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17/11/2021 | FRANCE | N°441908

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 17 novembre 2021, 441908


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 16 juillet 2020, 11 janvier 2021 et 17 août 2021 au secrétariat du contentieux du conseil d'Etat, M. D... B... demande au conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe n° 70 des commentaires administratifs publiés le 1er avril 2014 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-10 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe n° 180 des commentaires administratifs publiés le 27 avril 2018 au même b

ulletin officiel sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-20-10 ;

3°) de mettre à la charg...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 16 juillet 2020, 11 janvier 2021 et 17 août 2021 au secrétariat du contentieux du conseil d'Etat, M. D... B... demande au conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe n° 70 des commentaires administratifs publiés le 1er avril 2014 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-10 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe n° 180 des commentaires administratifs publiés le 27 avril 2018 au même bulletin officiel sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-20-10 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 2020-868 QPC du 27 novembre 2020 du conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... demande l'annulation du paragraphe n° 70 des commentaires administratifs publiés le 1er avril 2014 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-10 et du paragraphe n° 180 des commentaires administratifs publiés le 27 avril 2018 au même bulletin sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-2010, en tant qu'ils énoncent que les gains retirés de la cession d'objets précieux physiquement situés à la date de leur cession sur le territoire d'un Etat tiers à l'Union européenne sont imposées de plein droit à l'impôt sur le revenu par application du régime des plus-values sur biens meubles et ne prévoient pas pour le redevable de l'imposition la possibilité d'opter pour l'application de la taxe forfaitaire prévue à l'article 150 VI du code général des impôts pour les cessions d'objets précieux réalisées en France ou sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance :

2. Il résulte de la décision n° 435634 du 13 mars 2020 du conseil d'Etat, statuant au contentieux que le délai imparti pour former un recours pour excès de pouvoir contre des commentaires administratifs par lesquels l'autorité compétente prescrit l'interprétation de la loi fiscale, lorsque ceux-ci ont été insérés au BOFiP-impôts et mis en ligne sur un site internet accessible depuis l'adresse www.impots.gouv.fr entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018, s'achève à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la lecture de cette décision, intervenue le 13 mars 2020.

3. Toutefois, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, rendues applicables aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif par l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, à l'exception des dérogations précisément énumérées au II de cet article, " tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ", la période mentionnée à l'article 1er de cette ordonnance étant, dans sa version applicable au litige, celle du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus. Contrairement à ce que soutient le ministre, ces dispositions sont applicables au délai qui résulte de la décision du 13 mars 2020 par laquelle le conseil d'Etat, statuant au contentieux a fixé les modalités de mise en œuvre des dispositions réglementaires relatives au délai de recours contre les commentaires administratifs de la loi fiscale.

4. Il en résulte que ne saurait être rejeté comme irrecevable un recours formé contre des commentaires publiés entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018 et présenté avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la fin de la période mentionnée ci-dessus. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité des commentaires administratifs attaqués :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. " Dans leur rédaction issue de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, les dispositions du I de l'article 150 UA du même code prévoient que : " Sous réserve des dispositions de l'article 150 VI et de celles qui sont propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de biens meubles ou de droits relatifs à ces biens, par des personnes physiques, domiciliées en France au sens de l'article 4 B, ou des sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 quinquies dont le siège est situé en France, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH (...) ".

6. Aux termes de l'article 150 VI du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 19 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, " I. - Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, sont soumises à une taxe forfaitaire dans les conditions prévues aux articles 150 VJ à 150 VM les cessions à titre onéreux ou les exportations, autres que temporaires, hors du territoire des États membres de l'Union européenne: (...) 2 ° De bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité. II. - Les dispositions du I sont applicables aux cessions réalisées dans un autre État membre de l'Union européenne ". Par sa décision n° 2020-868 QPC du 27 novembre 2020, le conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le II de cet article, au motif qu'il introduit entre les contribuables imposés en France selon que la cession est réalisée au sein de l'Union européenne ou en dehors une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi.

7. Il résulte du point 18 de cette décision que l'abrogation du II de l'article 150 VI du code général des impôts, dans sa rédaction citée ci-dessus, prend effet à compter de la date de la publication de la décision. Cette décision peut, en outre, être invoquée dans les instances non jugées définitivement à cette date.

8. Eu égard à l'argumentation qu'il soulève, le requérant doit être regardé comme demandant l'annulation, d'une part, du paragraphe n° 70 des commentaires publiés le 1er avril 2014 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-10, et, d'autre part, de la dernière phrase du paragraphe n° 180 des commentaires publiés le 27 avril 2018 au même bulletin sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-20-10, énonçant qu' " Il s'ensuit notamment que la cession, par un particulier fiscalement domicilié en France, d'un bien qui a toujours été situé dans un État tiers à l'Union européenne n'entre pas dans le champ de la taxe forfaitaire ".

9. Les énonciations attaquées réitèrent les dispositions du II de l'article 150 VI du code général des impôts déclarées contraires à la Constitution en tant qu'elles prévoyaient que le gain de cession d'objets précieux situés physiquement en-dehors du territoire d'un Etat de l'Union européenne était imposé de plein droit à l'impôt sur le revenu selon le régime des plus-values sur biens meubles, sans possibilité d'option pour une imposition à la taxe forfaitaire sur les objets précieux.

10. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir des énonciations qu'il attaque.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le paragraphe n° 70 des commentaires publiés le 1er avril 2014 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-10 et la dernière phrase du paragraphe n° 180 des commentaires publiés le 27 avril 2018 au même bulletin sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-20-10 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 septembre 2021 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 17 novembre 2021.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Ophélie Champeaux

La secrétaire :

Signé : Mme A... C...


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 441908
Date de la décision : 17/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 nov. 2021, n° 441908
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:441908.20211117
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