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24/02/2022 | FRANCE | N°451437

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 24 février 2022, 451437


Vu la procédure suivante :

M. O... H... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 26 janvier 2021 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de Nantes a suspendu le bénéfice à son profit des conditions matérielles d'accueil et d'enjoindre à l'OFII de lui rétablir ces conditions, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer ses droits.

Par une ord

onnance n° 2102571 du 23 mars 2021, le juge des référés du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

M. O... H... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 26 janvier 2021 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de Nantes a suspendu le bénéfice à son profit des conditions matérielles d'accueil et d'enjoindre à l'OFII de lui rétablir ces conditions, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer ses droits.

Par une ordonnance n° 2102571 du 23 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l'exécution de cette décision et enjoint à l'OFII de procéder à l'examen des droits de M. H... A... dans un délai de huit jours.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 20 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de l'immigration et de l'intégration demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la décision n° 428530, 428564 du 31 juillet 2019 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

Considérant ce qui suit :

1. M. H... A..., de nationalité somalienne, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 26 janvier 2021 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de Nantes a suspendu le bénéfice à son profit des conditions matérielles d'accueil. L'OFII se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 23 mars 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Par sa décision n° 428530, 428564 du 31 juillet 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que les dispositions des articles L. 744-7 et L.744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui créaient, dans leur rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d'accueil sans appréciation des circonstances particulières et excluaient, en cas de retrait, toute possibilité de rétablissement de ces conditions, étaient incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Il a, par suite, annulé les dispositions réglementaires prises pour leur application. Toutefois, le Conseil d'Etat a, par la même décision, précisé les conditions dans lesquelles les autorités compétentes pouvaient, dans l'attente de la modification des articles L. 744-7 et L. 744-8 par le législateur, limiter ou supprimer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil aux demandeurs d'asile qui quittent leur lieu d'hébergement ou la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 744-2 du même code ou qui ne respectent pas les exigences des autorités chargées de l'asile. Ainsi, il reste possible à l'OFII de refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, après examen de sa situation particulière et par une décision motivée, au demandeur qui a refusé le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation. Il lui est également possible, dans les mêmes conditions et après avoir mis, sauf impossibilité, l'intéressé en mesure de présenter ses observations, de suspendre le bénéfice de ces conditions lorsque le demandeur a quitté le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation ou n'a pas respecté les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment de se rendre aux entretiens, de se présenter aux autorités et de fournir les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes. Enfin, si le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été suspendu, le demandeur d'asile peut en demander le rétablissement à l'OFII qui doit apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en estimant que les dispositions des articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018, faisaient obstacle à ce que l'OFII suspende le bénéfice des conditions matérielles d'accueil de demandeurs d'asile n'ayant pas respecté les exigences des autorités chargées de l'asile au seul motif que ces dispositions ne lui permettaient que d'en prononcer le refus ou le retrait, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a entaché son ordonnance d'erreur de droit. Il s'ensuit que l'OFII est fondé à en demander l'annulation.

5. Il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

6. Pour demander la suspension de la décision contestée, M. H... A... soutient qu'elle est entachée d'insuffisance de motivation, que la directrice territoriale de l'OFII n'avait pas compétence pour la prendre, que cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière faute d'entretien relatif à sa vulnérabilité conduit par un agent nommément identifié et suffisamment formé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle a été prise irrégulièrement, faute pour l'OFII de l'avoir informé du risque de refus ou de retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil, qu'elle est illégale dès lors que l'OFII ne tenait pas des articles L. 744-7 et L. 744-8 du code alors en vigueur le pouvoir de suspendre le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et, enfin, qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, la suspension ayant été prononcée au motif qu'il n'avait pas informé l'administration de ce qu'il avait obtenu un droit au séjour à Malte, alors qu'il l'ignorait.

7. En l'état de l'instruction, et compte tenu notamment de ce qui a été dit au point 3, aucun de ces moyens ne peut être regardé comme de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, la demande de suspension de l'exécution de cette décision présentée par M. H... A... devant le tribunal administratif de Nantes doit être rejetée, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 23 mars 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La requête présentée par M. H... A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'OFII et à M. O... H... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 janvier 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. I... G..., ; M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme K... C..., Mme B... M..., M. E... F..., M. L... D..., M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Réda Wadjinny-Green, auditeur-rapporteur.

Rendu le 24 février 2022.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Réda Wadjinny-Green

La secrétaire :

Signé : Mme J... N...


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 451437
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 fév. 2022, n° 451437
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Réda Wadjinny-Green
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:451437.20220224
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