au tableau de l'ordre des médecins de Mayotte pour défaut de moralité à raison de sa condamnation, par un arrêt du 5 mars 2021 de la cour d'assises d'appel de l'Allier, pour un acte de pénétration sexuelle commis par surprise, ces faits, qui ont eu lieu le 2 mars 2014 en dehors d'un cadre professionnel, alors que l'intéressé était interne en médecine, n'ont conduit qu'à sa condamnation à quatre années de prison avec sursis. Par ailleurs, les expertises réalisées au cours de la procédure pénale n'ont relevé aucune pathologie psychiatrique et M. B... a pu poursuivre ses études de médecine et valider sa spécialisation en psychiatrie. En se bornant à invoquer des considérations générales sur la sauvegarde des intérêts des patients, le conseil départemental de l'ordre des médecins requérant ne caractérise pas une atteinte suffisamment grave et immédiate, par la décision contestée d'inscription du docteur B... au tableau de l'ordre des médecins de Mayotte, à un intérêt public, à sa situation ou aux intérêts qu'il entend défendre.
6. La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la requête du conseil départemental de Mayotte de l'ordre des médecins doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le sérieux des moyens invoqués, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 de ce code.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête du conseil départemental de Mayotte de l'ordre des médecins est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au conseil départemental de Mayotte de l'ordre des médecins.
Copie en sera adressée au conseil national de l'ordre des médecins et à M. A... B....
Fait à Paris, le 22 avril 2022
Signé : Nathalie Escaut