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16/06/2021 | FRANCE | N°430061

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 16 juin 2021, 430061


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 21 et 25 avril 2019 et 24 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre de l'intérieur en date du 18 février 2019, notifiée le 25 février 2019, portant refus de communication au requérant de tout ou partie des informations le concernant, en réponse à une demande de droit d'accès au fichier des personnes recherchées (FPR) ;

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 21 et 25 avril 2019 et 24 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre de l'intérieur en date du 18 février 2019, notifiée le 25 février 2019, portant refus de communication au requérant de tout ou partie des informations le concernant, en réponse à une demande de droit d'accès au fichier des personnes recherchées (FPR) ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur :

- d'une part, dans l'hypothèse où elles existent, de bien vouloir communiquer au requérant l'ensemble des données personnelles le concernant contenues dans le FPR, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision juridictionnelle statuant sur le présent recours ;

- d'autre part, de procéder à l'effacement de ces données, conformément aux dispositions de l'article L. 773-8 du code de justice administrative, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision juridictionnelle statuant sur le présent recours ;

3°) de condamner l'Etat à verser à M. B... A... la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. B... A... et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a saisi le ministre de l'intérieur d'une demande d'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier des personnes recherchées (FPR). Par décision du 18 février 2019, le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les données demandées. M. A... demande l'annulation de ce refus, d'enjoindre au ministre de l'intérieur, d'une part, dans l'hypothèse où elles existent, de bien vouloir lui communiquer l'ensemble des données personnelles le concernant contenues dans le FPR, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autre part, de procéder à l'effacement de ces données, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi.

2. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en oeuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

3. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre de l'article 41 devenu l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978, pour les traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figurent notamment au nombre de ces traitements le fichier des personnes recherchées (FPR), pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat mentionnées au 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 susvisé.

4. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en oeuvre de l'article 41 devenu l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. / Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

6. M. A... soutient que la décision de refus qui lui a été opposée est insuffisamment motivée, dès lors qu'il appartenait au ministre de l'intérieur, en application des dispositions de l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative, de produire une version non confidentielle des pièces relatives à sa situation, après occultation des éléments soustraits au contradictoire. Toutefois, l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative invoqué par le requérant n'est pas applicable aux modalités selon lesquelles certaines pièces ou informations peuvent être soustraites au débat contradictoire devant la formation spécialisée, exclusivement régies par les dispositions du livre VII du code de justice administrative citées au point précédent. Par suite, le ministre n'était en tout état de cause pas tenu de motiver son refus de communiquer.

7. Le ministre de l'intérieur a en revanche communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments susceptibles d'être relatifs à la situation de l'intéressé.

8. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux, soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité, soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

9. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent, qui n'ont révélé ni détournement de pouvoir, ni violation de la loi, ni erreur d'appréciation, ni aucune autre illégalité, que les conclusions de M. A..., y compris ses conclusions à fin d'injonction, d'indemnisation et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 jui. 2021, n° 430061
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Andrieu
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet-fs

Origine de la décision
Formation : Formation spécialisée
Date de la décision : 16/06/2021
Date de l'import : 22/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 430061
Numéro NOR : CETATEXT000043672592 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-06-16;430061 ?
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