Vu la procédure suivante :
La SAS Corsica Sole 2 a contesté devant le tribunal administratif de Bastia, la remise en cause, par l'administration fiscale, d'une quotepart du remboursement anticipé d'un crédit d'impôt pour investissements en Corse ainsi que du bénéfice de l'amortissement dégressif dont elle avait bénéficié au titre de l'exercice clos en 2012 pour certaines immobilisations. Par un jugement n° 1501117 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Bastia a partiellement fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 17MA03568 du 11 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, partiellement annulé l'article 1er de ce jugement, corrigé les résultats de la SAS Corsica Sole 2 au titre de l'exercice clos en 2012 par la prise en compte d'amortissements complémentaires à hauteur de 2 341 euros et rejeté le surplus des conclusions de la requête du ministre.
Par un pourvoi enregistré le 5 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 et 3 de cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Prévoteau, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ortscheidt, avocat de la SAS Corsica Sole 2 ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Corsica Sole 2, l'administration, d'une part a remis en cause la déduction des amortissements selon le mode dégressif de la structure métallique servant de support aux panneaux photovoltaïques que la société exploite en Corse et a rectifié à due proportion son résultat déficitaire au titre de l'exercice clos en 2012, et d'autre part a exclu cette structure métallique de l'assiette du crédit d'impôt pour investissements en Corse pour laquelle la société avait bénéficié d'un remboursement anticipé et a assujetti celle-ci à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre du même exercice. Sur demande de la société, le tribunal administratif, par un jugement du 13 avril 2017, a prononcé une décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés de 45 021 euros. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre les articles 2 et 3 de l'arrêt du 11 juillet 2019, par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement précité à hauteur d'une somme de 2 341 euros, a, d'une part corrigé les résultats de la société au titre de l'exercice clos en 2012 par la prise en compte d'amortissements complémentaires à hauteur de la somme précitée et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
2. Aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts, dans sa version applicable au litige: " I.-1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2016 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole (...) ; 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 10 % (2) du prix de revient hors taxes : a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A (...) ". Aux termes de l'article 39 A du même code : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. (...). 2. Les dispositions du 1 sont applicables dans les mêmes conditions : (...) 2° Aux bâtiments industriels dont la durée normale d'utilisation n'excède pas quinze années ". Aux termes, enfin, de l'article 22 de l'annexe II au même code: " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif - dans les conditions fixées aux articles 23 à 25 - les immobilisations acquises ou fabriquées par elles à compter du 1er janvier 1960 et énumérées ci-après : (...) Installations productrices de vapeur, chaleur ou énergie (...) ". Un hangar à usage agricole composé d'une charpente métallique et reposant sur des fondations n'entre pas dans la catégorie des bâtiments industriels dont la durée normale d'utilisation n'excède pas quinze ans et, par suite, n'ouvre pas droit à l'amortissement dégressif.
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la structure métallique servant de support aux panneaux photovoltaïques est fixée au sol par des plots en béton de 1m3 qui sont reliés entre eux par des semelles ferraillées et est destinée à permettre l'utilisation en tant qu'hangar agricole de l'espace qu'elle délimite, comme cela ressort, d'ailleurs, des baux à construction conclus avec les agriculteurs et des différents permis de construire délivrés par les communes sièges des installations. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que cette structure métallique aurait une durée normale d'utilisation inférieure à quinze ans ou qu'elle serait destinée à augmenter la production d'électricité des panneaux photovoltaïques en les surélevant. Par suite et eu égard à l'utilisation différente en terme d'exploitation des éléments en cause, la cour a commis une erreur de droit, au regard des dispositions précitées, en se fondant sur la circonstance qu'ils sont matériellement indissociables au sens où les panneaux photovoltaïques constituent un toit qui assure l'étanchéité de l'espace délimité par la structure métallique, pour en déduire que l'ensemble de l'installation ouvrait droit au régime de l'amortissement dégressif et au crédit d'impôt au titre d'un investissement en Corse.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt du 11 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance ainsi qu'à la société Corsica Sole 2.