Vu la procédure suivante :
La société Agence d'architecture Frédéric Nicolas a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 1er mars 2018 par laquelle l'agence régionale d'équipement et d'aménagement (AREA) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a résilié le marché de maîtrise d'œuvre dont elle était titulaire et d'ordonner la reprise des relations contractuelles nées de ce marché. Par un jugement n° 1905090 du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20MA01853 du 15 mars 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 16 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'AREA la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015
- le décret n° 2010-1525 du 8 décembre 2010 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la société Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'agence régionale d'équipement et d'aménagement de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a confié un mandat de maîtrise d'ouvrage déléguée à l'agence régionale d'équipement et d'aménagement (AREA) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) en vue de la réalisation d'une opération d'extension et de réhabilitation du lycée Dominique-Villars à Gap. Par acte d'engagement du 5 février 2014, l'AREA PACA, devenue depuis l'AREA Région Sud, a attribué la mission de maîtrise d'œuvre de ce projet à un groupement conjoint composé des sociétés Betrec, Agibat, EAI, Terre Eco et Agence d'architecture Frédéric Nicolas, cette dernière étant la mandataire de ce groupement. Dans le cadre des opérations de réception de l'ouvrage, la société Qualiconsult, contrôleur technique, a émis le 20 décembre 2017 un avis défavorable portant sur le bâtiment dénommé " Post Bac ", avis qu'elle a réitéré le 4 janvier 2017 dans son rapport de vérification règlementaire après travaux. Après avoir mis en demeure la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas par courrier du 15 janvier 2018 de procéder à la levée de plusieurs des non conformités relevées par le contrôleur technique, l'AREA de la région PACA lui a notifié le 1er mars 2018 la résiliation pour faute du marché. La société Agence d'architecture Frédéric Nicolas a saisi le 27 avril 2018 le comité consultatif interrégional de règlement amiable (CCIRA) des litiges de Marseille du différend l'opposant au maître d'œuvre, puis saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la reprise des relations contractuelles. Par jugement du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande au motif de son caractère tardif. La société Agence d'architecture Frédéric Nicolas se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 mars 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la minute de l'arrêt ne comporterait pas l'ensemble des signatures requises en vertu de l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.
3. En deuxième lieu, d'une part, le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation. De telles conclusions peuvent être assorties d'une demande tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de la résiliation, afin que les relations contractuelles soient provisoirement reprises. Eu égard aux particularités de ce recours contentieux, à l'étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites, à ordonner la reprise des relations contractuelles ainsi qu'à l'intervention du juge des référés pour prendre des mesures provisoires en ce sens, l'exercice d'un recours administratif pour contester cette mesure, s'il est toujours loisible au cocontractant d'y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux. Il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat et notamment lorsque cette résiliation est intervenue en raison des fautes commises par le cocontractant. Au demeurant, dans cette dernière hypothèse, la personne publique est toujours dans l'obligation de mettre le cocontractant en mesure de faire valoir ses observations avant l'intervention de cette décision.
4. D'autre part, aux termes de l'article 127 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les pouvoirs adjudicateurs et les titulaires de marchés publics peuvent recourir aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics dans des conditions fixées par décret. / Ces comités ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue d'une solution amiable et équitable. / (...) / La saisine du comité suspend les délais de recours contentieux jusqu'à la décision prise par le pouvoir adjudicateur après avis du comité. (...) ". Aux termes des dispositions du I de l'article 1er du décret du 8 décembre 2010 relatif aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics, applicable au présent marché, contrairement à ce qu'a relevé la cour en faisant application des dispositions du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, lequel ne s'applique, en vertu de l'article 103 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qu'aux seuls marchés publics pour lesquels une consultation a été lancée à compter du 1er janvier 2016 : " Les comités de règlement amiable mentionnés à l'article 127 du code des marchés publics ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue de proposer une solution amiable et équitable aux différends relatifs à l'exécution des marchés passés en application du code des marchés publics (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché, issu des dispositions de l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles : " Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. (...) / Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. / (...) Le pouvoir adjudicateur ou le titulaire peut soumettre tout différend qui les oppose à un comité consultatif de règlement amiable des litiges, dans les conditions mentionnées à l'article 127 du code des marchés publics ".
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 et des dispositions citées au point 4 que, s'il est toujours loisible pour une partie à un contrat administratif de recourir, dans les conditions qui étaient prévues à l'article 127 du code des marchés publics, à un comité consultatif de règlement amiable des différends en vue de contester le décompte général d'un contrat à la suite de sa résiliation pour faute, la compétence de ce comité ne s'étend toutefois pas aux litiges tendant exclusivement à la reprise des relations contractuelles, qui relèvent de la seule compétence du juge du contrat. Il suit de là qu'en se fondant sur ce motif pour juger que la saisine de ce comité n'était pas de nature à interrompre le délai de deux mois imparti au demandeur par les règles rappelées au point 3 pour introduire un recours de plein contentieux tendant à la reprise des relations contractuelles, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit.
6. En troisième lieu, si la société requérante soutient que la cour administrative d'appel a méconnu son droit au recours effectif en jugeant que le recours en reprise des relations contractuelles devait être introduit " dans les meilleurs délais ", laissant ce faisant dans l'indétermination le délai dans lequel le recours devait être introduit, il résulte des énonciations mêmes de l'arrêt de la cour qu'elles indiquent que le délai pour introduire un recours tendant à la reprise des relations contractuelles est de deux mois. Si la société soutient également que la cour a méconnu le cadre juridique applicable aux modalités alternatives de règlement amiable des litiges en privant d'effet suspensif l'exercice d'un mode alternatif que les pouvoirs publics cherchent par ailleurs à promouvoir, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que, dès lors que la partie à un contrat administratif souhaitant former un recours en reprise des relations contractuelles devant le juge du contrat est tenue d'y procéder, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation et qu'aucun principe ni aucun texte législatif ou réglementaire n'impose, préalablement à la saisine du juge du contrat, de porter le litige devant le comité consultatif de règlement amiable des litiges, la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit ni insuffisamment motivé son arrêt en statuant de la sorte.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'agence régionale d'équipement et d'aménagement de la région Sud qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas une somme de 1 500 euros à verser respectivement à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à l'agence régionale d'équipement et d'aménagement de la région Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas est rejeté.
Article 2 : La société Agence d'architecture Frédéric Nicolas versera la somme de 1 500 euros respectivement à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'agence régionale d'équipement et d'aménagement de la région Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas, à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à l'agence régionale d'équipement et d'aménagement de la région Sud.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 mars 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. G... I..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. H... K..., Mme B... J..., M. C... E..., M. D... L..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 12 avril 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Mélanie Villiers
La secrétaire :
Signé : Mme F... A...