La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/12/2021 | FRANCE | N°459126

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 décembre 2021, 459126


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F... C... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins du 6 juillet 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle souti

ent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F... C... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins du 6 juillet 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée, d'une part, la prive de toute activité professionnelle et de tout revenu depuis le 10 juillet 2021 et ce pour une durée de deux ans alors qu'elle doit rembourser des échéances mensuelles jusqu'en 2029 et, d'autre part, la place dans une situation psychologique qui nécessite sa mise en arrêt maladie ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée est entachée d'irrégularité car la procédure au cours de laquelle elle a été adoptée méconnaît les droits de la défense en ce que, d'une part, elle n'a pas reçu la communication de l'ensemble des documents versés au dossier la concernant et n'a par conséquent pas pu y répondre et, d'autre part, elle a été privée de la possibilité d'être assistée par son conseil à l'audience ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation, dès lors que le Conseil national de l'ordre des médecins, d'une part, s'est borné à reproduire une partie des conclusions des rapports d'expertise sans s'approprier les éléments qu'ils contenaient et sans invoquer aucun autre élément du dossier de nature à établir des insuffisances professionnelles et, d'autre part, s'est estimé lié par les conclusions des experts ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à la durée de la suspension du droit d'exercer la médecine prononcée dès lors que, en premier lieu, elle n'a jamais mis la vie d'un patient en danger, en deuxième lieu, elle n'a cessé de suivre des formations pour perfectionner sa pratique depuis son arrivée en France et, en dernier lieu, la durée de suspension prononcée est supérieure à la durée nécessaire pour satisfaire à l'obligation de remise à niveau assortie à la décision.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2021, le Conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête et demande au juge des référés du Conseil d'Etat de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme C..., et d'autre part, le conseil national de l'ordre des médecins ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 16 décembre 2021, à 11 heures :

- Me Duhamel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme C... ;

- Me Valdelièvre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil national de l'ordre des médecins ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction. ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique : " I.- En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée./ Le conseil régional ou interrégional est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé, soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. (...) II. -La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. Ce dernier est choisi parmi les personnels enseignants et hospitaliers titulaires de la spécialité. Pour la médecine générale, le troisième expert est choisi parmi les personnels enseignants titulaires ou les professeurs associés ou maîtres de conférences associés des universités (...) IV. Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien. Le rapport d'expertise est déposé au plus tard dans le délai de six semaines à compter de la saisine du conseil. Il indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. (...) VI.-Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre./ VII.-La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation du praticien./La notification de la décision mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'il ait au préalable justifié auprès du conseil régional ou interrégional avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision. "

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., de nationalité roumaine, qualifiée en médecine générale, a commencé à exercer à son arrivée en France en 2017, à Checy dans le Loiret, au sein du cabinet du Dr E..., médecin généraliste. Par lettre du 10 septembre 2020, à la suite de signalements de prescriptions ne respectant pas les autorisations de mise sur le marché de certains médicaments, le conseil départemental de l'ordre des médecins du Loiret a saisi la formation restreinte du conseil régional de centre Val de Loire d'une demande tendant à ce qu'il soit fait application au Dr C... d'une mesure de suspension du droit d'exercer la médecine, en application de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique. Faute pour cette formation d'avoir statué dans un délai de deux mois, l'affaire a été portée devant la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins. Par une décision du 6 juillet 2021, cette formation a suspendu le droit d'exercer la médecine de Mme C... pour une durée de deux ans, et défini la nature de la formation de remise à niveau de médecine générale à laquelle elle devra obligatoirement se soumettre avant d'être le cas échéant autorisée à reprendre son activité. Mme C... demande la suspension de cette décision, dont elle a également demandé l'annulation pour excès de pouvoir.

4. Lorsqu'un praticien suspendu en application de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique saisit le juge administratif d'une demande de suspension de cette décision par la voie du référé, il appartient à celui-ci, afin d'apprécier si la condition d'urgence est remplie, de prendre en considération non seulement la situation et les intérêts du praticien, mais aussi l'intérêt général qui s'attache au respect des exigences de la santé publique et de la sécurité des patients, qui sont susceptibles de justifier, même en l'absence de poursuites disciplinaires, que ce praticien soit invité à compléter et actualiser ses connaissances et à approfondir sa pratique professionnelle, avant de pouvoir reprendre le cours normal de ses activités.

5. Il ressort des pièces du dossier que les trois médecins-experts régulièrement désignés pour éclairer, par un rapport établi en application des dispositions précitées, la formation restreinte du Conseil national ont procédé, le 29 avril 2021, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du Dr C.... Ils ont respectivement conclu, pour le Dr A..., que " la poursuite de l'activité professionnelle telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui n'est pas compatible avec la sécurité des patients ", pour le Dr D... que " dans les conditions actuelles, le Dr C... présente une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession ", pour le Dr B..., que " devant l'inadéquation entre la formation reçue et les erreurs de prescriptions rapportées (...) la poursuite de l'exercice médical dans ces conditions semblent compromis ". La mesure de suspension attaquée, et l'obligation de formation à laquelle est conditionnée la reprise d'activité du Dr C..., ont été décidées par la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins en considération du danger immédiat qui s'attachait, selon l'avis unanime des trois médecins experts consultés, et en cohérence avec l'ensemble des pièces du dossier, à la poursuite de son exercice de la médecine. Par suite, et nonobstant les considérations mises en avant par Mme C..., tenant aux difficultés matérielles et psychologiques résultant pour elle de la mesure de suspension, les exigences de sauvegarde de la sécurité des patients et de la qualité des soins qui leur sont dispensés conduisent, en l'état de l'instruction, à regarder la condition d'urgence, appréciée globalement, comme n'étant pas satisfaite.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le sérieux des moyens invoqués au soutien de la requête en annulation de Mme C..., que ses conclusions tendant à la suspension de la décision litigieuse doivent être rejetées.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera au Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme F... C... et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Fait à Paris, le 23 décembre 2021

Signé : Cyril Roger-Lacan


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 459126
Date de la décision : 23/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2021, n° 459126
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:459126.20211223
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award