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19/11/2021 | FRANCE | N°451962

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 19 novembre 2021, 451962


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1404763 du 16 septembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a prescrit, à la demande de l'Eurométropole de Strasbourg, une expertise portant sur des désordres affectant la structure en béton du bâtiment du pôle d'administration publique de Strasbourg et du pôle de compétence en propriété intellectuelle. Par une ordonnance n° 1404763 du 26 janvier 2017, le juge des référés du même tribunal a étendu les opérations d'expertise à la SCP BTSG ès-qualité de liquidateur judiciaire de la soci

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Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1404763 du 16 septembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a prescrit, à la demande de l'Eurométropole de Strasbourg, une expertise portant sur des désordres affectant la structure en béton du bâtiment du pôle d'administration publique de Strasbourg et du pôle de compétence en propriété intellectuelle. Par une ordonnance n° 1404763 du 26 janvier 2017, le juge des référés du même tribunal a étendu les opérations d'expertise à la SCP BTSG ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société RFR SAS. Par une ordonnance n° 1404763 du 26 novembre 2019, le juge des référés du même tribunal a étendu la mission des experts à l'évaluation des préjudices subis par tous les locateurs d'ouvrages. Par une décision du 28 décembre 2020, le magistrat chargé des expertises du tribunal administratif de Strasbourg a demandé aux experts, sur le fondement de l'article R. 621-7-1 du code de justice administrative, de remettre leur rapport d'expertise en l'état et de passer outre l'extension de la mission accordée par l'ordonnance du 26 novembre 2019.

Par une ordonnance n° 21NC00856 du 8 avril 2021, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté comme manifestement irrecevable l'appel formé par la société Implenia Regiobau GmbH contre la décision du 28 décembre 2020 du magistrat chargé des expertises du tribunal administratif de Strasbourg.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 avril, 10 mai et 22 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Implenia Regiobau GmbH demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 1er octobre2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 octobre 2021 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Implenia Regiobau GmbH, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Eurometropole de strasbourg, au cabinet Boulloche, avocat de la société Lipsky-Rollet Architectes, et de la Mutuelle des architectes français et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société Lloyd's Insurance Company, venant aux droits de la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que par une ordonnance du 14 septembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a prescrit, à la demande de l'Eurométropole de Strasbourg, une expertise portant sur des désordres affectant la structure en béton du bâtiment du pôle d'administration publique de Strasbourg et du pôle de compétence en propriété intellectuelle. Par une ordonnance du 26 novembre 2019, il a ordonné, à la demande des experts, que ces opérations soient étendues à l'évaluation des préjudices subis par tous les locateurs d'ouvrage concernés. Par courriers du 28 décembre 2020, adressés aux experts, le magistrat chargé des expertises du même tribunal leur a demandé, sur le fondement de l'article R. 621-7-1 du code de justice administrative, de passer outre l'extension de mission prescrite par l'ordonnance du 26 novembre 2019 et de déposer leur rapport final avant le 15 février 2021. La société Implenia Regiobau GmbH a demandé au juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy d'annuler cette décision du 28 décembre 2020. Elle se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 avril 2021 par laquelle la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté cette requête comme manifestement irrecevable.

Sur les conclusions à fin de non-lieu :

2. Contrairement à ce que soutient l'Eurométropole de Strasbourg, la circonstance qu'elle ait formé un recours au fond devant le tribunal administratif de Strasbourg et que, par suite, le tribunal administratif serait susceptible, le cas échéant, de faire usage de ses pouvoirs d'instruction, n'est pas de nature à priver d'objet le pourvoi de la société Implenia Regiobau GmbH.

Sur le pourvoi :

3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents (...) de cour administrative d'appel (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 621-1-1 du même code : " Le président de la juridiction peut désigner au sein de sa juridiction un magistrat chargé des questions d'expertise et du suivi des opérations d'expertise. / L'acte qui désigne le magistrat chargé des expertises peut lui déléguer tout ou partie des attributions mentionnées aux articles (...) R. 621-7-1 (...) ". Et aux termes de l'article R. 621-7-1 : " Les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission. / En cas de carence des parties, l'expert en informe le président de la juridiction qui, après avoir provoqué les observations écrites de la partie récalcitrante, peut ordonner la production des documents, s'il y a lieu sous astreinte, autoriser l'expert à passer outre, ou à déposer son rapport en l'état. / (...) La juridiction tire les conséquences du défaut de communication des documents à l'expert. " Il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle le président de la juridiction, ou le magistrat chargé du suivi des opérations d'expertises qu'il désigne, autorise l'expert à déposer son rapport en l'état, en cas de carence des parties à remettre sans délai à l'expert les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, ne peut être critiquée que devant la juridiction saisie au fond lors de la contestation de la régularité des opérations d'expertise.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en jugeant que la décision du 28 décembre 2020 par laquelle le magistrat chargé des expertises du tribunal administratif de Strasbourg a demandé aux experts, en raison de la carence de l'une des parties, de passer outre l'extension de mission prescrite par l'ordonnance du 26 novembre 2019 et de déposer leur rapport final avant le 15 février 2021, n'était pas au nombre des décisions pouvant être contestées en appel et devait dès lors être rejetée comme manifestement irrecevable, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit. Il en résulte également, dès lors que la régularité des opérations d'expertise peut être contestée ultérieurement devant les juges du fond, que le moyen tiré de la méconnaissance du droit au recours garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

