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18/06/2021 | FRANCE | N°452823

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 juin 2021, 452823


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mai et 10 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes-d'Armor demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 avril 2021 du préfet des Côtes-d'Armor, complémentaire à l'arrêté du 18 avril 2017 portant autorisation unique au titre de l'

article L. 214-3 du code de l'environnement, concernant la réalisation d'un parc éo...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mai et 10 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes-d'Armor demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 avril 2021 du préfet des Côtes-d'Armor, complémentaire à l'arrêté du 18 avril 2017 portant autorisation unique au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, concernant la réalisation d'un parc éolien et mer et sa sous-station électrique en baie de Saint-Brieuc, établissant un programme de surveillance et d'alerte de la turbidité ;

2°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de faire cesser immédiatement les travaux de construction du parc éolien en mer au large de Saint-Brieuc afin de présenter pour avis au comité de gestion et de suivi le programme de surveillance et d'alerte de la turbidité déterminé par l'arrêté et d'inviter ce comité à saisir son conseil scientifique pour un avis d'expert ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de sa requête, en application de l'article R. 311-1-1 du code de justice administrative ;

- la condition d'urgence est satisfaite en ce que l'arrêté contesté porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation et aux intérêts qu'il défend dès lors que, d'une part, la décision contestée a eu pour effet immédiat de permettre le démarrage des travaux de construction du parc éolien en mer à compter du 3 mai 2021 et que, d'autre part, ces travaux vont progresser et pourraient irrémédiablement altérer les ressources halieutiques de la baie de Saint Brieuc ;

- l'arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière, d'une part, faute de l'avis préalable du comité de gestion et de suivi du parc éolien en mer de la baie de Saint-Brieuc prévu par les dispositions de l'arrêté préfectoral du 18 avril 2017, et d'autre part, faute d'avis de son conseil scientifique sur le nouveau protocole du maître d'ouvrage ;

- l'article 5 de l'arrêté est illégal car il ne soumet pas le protocole de suivi et de transmission des mesures de surveillance et de contrôle élaboré par le maître d'ouvrage à l'avis du comité de gestion et de suivi, voire à l'expertise du conseil scientifique ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, d'une part, en ne proposant pas le suivi de " l'ensemble des fondations du parc éolien " au sens de l'article 16.3.1 de l'arrêté du 18 avril 2017, mais seulement le suivi de neuf " positions ", son article 2.2 laisse à l'autorité administrative le choix des points de forage qui feront l'objet d'un suivi lors de la mise en place des fondations des éoliennes et, d'autre part, que ses articles 2 et 3 n'associent aucun seuil de turbidité à la position des stations de mesures, alors qu'il est essentiel que ces seuils d'alerte soient précisément adaptés à la position des bouées de mesures afin que les ressources halieutiques soient préservées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2021, la société Ailes Marines conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'il soit mis à la charge du Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes d'Armor la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens de la requête n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes d'Armor, et d'autre part, la ministre de la transition écologique et la société Ailes Marines ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 11 juin 2021, à 10 heures 30 :

- Me de La Burgade, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes d'Armor ;

- les représentants du Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes d'Armor ;

- les représentants de la ministre de la transition écologique ;

- Me Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Ailes Marines ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant, si les effets de l'acte en litige sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

2. En vertu de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, " sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles / Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier ". Sur ce fondement, le préfet des Côtes-d'Armor a délivré le 18 avril 2017 à la société Ailes Marines un arrêté portant autorisation unique concernant la réalisation d'un parc éolien en mer et sa sous-station électrique en baie de Saint-Brieuc. Son article 16.3 prévoit que " les seuils d'alerte et critique conditionnant la réalisation des travaux " d'installation des fondations des éoliennes, de la sous-station électrique et du mât de mesure ainsi qu'un " protocole de mesures " sont " fixés par le préfet des Côtes d'Armor par un arrêté préfectoral complémentaire pris avant le démarrage des travaux ". Il précise que, au préalable, " le maître d'ouvrage présente pour avis au comité de gestion et de suivi (...) les conditions de réalisation des mesures de suivi et de surveillance (et) les seuils d'alerte et critique conditionnant la réalisation des travaux ". En conséquence, après avoir recueilli l'avis du comité de gestion et de suivi le 9 octobre, le préfet compétent a pris le 23 octobre 2019 un arrêté complémentaire à son arrêté du 18 avril 2017 établissant un programme de surveillance et d'alerte de la turbidité. Ce dernier arrêté a été abrogé et remplacé par un nouvel arrêté complémentaire du 14 avril 2021.

3. Dans le dernier état de ses écritures, confirmé lors de l'audience, le Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes d'Armor demande, à titre principal, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 avril 2021 en tant seulement qu'il n'a pas été précédé d'une nouvelle présentation pour avis au comité de gestion et de suivi du programme de surveillance et d'alerte de la turbidité qu'il détermine et à ce qu'il soit enjoint à ce comité de saisir le conseil scientifique pour avis d'expert. S'il demande, à titre subsidiaire, de faire cesser les travaux de construction du parc éolien en mer au large de Saint-Brieuc, c'est uniquement aux mêmes fins d'injonction à saisir le comité de gestion et de suivi et de la saisine possible de son conseil scientifique. Le juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut pas suspendre l'exécution d'un arrêté en tant seulement que l'administration aurait omis de procéder à une consultation préalable, dès lors qu'une telle décision serait dénuée de toute portée. Par suite, la demande de suspension présentée par le Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes d'Armor ne peut qu'être rejetée.

4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions demandées par la société Ailes Marines sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes-d'Armor est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Ailes Marines sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes-d'Armor, à la société Ailes Marines et à la ministre de la transition écologique.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 452823
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2021, n° 452823
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:452823.20210618
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