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12/07/2021 | FRANCE | N°449039

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 12 juillet 2021, 449039


Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1900857 du 22 janvier 2021, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat, les conclusions de la requête de M. B... A... par lesquelles il demande :

1°) d'annuler la décision du 23 novembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations le concernant et susceptibles de f

igurer dans les fichiers du renseignement territorial ;

2°) d'enjoindre...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1900857 du 22 janvier 2021, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat, les conclusions de la requête de M. B... A... par lesquelles il demande :

1°) d'annuler la décision du 23 novembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations le concernant et susceptibles de figurer dans les fichiers du renseignement territorial ;

2°) d'enjoindre à ce ministre de faire droit à sa demande en lui communiquant les informations susceptibles de le concerner et de procéder à l'effacement ou la rectification des données le concernant et illégalement contenues dans ces traitements et ce, dans un délai de deux mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée notamment par la loi n° 2018-693 du 20 juin 2018 et l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 ;

- le décret n° 2018-687 du 1er août 2018 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. A... et d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de Thomas Andrieu, conseiller d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en oeuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre du droit d'accès aux données à caractère personnel et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense qui sont contenues dans traitements mis en oeuvre pour le compte de l'Etat, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figurent notamment au nombre de ces traitements les fichiers du renseignement territorial, pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat.

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes mentionnées au point 3 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. / Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il résulte de l'instruction que M. A... a saisi le ministre de l'intérieur d'une demande d'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans les fichiers du renseignement territorial. Par une décision du 23 novembre 2018, le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les données demandées. M. A... demande devant le Conseil d'Etat l'annulation de cette décision en tant qu'elle porte sur les informations le concernant et susceptibles de figurer dans les fichiers du renseignement territorial au titre de la sûreté de l'Etat, et d'enjoindre sous astreinte à ce ministre de lui communiquer ces informations.

5. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur se prononce sur une demande d'accès à un fichier devrait être précédée d'un échange contradictoire avec la personne intéressée. En outre, les traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat mentionnés par l'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure relèvent des seuls titres I et IV de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment de ses articles 116 à 120, et sont hors champ d'application de la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil. Il en résulte que les moyens tirés de la méconnaissance par le titre III de la loi du 6 janvier 1978 des dispositions de cette directive du 27 avril 2016 ne peuvent être utilement soulevés à l'appui d'une contestation relative à un des traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat mentionnés à l'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure. Il en résulte également que les moyens tirés de la méconnaissance des droits garantis à la personne concernée par le titre III de de la loi du 6 janvier 1978 ne sont pas invocables au soutien d'une demande d'accès, de rectification ou d'effacement de données figurant dans ces traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat.

6. Le ministre de l'intérieur a communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments relatifs à la situation de l'intéressé.

7. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification. Cette procédure, qui garantit l'examen par un juge indépendant des éléments figurant le cas échéant dans les fichiers en cause, n'est contraire ni droit au procès équitable ni, en tout état de cause, à la présomption d'innocence.

8. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent, qui n'ont révélé aucune illégalité, et notamment pas d'atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, que les conclusions de M. A..., y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 449039
Date de la décision : 12/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2021, n° 449039
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Andrieu
Rapporteur public ?: Mme C Barrois de Sarigny-fs

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:449039.20210712
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