6. La présidente de la cour administrative d'appel de Nancy n'ayant jugé ni qu'une décision non revêtue de la chose jugée ne pourrait, en aucun cas, être contestée en appel, ni que la décision du 28 décembre 2020 aurait revêtu un caractère administratif, les moyens tirés de ce qu'en statuant ainsi, elle aurait entaché son ordonnance d'erreurs de droit sont inopérants.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Implenia Regiobau GmbH n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

Sur les frais du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg, qui n'est pas la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Implenia Regiobau GmbH la somme de 3 000 euros à verser, d'une part, à la Mutuelle des architectes français et, d'autre part, à l'Eurométropole de Strasbourg, au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Implenia Regiobau GmbH est rejeté.

Article 2 : La société Implenia Regiobau GmbH versera la somme de 3 000 euros, d'une part, à la Mutuelle des architectes français et, d'autre part, à l'Eurométropole de Strasbourg, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Implenia Regiobau GmbH, à l'Eurométropole de Strasbourg, à la société Lipsky-Rollet Architectes, représentant unique, pour l'ensemble des défendeurs, ainsi qu'à la société Lloyd's Insurance Company.

Copie en sera adressée à la SCP BTSG, liquidateur judiciaire de la société RFR, à la société MJA Mandataires judiciaires, à MM. Patrick Jeandot et Thierry Vayssier, à la société Bureau Michel Forgue, à la société CRX Management, à la société Thermibel, à la société Covea Risks, à la société Eléments ingénieries, au Bureau Veritas Construction, à la société Allianz Iard, à la société BET Nicolas ingénieries, à la société Axa France Iard, à la société KC Technics Design, à la société HN Ingénierie, à la société Socotec et à la société Montmirail, Coverholder Llyod's.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 451962
Date de la décision : 19/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES NE CONSTITUANT PAS DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - DÉCISION D'UN MAGISTRAT AUTORISANT L'EXPERT - EN CAS DE CARENCE DES PARTIES - À DÉPOSER SON RAPPORT EN L'ÉTAT (ART - R - 621-7-1 - AL - 2 DU CJA).

54-01-01-02 Il résulte des articles R. 621-1-1 et R. 621-7-1 du code de justice administrative (CJA) que la décision par laquelle le président de la juridiction, ou le magistrat chargé du suivi des opérations d'expertises qu'il désigne, autorise l'expert à déposer son rapport en l'état, en cas de carence des parties à remettre sans délai à l'expert les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, ne peut être critiquée que devant la juridiction saisie au fond lors de la contestation de la régularité des opérations d'expertise.......Dès lors, une telle décision n'est pas au nombre des décisions pouvant faire l'objet d'un appel.

PROCÉDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE - RECOURS À L'EXPERTISE - DÉCISION AUTORISANT L'EXPERT - EN CAS DE CARENCE DES PARTIES - À DÉPOSER SON RAPPORT EN L'ÉTAT (ART - R - 621-7-1 - AL - 2 DU CJA) - DÉCISION NE POUVANT PAS FAIRE L'OBJET D'UN APPEL.

54-04-02-02-01 Il résulte des articles R. 621-1-1 et R. 621-7-1 du code de justice administrative (CJA) que la décision par laquelle le président de la juridiction, ou le magistrat chargé du suivi des opérations d'expertises qu'il désigne, autorise l'expert à déposer son rapport en l'état, en cas de carence des parties à remettre sans délai à l'expert les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, ne peut être critiquée que devant la juridiction saisie au fond lors de la contestation de la régularité des opérations d'expertise.......Dès lors, une telle décision n'est pas au nombre des décisions pouvant faire l'objet d'un appel.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - RECEVABILITÉ - ABSENCE - DÉCISION AUTORISANT L'EXPERT - EN CAS DE CARENCE DES PARTIES - À DÉPOSER SON RAPPORT EN L'ÉTAT (ART - R - 621-7-1 - AL - 2 DU CJA).

54-08-01-01 Il résulte des articles R. 621-1-1 et R. 621-7-1 du code de justice administrative (CJA) que la décision par laquelle le président de la juridiction, ou le magistrat chargé du suivi des opérations d'expertises qu'il désigne, autorise l'expert à déposer son rapport en l'état, en cas de carence des parties à remettre sans délai à l'expert les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, ne peut être critiquée que devant la juridiction saisie au fond lors de la contestation de la régularité des opérations d'expertise.......Dès lors, une telle décision n'est pas au nombre des décisions pouvant faire l'objet d'un appel.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2021, n° 451962
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SAS CABINET BOULLOCHE ; CABINET ROUSSEAU ET TAPIE ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:451962.20211119
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