Vu la procédure suivante :
La société anonyme Figuères Services (FISER) a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du ministre chargé du budget du 16 décembre 2013 accordant un agrément en vue de bénéficier de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, en ce qu'elle a exclu de cet agrément un véhicule de type " benne à ordures ménagères grand volume renforcé ". Par un jugement n° 1600135 du 15 février 2018, le tribunal administratif de la Martinique a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 18BX01680 du 9 juillet 2020 la cour administrative d'appel de Bordeaux, a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.
Par un pourvoi enregistré le 8 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre de procédure fiscale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Agniau-Canel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges de fond que la société Inter Invest a sollicité pour le compte des associés, contribuables personnes physiques soumis à l'impôt sur le revenu, de la société en nom collectif Ponthieu 10, le bénéfice de l'avantage fiscal prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts, au titre de l'acquisition, en renouvellement et en extension de flotte, de camions bennes équipés destinés à être exploités par la société Figuères services dans le cadre d'un contrat portant sur la collecte sélective des déchets ménagers et assimilés de la communauté de communes du Nord de la Martinique. Par une décision du 16 décembre 2013, le ministre délégué chargé du budget a accordé l'agrément au titre de l'acquisition, en 2013, de onze camions bennes, mais a exclu des investissements productifs éligibles une " benne à ordures ménagères grand volume renforcée " affectée en véhicule de remplacement. Par un jugement du 15 février 2018, le tribunal administratif de la Martinique, à la demande de la société Figuères Services, a annulé cette décision en tant qu'elle portait refus d'agrément. Le ministre se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel a rejeté son appel.
2. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...)./ La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location (...) et si 62,5 % de la réduction d'impôt sont rétrocédés à l'entreprise locataire sous forme de diminution du loyer et du prix de cession du bien à l'exploitant. (...) / II. 1. Les investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme est supérieur à 1 000 000 € ne peuvent ouvrir droit à réduction que s'ils ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies ; / Les dispositions du premier alinéa sont également applicables aux investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme est supérieur à 250 000 €, lorsque le contribuable ne participe pas à l'exploitation au sens des dispositions du 1° bis du I de l'article 156. (...) ".
3. Aux termes du 1 du III de l'article 217 undecies du même code : " (...) L'agrément est délivré lorsque l'investissement : / a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé ; il ne doit pas porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou constituer une menace contre l'ordre public ou laisser présumer l'existence de blanchiment d'argent ; / b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; / c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; / d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers. / L'octroi de l'agrément est subordonné au respect par les bénéficiaires directs ou indirects de leurs obligations fiscales et sociales et à l'engagement pris par ces mêmes bénéficiaires que puissent être vérifiées sur place les modalités de réalisation et d'exploitation de l'investissement aidé (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que la réduction d'impôt sur le revenu, prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, s'applique sous réserve que soient satisfaites les conditions de fond fixées au I de cet article, relatives notamment à la nature, à la localisation et à la réalisation des investissements éligibles. En vertu du II du même article, certains de ces investissements ne peuvent ouvrir droit à la réduction d'impôt que s'ils ont obtenu, préalablement, un agrément du ministre chargé du budget. La délivrance de cet agrément est subordonnée au respect des conditions posées à l'article 199 undecies B ainsi qu'à celles, auxquelles cet article renvoie, fixées au III de l'article 217 undecies du même code. Il revient donc à l'administration fiscale, lorsqu'elle instruit une demande d'agrément présentée au titre de l'article 199 undecies B, de s'assurer que l'investissement en cause entre bien dans le champ d'application de la réduction d'impôt tel que défini par l'article 199 undecies B, puis, le cas échéant, de vérifier si les conditions de délivrance de l'agrément au regard des conditions fixées par l'article 217 undecies sont remplies.
5. Par suite, en jugeant que les dispositions du III de l'article 217 undecies ne permettaient pas de fonder un refus d'agrément ou de limiter le montant des investissements productifs pour lesquels il est délivré en se fondant sur d'autres conditions que celles qu'elles prévoient, alors même que l'investissement ne répondrait pas aux conditions fixées par les dispositions de l'article 199 undecies B, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
8. Aux termes de l'article 95 K de l'annexe 2 au code général des impôts : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article ".
9. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'investissement pour lequel la SNC Ponthieu 10 a présenté une demande d'agrément a pour objet l'acquisition d'une flotte de véhicules nécessaires à l'exploitation d'un marché public de collecte des ordures ménagères, dont le cahier des clauses techniques particulières imposait au titulaire de disposer d'un véhicule de remplacement en cas de panne, afin que la tournée prévue puisse être réalisée dans un délai de quatre heures. Un tel équipement doit être regardé, pour l'application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, comme un investissement productif dès lors qu'il est nécessaire à l'exploitation de l'activité économique en cause et qu'il lui est exclusivement affecté. Ainsi, en fondant son refus d'étendre l'agrément demandé à une benne à ordures de remplacement, au motif qu'un tel équipement, dont l'utilisation est aléatoire et non continue, ne saurait, par principe, être regardé comme un investissement productif affecté à l'activité de l'entreprise, le ministre chargé du budget a entaché sa décision d'erreur de droit.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé sa décision du 16 décembre 2013 en ce qu'elle a refusé d'étendre le bénéfice de l'agrément prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts à un véhicule de type benne à ordures affecté en véhicule de remplacement et lui a enjoint de réexaminer la demande dont il était saisi.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Figuères Services d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 9 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : L'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à la société Figuères Services une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances set de la relance et à la société Figuères Services.