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20/04/2022 | FRANCE | N°462901

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 20 avril 2022, 462901


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile prévue à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui remettre le formulaire de saisine de l'Office français de protection des réfugiés et

des apatrides (OFPRA) prévu à l'article R. 521-2 du même code. Par une ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile prévue à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui remettre le formulaire de saisine de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) prévu à l'article R. 521-2 du même code. Par une ordonnance n° 2201568 du 29 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, d'une part, l'a admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, a rejeté sa requête.

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 29 mars 2022 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- son appel est recevable ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, les préfets entendent exécuter d'office la décision de transfert du 16 août 2021, en deuxième lieu, elle fait l'objet d'un placement en rétention et, en dernier lieu, elle est privée des conditions matérielles d'accueil depuis plusieurs mois ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile et au droit au recours effectif ;

- l'arrêté de placement en rétention, pris par le préfet de la Côte-d'Or pour l'exécution de la décision du Préfet du Doubs du 16 août 2021 portant transfert vers la Suède, méconnaît le règlement (CE) n° 1560/2003, le règlement n° 604/2013/UE ainsi que l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que, d'une part, le délai de six mois dont disposait le préfet du Doubs à compter de la décision du 16 août 2021 pour exécuter cette décision de transfert est expiré depuis le 3 mars 2022 et, d'autre part, ce délai ne peut être prolongé dès lors que la requérante, qui a respecté les obligations de pointage et de réalisation d'un test virologique, ne peut être légalement déclarée en fuite ;

- l'exécution de la décision du préfet du Doubs porte atteinte au droit au recours effectif et méconnaît la directive 2013/33/UE dès lors que le délai de recours de 48 heures pour contester cette décision, prévu à l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas été respecté ;

- le préfet de la Côte d'Or n'était pas territorialement compétent pour procéder à son transfert à destination de la Suède dès lors que l'arrêté du ministre de l'intérieur du 10 mai 2019 confère cette compétence au seul préfet du Doubs pour l'ensemble des départements de la région Bourgogne-Franche-Comté ;

- la France est responsable du traitement de sa demande d'asile depuis le 3 mars 2022.

Par un mémoire en intervention et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 et 14 avril 2021, l'association La Cimade demande à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requérante. Elle soutient que son intervention est recevable et s'associe aux moyens de la requête.

Par un mémoire distinct et un nouveau mémoire, enregistrés le 12 avril 2022, Mme A... demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de conformité aux droits et aux libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 572-1, L. 572-2, L. 572-4, L. 572-5 L. 572-6, L. 572-9 et L. 751-10 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requérante soutient que ces dispositions, qui sont applicables au litige et n'ont jamais été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissent le droit d'asile garanti par l'alinéa 4 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 53-1 de la Constitution et le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 13 avril 2022 et un nouveau mémoire enregistré le 14 avril 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, que les moyens soulevés ne sont pas fondés et qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A... et l'association La Cimade et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 14 avril 2022, à 15 heures :

- Me Perier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A... ;

- les représentantes du ministre de l'intérieur ;

- le représentant de la Cimade ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 14 avril à 18 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Eu égard à son objet, la Cimade justifie d'un intérêt pour intervenir au soutien de la requête. Son intervention est admise.

2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

Sur le cadre juridique du litige :

3. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par les articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En vertu de l'article L. 742-3 de ce code, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

4. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. (...) ; / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté (...) à dix-huit-mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. (...) ". Aux termes du paragraphe 2 de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois à compter de la date de l'acceptation de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée, ou de la décision finale sur le recours ou le réexamen en cas d'effet suspensif, d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande de protection internationale et les autres obligations découlant du règlement (UE) n° 604/2013 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, dudit règlement ".

5. II résulte des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 citées au point 4, combinées avec celles du règlement n° 1560/2003 modifié qui en porte modalités d'application, que si l'Etat membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur d'asile a informé l'Etat membre responsable de l'examen de la demande avant l'expiration du délai de six mois dont il dispose pour procéder au transfert de ce demandeur, qu'il n'a pu y être procédé du fait de la fuite de l'intéressé, l'Etat membre requis reste responsable de l'instruction de la demande d'asile pendant un délai de dix-huit mois, courant à compter de l'acceptation de la reprise en charge, dont dispose l'Etat membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur pour procéder à son transfert.

Sur les demandes en référé :

6. Il résulte de l'instruction que Mme B... A..., ressortissante afghane, a sollicité le 15 juillet 2021 son admission au séjour au titre de l'asile. Constatant que l'intéressée avait préalablement formulé une demande dans le même sens auprès des autorités suédoises, le préfet du Doubs a saisi ces dernières, qui ont donné leur accord pour la prendre en charge. Elle a fait l'objet de deux arrêtés du préfet du Doubs le 16 août 2021 portant assignation à résidence en vue de son transfert vers la Suède. Ces deux arrêtés ont été confirmés par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 3 septembre 2021. Par arrêté du préfet du Doubs du 3 novembre 2021, Mme A... a ensuite été placée en rétention en vue de la mise à exécution de l'arrêté préfectoral portant transfert du 16 août 2021, un vol étant réservé à son intention à direction de Stockholm le 4 novembre 2021. Mme A... a été libérée par ordonnance du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Metz du 5 novembre 2021. L'intéressée a sollicité le 15 mars 2022 sa reprise en charge par les autorités françaises, demande qui a été implicitement rejetée aux termes de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 21 mars 2022 la plaçant en rétention aux fins de mise à exécution de l'arrêté préfectoral du 16 août 2021 portant transfert vers la Suède. Le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Rennes a autorisé la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 28 jours à compter du 23 mars 2022 par ordonnance du 24 mars 2022. Par une ordonnance du 29 mars 2022, dont Mme A... relève appel, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet territorialement compétent, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile prévue à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, de lui remettre le formulaire de saisine de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides prévu à l'article R. 521-2 du même code.

