Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Grabels demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et de l'article L. 123-16 du code de l'environnement :
1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 9 mars 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique et urgents, au bénéfice du département de l'Hérault, les acquisitions et les travaux nécessaires à la réalisation du projet de Liaison Intercantonale d'Evitement Nord (LIEN), entre l'A 750 à Bel Air et la RD 986 au nord de Saint-Gély-du-Fesc et approuvé la mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes de Combaillaux, Saint-Clément-de-Rivière et Saint-Gély-du-Fesc, et des plans locaux d'urbanisme des communes de Grabels et de Les Matelles avec le projet ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et du département de l'Hérault la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite, compte tenu de la présomption d'urgence qui s'attache à la suspension d'un arrêté préfectoral déclarant d'utilité publique des travaux qui emporte des conséquences difficilement réversible en raison du début des travaux, du fait que le lancement de la phase de travaux crée une situation d'urgence dès lors que ces travaux emporteront des conséquences importantes et difficilement réversibles sur l'environnement et que la réalisation des travaux est appelée à se poursuivre sur le territoire de la commune ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- la procédure de régularisation du vice de procédure de l'arrêté contesté est elle-même entachée d'un vice de procédure au regard de l'article R. 122-7 du code de l'environnement dès lors qu'elle n'a pas été consultée durant cette procédure ;
- il existe des différences substantielles entre le nouvel avis émis le 28 septembre 2021 par la mission régionale du Conseil général de l'environnement et du développement durable et l'avis émis le 17 juin 2014 ;
- l'étude d'impact méconnaît les dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ;
- l'évaluation socio-économique du projet est insuffisante au regard des dispositions des articles L. 1511-2, L. 1511-4, R. 1511-4 et R. 1511-5 du code des transports ;
- l'utilité publique du projet n'est pas caractérisée ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 123-17 du code de l'environnement dès lors qu'aucune nouvelle enquête publique n'a été conduite alors que le projet n'a pas été entrepris dans le délai de cinq années prévu par cet article ;
- cette méconnaissance justifie que son exécution soit suspendue sur le fondement de l'article L. 554-12 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2021, le département de l'Hérault conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Grabels au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre de la transition écologique qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de Grabels, et d'autre part, le ministre de l'intérieur, la ministre de la transition écologique et le département de l'Hérault;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 18 novembre 2021, à 10 heures :
- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Commune de Grabels ;
- Me Lécuyer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du département de l'Hérault ;
- les représentants de la commune de Grabels ;
- les représentants du ministre de l'intérieur et de la ministre de la transition écologique ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que le préfet de l'Hérault a, par un arrêté du 9 mars 2015, déclaré d'utilité publique les travaux portant sur la nouvelle section de la liaison intercantonale d'évitement nord (LIEN), entre l'A750 à Bel Air et la RD986 au nord de Saint-Gély-du-Fesc et a approuvé la mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes de Combaillaux, Saint-Clément de Rivière et Saint-Gély-du-Fesc et des plans locaux d'urbanisme des communes de Grabels et de Les Matelles avec ce projet d'aménagement. Par une décision n° 437634 du 9 juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir annulé un arrêt du 14 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille et un jugement du 8 mars 2016 du tribunal administratif de Montpellier, estimé que l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnemental rendu sur le projet avait entaché cet arrêté d'illégalité. Relevant qu'aucun autre moyen que ce vice n'était susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté attaqué, il a jugé que ce vice pouvait être réparé par la consultation, à titre de régularisation, de la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé. Il a précisé que si cet avis de l'autorité environnementale ne différait pas substantiellement de celui qui a été porté à la connaissance du public en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, l'information du public sur le nouvel avis de l'autorité environnementale ainsi recueilli prendrait la forme d'une publication sur internet, dans les conditions prévues à l'article R. 122-23 du code de l'environnement. En revanche, si l'avis de l'autorité environnementale différait substantiellement de celui qui a été porté à la connaissance du public, des consultations complémentaires devraient être organisées à titre de régularisation, dans le cadre desquelles seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par ce nouvel avis. Le Conseil d'Etat a sursis à statuer sur la demande de la commune de Grabels jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification de sa décision, ou de neuf mois en cas de reprise des consultations, en vue de la notification des mesures de régularisation ainsi édictées.
