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01/07/2021 | FRANCE | N°450747

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 01 juillet 2021, 450747


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), après avoir constaté, par une décision du 9 décembre 2020, l'absence de dépôt de compte de campagne de M. D... A..., candidat aux élections municipales et communautaires qui se sont déroulées les 15 et 28 mars 2020 dans la commune de Pamandzi (Mayotte), a saisi le tribunal administratif de Mayotte en application de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement n° 2001593 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Mayotte a déclaré M. A... inél

igible pour une durée de dix-huit mois, annulé son élection en qualit...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), après avoir constaté, par une décision du 9 décembre 2020, l'absence de dépôt de compte de campagne de M. D... A..., candidat aux élections municipales et communautaires qui se sont déroulées les 15 et 28 mars 2020 dans la commune de Pamandzi (Mayotte), a saisi le tribunal administratif de Mayotte en application de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement n° 2001593 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Mayotte a déclaré M. A... inéligible pour une durée de dix-huit mois, annulé son élection en qualité de conseiller municipal et a proclamé Mme B... C... élue.

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de juger qu'il n'y a pas lieu de le déclarer inéligible.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Prévoteau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., candidat élu aux élections municipales dans la commune de Pamandzi (Mayotte) et dont la liste avait recueilli 15,38 % des suffrages exprimés à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020, n'a pas déposé son compte de campagne auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Saisi par cette commission sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Mayotte a, par un jugement du 15 février 2021, déclaré l'intéressé inéligible à tout mandat pour une durée de dix-huit mois, annulé son élection, et proclamé élue Mme B... C... en qualité de conseillère municipale de la commune de Pamandzi. M. A... relève appel de ce jugement.

2. D'une part, selon l'article L. 52-12 du code électoral, dans sa version alors applicable : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection (...). La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. (...) / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes (...). Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette. Cette présentation n'est pas non plus nécessaire lorsque le candidat ou la liste dont il est tête de liste a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés et qu'il n'a pas bénéficié de dons de personnes physiques selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts (...) ". En vertu de l'article L. 52-15 du code électoral, lorsque la commission constate que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 du même code, elle saisit le juge de l'élection. Toutefois, en vertu du 4° du XII de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, la date limite de dépôt du compte de campagne a été reportée au 10 juillet 2020 à 18 heures pour les listes de candidats participant seulement au 1er tour.

3. D'autre part, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 52-13 du code électoral : " Lorsqu'il est établi une nouvelle liste en vue du second tour de scrutin, les dépenses visées à l'article L. 52-12 sont totalisées et décomptées à compter du premier tour de scrutin au profit de la liste à laquelle appartenait le candidat tête de liste lorsqu'il avait cette qualité au premier tour ou, à défaut, de la liste dont est issu le plus grand nombre de candidats figurant au second tour sur la nouvelle liste ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa version issue de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / 2° Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ; / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. (...) ".

5. En application des dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

6. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que le compte de campagne de la liste conduite par M. A... en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Pamandzi a été rejeté par la CNCCFP dans une décision du 9 décembre 2020 en raison du non-respect par l'intéressé du délai imparti pour déposer ce compte. Si M. A... explique ses manquements, d'une part, par son ignorance à devoir établir un tel compte alors que sa liste avait, à l'issue du premier tour de scrutin, fusionné avec la liste adverse, et, d'autre part, par des allégation dépourvues de toute précision sur les contraintes liées à la crise sanitaire, de tels éléments ne sont pas de nature à justifier la méconnaissance de l'obligation résultant des articles L. 52-12 et L. 52-13 du code électoral, dont la portée au cas d'espèce a, d'ailleurs, été rappelée par le guide du candidat et du mandataire édité en 2019 par la CNCCFP. En outre, il résulte de l'instruction que M. A... n'a pas déposé le compte de campagne qu'il était tenu d'établir en dépit d'une mise en demeure adressée le 17 août 2020 par cette commission. Enfin, la circonstance qu'il ait produit ce document pour la première fois le 16 mars 2021 ne saurait régulariser cette omission dès lors, au demeurant, que cette production, au caractère tardif, n'a pas été certifiée par l'un des professionnels mentionnés à l'article L. 52-12 et chargés de mettre un tel compte en état d'examen.

7. Eu égard à ces manquements caractérisés à des règles substantielles relatives au financement des campagnes électorales, à leur particulière gravité et aux circonstances de l'espèce, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a prononcé son inéligibilité pour une durée de dix-huit mois.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... A... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieure et à Mme B... C....


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 450747
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2021, n° 450747
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Prévoteau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:450747.20210701
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