Vu la procédure suivante :
Le département de la Vendée a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la société Plan 01, la société Arest et M. F... C... à lui verser une somme de 660 218,26 euros, avec intérêts au taux légal à partir du 20 octobre 2011 et capitalisation des intérêts, à titre principal solidairement et subsidiairement par condamnations divises, en remboursement des sommes qu'il a dû verser à la société Girard Hervouet en vertu d'un jugement du 22 avril 2011 du tribunal administratif de Nantes. Par un jugement n° 1701837 du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 19NT02575 du 20 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du département de la Vendée, annulé ce jugement et condamné la société Arest à verser au département de la Vendée la somme de 660 218,26 euros avec intérêts.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 janvier et 20 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Arest demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du département de la Vendée ;
3°) de mettre à la charge du département de la Vendée, de la société Plan 01 et de la société Michel C... O... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société Arest, à la société Delvolvé et Trichet, avocat du département de la Vendée, à la société Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Plan 01 et à la société Le Prado - Gilbert, avocat de la société Michel C... O... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département de la Vendée a versé, en exécution d'un jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 avril 2011 devenu définitif à la suite du rejet de l'appel formé à son encontre par le département, une somme de 660 218,26 euros à la société Girard Hervouet, titulaire du lot n° 5 " Charpente métallique " de l'opération de construction du musée dénommé " Historial de la Vendée ", correspondant à des surcoûts résultant de la réalisation de plans d'exécution et de notes de calcul dont elle n'était pas contractuellement redevable et de la moitié des surcoûts générés par la modification du plan constructif initial. Le département de la Vendée, estimant que les manquements pour lesquels il avait été condamné étaient exclusivement imputables au groupement chargé de la maitrise d'œuvre, après avoir vainement recherché la responsabilité du seul mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Plan 01 et Arest et de M. F... C... O..., membres du groupement de maîtrise d'œuvre, à lui verser une somme de 660 218,26 euros avec intérêts. Par un jugement du 24 avril 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 20 novembre 2020, contre lequel la société Arest se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement, condamné cette société à verser au département de la Vendée la somme de 660 218,26 euros avec intérêts et rejeté le surplus des conclusions.
2. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, contrairement à ce que soutient la société Arest, les moyens des parties ne sont analysés ni de manière incomplète ni de manière sommaire. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêt serait irrégulier dans la forme ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève de ces dispositions et se prescrit, en conséquence, par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
4. D'autre part, l'article 1792-4-3 du code civil dispose que : " En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ". Ces dispositions, créées par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérées dans un chapitre consacré aux contrats de louage d'ouvrage et d'industrie, ont vocation à s'appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l'ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous traitants.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'action en responsabilité contractuelle sur laquelle la cour administrative d'appel de Nantes s'est prononcée dans l'arrêt attaqué, était dirigée par le département de la Vendée, maître d'ouvrage, contre certains membres du groupement de maîtrise d'œuvre, notamment la société Arest, ayant la qualité de constructeurs au sens des dispositions précitées de l'article 1792-4-3 du code civil applicable à une telle action alors même qu'elle ne concerne pas un désordre affectant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que ces dispositions et le délai de prescription décennale qu'elles prévoient étaient applicables au litige, et en écartant par suite l'application du délai de prescription de droit commun de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Arest n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Vendée, de la société Plan 01 et de la société Michel C... O... qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Arest la somme de 3 000 euros à verser au département de la Vendée, au titre de ces dispositions. En revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Michel C... O... et par la société Plan 01 au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Arest est rejeté.
Article 2 : La société Arest versera au département de la Vendée une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société Michel C... O... et de la société Plan 01 présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Arest, au département de la Vendée, à la société Plan 01 et à la société Michel C... O....
Délibéré à l'issue de la séance du 21 mars 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. I... K..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. J... M..., Mme B... L..., M. D... G..., M. E... N..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 12 avril 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Thomas Pez-Lavergne
La secrétaire :
Signé : Mme H... A...