2. La commune de Grabels demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et de l'article L. 123-16 du code de l'environnement, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 9 mars 2015.
3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 123-16 du code de l'environnement " Le juge administratif des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire-enquêteur ou de la commission d'enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci / Il fait également droit à toute demande de suspension d'une décision prise sans que l'enquête publique requise par le présent chapitre ou que la participation du public prévue à l'article L. 123-9 ait eu lieu ".
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-17 du code de l'environnement : " Lorsque les projets qui ont fait l'objet d'une enquête publique n'ont pas été entrepris dans un délai de cinq ans à compter de la décision, une nouvelle enquête doit être conduite, à moins qu'une prorogation de cinq ans au plus ne soit décidée avant l'expiration de ce délai dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ".
5. La commune de Grabels soutient que sa demande de suspension devrait être accueillie sur le fondement de l'article L. 123-16 du code de l'environnement, auquel renvoient les articles L. 554-11 et L. 554-12 du code de justice administrative, qui n'impose pas de rechercher si la condition tenant à l'urgence est ou non remplie. Elle fait valoir qu'une nouvelle enquête publique serait requise en application de l'article L. 123-17 du code de l'environnement faute pour le projet d'avoir été entrepris dans le délai de cinq ans à compter de l'arrêté du 9 mars 2015 ce qui devrait amener le juge des référés à constater que cet arrêté a été pris en l'absence d'étude d'impact. Toutefois, en tout état de cause, il résulte de l'instruction que des travaux de défrichement ont été entrepris dans ce délai de cinq ans.
6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
7. Pour justifier de l'urgence justifiant que soit prononcée la suspension de l'arrêté litigieux, la commune de Grabels fait valoir qu'il existerait une présomption d'urgence qui s'attacherait à la suspension d'un arrêté préfectoral déclarant d'utilité publique des travaux en cas de début des travaux. Elle soutient également que le lancement de la phase de travaux emportera des conséquences importantes et difficilement réversibles sur l'environnement et que la réalisation des travaux est appelée à se poursuivre sur son territoire.
8. D'une part, en principe, les conséquences qui s'attachent à une déclaration d'utilité publique ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à constituer une situation d'urgence.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction et des échanges tenus à l'audience que si les travaux ont commencé sur la commune de Saint-Gély-du-Fesc, ils n'ont pas débuté sur le territoire de la commune de Grabels. Il en résulte également que, dans le cadre des mesures de régularisation prévues par la décision du 9 juillet 2021, un nouvel avis de la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable est intervenu le 28 septembre 2021 et qu'au vu de cet avis, le préfet de l'Hérault a décidé d'organiser une consultation du public par voie électronique sur cet avis et sur le mémoire en réponse à ce nouvel avis du département de l'Hérault. Cette consultation devrait se tenir d'ici la fin de l'année. La 2e chambre du Conseil d'Etat, qui a sursis à statuer sur la demande de la commune de Grabels jusqu'à l'expiration d'un délai de neuf mois en cas de reprise des consultations, sera en mesure de se prononcer sur la légalité de l'arrêté contesté dans un délai inférieur à quatre mois permettant de juger rapidement les moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme étant remplie.
10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, la demande de suspension présentée par la commune de Grabels doit être rejetée.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat et du département de l'Hérault, qui ne sont pas, dans la présence instance, les parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département de l'Hérault au titre de ces mêmes dispositions.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la commune de Grabels est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de l'Hérault présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Grabels, au département de l'Hérault et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adresse à la ministre de la transition écologique.
Fait à Paris, le 23 novembre 2021
Signé : Mathieu Hérondart