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

7. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

8. Les dispositions des articles L. 572-1, L. 572-2, L. 572-4, L. 572-5 L. 572-6, L. 572-9 et L. 751-10 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont Mme A... conteste la conformité aux droits et libertés garantis par la constitution, régissent les conditions dans lesquelles s'exerce le recours contre une décision de transfert ainsi que celles dans lesquelles un demandeur d'asile peut être placé en rétention le temps qu'il soit procédé à la détermination de l'Etat responsable du traitement de sa demande d'asile. Dès lors que les conclusions de la requérante tendent, d'une part, à ce qu'il soit enjoint au préfet territorialement compétent de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile prévue à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, à l'obtention du formulaire de saisine de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides prévu à l'article R. 521-2 du même code, et qu'elle ne conteste, dans le cadre de la présente instance, ni la légalité de son placement en rétention, ni celle de l'arrêté de transfert pris par le préfet du Doubs le 16 août 2021, les dispositions contestées ne peuvent être regardées comme applicables au présent litige, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la requérante.

En ce qui concerne les autres moyens de la requête :

10. L'article 29 du règlement du 26 juin 2013 prévoit que le transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge, cette période étant susceptible d'être portée à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite ". Aux termes de l'article 7 du règlement de la Commission du 2 septembre 2003 : " 1. Le transfert vers l'Etat responsable s'effectue de l'une des manières suivantes : a) à l'initiative du demandeur, une date limite étant fixée ; b) sous la forme d'un départ contrôlé, le demandeur étant accompagné jusqu'à l'embarquement par un agent de l'Etat requérant et le lieu, la date et l'heure de son arrivée étant notifiées à l'Etat responsable dans un délai préalable convenu ; c) sous escorte, le demandeur étant accompagné par un agent de l'Etat requérant, ou par le représentant d'un organisme mandaté par l'Etat requérant à cette fin, et remis aux autorités de l'Etat responsable (...) ". Ainsi, le transfert d'un demandeur d'asile vers un Etat membre qui a accepté sa prise ou sa reprise en charge, sur le fondement du règlement du 26 juin 2013, s'effectue selon l'une des trois modalités définies à l'article 7 cité ci-dessus, à l'initiative du demandeur, sous la forme d'un départ contrôlé ou sous escorte.

11. Il résulte clairement des dispositions mentionnées au point précédent que, dans l'hypothèse où le transfert du demandeur d'asile s'effectue sous la forme d'un départ contrôlé, il appartient, dans tous les cas, à l'Etat responsable de ce transfert d'en assurer effectivement l'organisation matérielle et d'accompagner le demandeur d'asile jusqu'à l'embarquement vers son lieu de destination. Une telle obligation recouvre la prise en charge du titre de transport permettant de rejoindre l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile depuis le territoire français ainsi que, le cas échéant et si nécessaire, celle du pré-acheminement du lieu de résidence du demandeur au lieu d'embarquement. Lorsqu'un demandeur d'asile fait l'objet de cette procédure de réadmission, il doit être regardé comme " en fuite " au sens des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 citées au point 4 si, informé précisément et dans une langue qu'il comprend des modalités exactes de son réacheminement vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure de transfert à destination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile.

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que lors de son arrivée au centre de rétention dans l'après-midi du 3 novembre 2021, en vue de son transfert le lendemain vers l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, où son embarquement était prévu sur un vol à 9h15 à destination de Stockholm, Mme A... a vivement manifesté son opposition à la procédure de rétention mise œuvre à son encontre et fait connaître son intention de s'opposer par tous moyens au réacheminement vers la Suède prévu le lendemain. Par suite, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a estimé que l'intéressée, alors même qu'elle avait déferré aux convocations qui lui avaient été adressées par l'administration et accepté de communiquer les éléments relatifs à son schéma vaccinal, devait être regardée comme se trouvant " en fuite " au sens de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 et a jugé, en conséquence, que l'autorité préfectorale n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en refusant d'enregistrer et d'instruire la demande d'asile de Mme A..., après avoir préalablement notifié aux autorité suédoises la prolongation du délai de transfert.

13. En second lieu, la prolongation du délai de transfert, qui résulte du seul constat de fuite du demandeur et qui ne donne lieu qu'à une information de l'Etat responsable de la demande d'asile par l'Etat membre qui ne peut procéder au transfert du fait de cette fuite, a pour effet de maintenir en vigueur la décision de transfert aux autorités de l'Etat responsable et ne suppose pas l'adoption d'une nouvelle décision. Cette prolongation ne constitue ainsi qu'une des modalités d'exécution de la décision initiale de transfert et ne peut être regardée comme révélant une nouvelle décision, distincte de la première. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 10 mai 2019 donnant compétence au seul préfet du Doubs pour décider du transfert des demandeurs d'asile dans le cadre du règlement du 26 juin 2013 pour l'ensemble des demandeurs d'asile séjournant dans l'un des départements de la région Bourgogne-Franche-Comté pour soutenir que le préfet de la Côte-d'Or n'était pas compétent pour constater la prolongation du délai de transfert et mettre à exécution l'arrêté du préfet du Doubs du 16 août 2021 décidant de son transfert à destination de la Suède.

14. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme A... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de la Cimade est admise.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A....

Article 3 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à l'association La Cimade.

Fait à Paris, le 20 avril 2022

Signé : Benoît Bohnert


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 462901
Date de la décision : 20/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 avr. 2022, n° 462901
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462901.20220420
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