Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n°448577, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 janvier et 19 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision, à la suite de la décision implicite de la Commission nationale de l'informatique et des libertés rejetant sa demande d'accès, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel CRISTINA mis en oeuvre par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer les informations le concernant contenues dans ce fichier et de procéder à leur effacement et, subsidiairement à leur rectification, dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait du signalement dont il a fait l'objet ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II. Sous le n°448578, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 janvier et 19 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision, à la suite de la décision implicite de la Commission nationale de l'informatique et des libertés rejetant sa demande d'accès, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé FSPRT mis en oeuvre par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer les informations le concernant contenues dans ce fichier et de procéder à leur effacement et, subsidiairement à leur rectification, dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait du signalement dont il a fait l'objet ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée notamment par la loi n° 2018-693 du 20 juin 2018 et l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 ;
- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;
- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. A... B... et la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, son avocat, et d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;
Et après avoir entendu en séance :
- le rapport de M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat,
- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes enregistrées au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous les n°s 448577, 448578 concernent le même requérant et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en oeuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.
3. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre du droit d'accès aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figurent notamment au nombre de ces traitements le fichier CRISTINA et le fichier dénommé FSPRT.
3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en oeuvre du droit d'accès mentionné au point 2, " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... a saisi la CNIL afin de pouvoir accéder aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier CRISTINA et dans le fichier FSPRT. La Commission a informé M. A... B... qu'elle allait désigner, en application de l'article 108 de la loi du 6 janvier 1978, un membre pour mener toutes investigations utiles et faire procéder, le cas échéant, aux modifications nécessaires. En l'absence de réponse dans un délai de quatre mois à l'issue de ses demandes, M. A... B... demande l'annulation du refus du ministre de l'intérieur de lui donner accès aux données susceptibles de le concerner et figurant dans les fichiers litigieux et d'enjoindre au ministre de les effacer.
5. Le ministre de l'intérieur a communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments susceptibles d'être relatifs à la situation de l'intéressé. Le ministre a, en outre, communiqué l'acte réglementaire, non publié, créant les fichiers CRISTINA et FSPRT.
6. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.
7. Les conditions, ainsi décrites, dans lesquelles la formation spécialisée remplit son office juridictionnel ne portent pas, contrairement à ce qui est soutenu, une atteinte excessive au caractère contradictoire de la procédure garantie notamment par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au droit à la protection de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de cette même convention. La dérogation apportée, par les dispositions citées au point 3, au caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, qui a pour seul objet de porter à la connaissance des juges des éléments couverts par le secret de la défense nationale et qui ne peuvent, dès lors, être communiqués au requérant, permet en effet à la formation spécialisée de statuer en toute connaissance de cause. Les pouvoirs dont elle est investie pour instruire les requêtes, relever d'office toutes les illégalités qu'elle constate et enjoindre à l'administration de prendre toutes mesures utiles afin de remédier aux illégalités constatées garantissent l'effectivité du contrôle juridictionnel de l'exercice du droit d'accès indirect aux données personnelles figurant dans des traitements intéressant la sûreté de l'Etat.
8. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point 6, qui n'ont révélé aucune illégalité, que les conclusions de M. A... B..., y compris ses conclusions à fin d'injonction, ses conclusions indemnitaires et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. A... B... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.