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28/10/2021 | FRANCE | N°434688

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 28 octobre 2021, 434688


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 septembre 2019 et 6 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... D... demande, dans le dernier état de ses écritures, au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les décisions, révélées par les courriers de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés des 16 décembre 2019 et 24 février 2020, par laquelle la ministre des armées a refusé de lui communiquer les informations susceptibles de le concerner figurant respectivement dans

le traitement automatisé de données à caractère personnel de la direction du ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 septembre 2019 et 6 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... D... demande, dans le dernier état de ses écritures, au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les décisions, révélées par les courriers de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés des 16 décembre 2019 et 24 février 2020, par laquelle la ministre des armées a refusé de lui communiquer les informations susceptibles de le concerner figurant respectivement dans le traitement automatisé de données à caractère personnel de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense et de la direction générale de la sécurité extérieure ;

2°) d'enjoindre aux autorités gestionnaires de ces fichiers de procéder à leur effacement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'évaluation provisoire du préjudice subi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. D... et son représentant, et d'autre part, la ministre des armées et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figurent notamment au nombre de ces traitements le traitement automatisé de données à caractère personnel de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et celui de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en œuvre de l'article 41 devenu l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978, " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a saisi la CNIL afin de pouvoir accéder aux données susceptibles de le concerner figurant dans les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre par la DRSD et la DGSE. La Commission a désigné, en application de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978, alors applicable, un membre pour mener toutes investigations utiles et faire procéder, le cas échéant, aux modifications nécessaires. Par lettres des 16 décembre 2019 et 24 février 2020, la présidente de la Commission a informé M. D... qu'il avait été procédé à l'ensemble des vérifications demandées et que les procédures étaient terminées, sans lui apporter d'autre information. M. D... doit être regardé comme demandant l'annulation des refus, révélés par ces courriers, de la ministre des armées de lui donner accès aux données susceptibles de le concerner et figurant dans les fichiers litigieux.

5. La ministre des armées et la CNIL ont communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments susceptibles d'être relatifs à la situation de l'intéressé. La ministre a, en outre, communiqué les actes réglementaires créant les fichiers litigieux.

6. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

7. La formation spécialisée a procédé à l'examen des actes réglementaires autorisant la création des fichiers litigieux ainsi que des éléments fournis par la ministre et par la CNIL, laquelle a effectué les diligences qui lui incombent dans le respect des règles de compétence et de procédure applicables, notamment en désignant un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles.

8. Il résulte de cet examen, lequel s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent, qu'aucune illégalité n'a été relevée, à la date de la présente décision, s'agissant des fichiers mis en œuvre par la DGSE et la DRSD. Il s'ensuit que les conclusions, y compris celles indemnitaires et à fin d'injonction, présentées par M. D..., qui ne peut utilement invoquer le défaut de motivation des décisions révélées par les courriers de la CNIL, doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et à la ministre des armées.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président de la formation spécialisée, présidant ; M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat et Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 28 octobre 2021.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Egerszegi

La secrétaire :

Signé : Mme C... B...


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 434688
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 2021, n° 434688
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:434688.20211028
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