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07/06/2021 | FRANCE | N°447889

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 07 juin 2021, 447889


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Fullrama a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 8 septembre 2020 par laquelle le maire de Courbevoie a résilié la convention d'occupation temporaire du domaine public communal signée le 9 mai 2017 et d'enjoindre à la commune de remettre en place le matériel lui appartenant aux emplacements où il se trouvait dans un délai de huit jours à compter de la no

tification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros ...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Fullrama a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 8 septembre 2020 par laquelle le maire de Courbevoie a résilié la convention d'occupation temporaire du domaine public communal signée le 9 mai 2017 et d'enjoindre à la commune de remettre en place le matériel lui appartenant aux emplacements où il se trouvait dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2012103 du 1er décembre 2020, ce juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 et 24 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Fullrama demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Courbevoie la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Fullrama et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la commune de Courbevoie ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 mai 2021, présentée par la société Fullrama ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le 9 mai 2017, la commune de Courbevoie a conclu avec la société Mobile Tech People, pour une période courant jusqu'au 31 décembre 2022, une convention d'occupation du domaine public pour l'installation de capteurs environnementaux et de dispositifs de surveillance de la qualité de l'air sur le territoire communal. Par un avenant du 11 juin 2019, la société Fullrama a repris les droits et obligations de la société Mobile Tech People au titre de cette convention. Par courrier du 8 septembre 2020, la commune de Courbevoie a informé la société Fullrama de la résiliation de cette convention, au motif que la plupart des installations qu'elle prévoyait n'avaient pas été réalisées. Par courrier du 30 octobre 2020, la commune a informé la société Fullrama de ce que les matériels d'ores et déjà installés seraient prochainement enlevés aux frais de cette dernière. La société Fullrama a demandé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de suspendre l'exécution de la décision de résiliation du 8 septembre 2020 et d'enjoindre à la commune de Courbevoie, sous astreinte, de remettre en place les capteurs. Par une ordonnance du 1er décembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande par application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...) ". Aux termes de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". Selon l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ". Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif : " Outre les cas prévus à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, il peut être statué sans audience, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé (...) ".

3. Pour exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés dispose des deux procédures prévues respectivement aux articles L. 522-1 et L. 522-3 du même code. La procédure prévue à l'article L. 522-1 est caractérisée à la fois par une instruction contradictoire entre les parties, engagée par la communication de la demande au défendeur, et par une audience publique. La procédure prévue à l'article L. 522-3, qui ne peut être utilisée que s'il apparaît au vu de la demande que celle-ci encourt un rejet pour l'une des raisons énoncées par cet article, ne comporte ni cette communication ni cette audience. Ces deux procédures étant distinctes, il résulte des dispositions du code de justice administrative que lorsque, au vu de la demande dont il était saisi, le juge des référés a estimé qu'il y avait lieu, non de la rejeter en l'état pour l'une des raisons mentionnées à l'article L. 522-3, mais d'engager la procédure de l'article L. 522-1, il lui incombe de poursuivre cette procédure. Si l'article 3 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif a permis au juge des référés, jusqu'à la fin de la période d'état d'urgence sanitaire, de statuer sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative au terme d'une instruction contradictoire mais sans tenir d'audience publique, ces dispositions n'ont eu ni pour objet, ni pour effet de permettre à ce même juge de statuer sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative après avoir communiqué la demande et engagé l'instruction contradictoire de l'affaire.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'après avoir engagé la procédure contradictoire prévue à l'article L. 522-1 du code de justice administrative en communiquant la requête à la commune défenderesse, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a rejetée comme manifestement infondée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code. En statuant ainsi, le juge des référés a rendu son ordonnance au terme d'une procédure irrégulière. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la société Fullrama est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

6. Il résulte de l'instruction que la décision de résiliation attaquée du 8 septembre 2020 a fait l'objet d'un envoi en recommandé avec accusé de réception. Il ressort de l'accusé de réception postal de ce pli, versé au dossier par la commune de Courbevoie, qu'il a fait l'objet d'une présentation le 17 septembre 2020 à son destinataire, la société Fullrama, à l'adresse de celle-ci, qui a été avisée d'une mise en instance pour un retrait à compter du 18 septembre à 14heures. Si la société Fullrama soutient qu'aucun avis de passage n'a été reçu à cette date, elle ne produit aucun élément propre à contredire les mentions portées sur les documents postaux. Le pli n'ayant pas été retiré dans le délai de 15 jours imparti par la règlementation postale à compter de sa première présentation, il a fait l'objet d'un renvoi à l'expéditeur le 3 octobre 2020, avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Il en résulte que la décision du 8 septembre 2020 doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à son destinataire à la date de cette première présentation. La requête en annulation de la décision du 8 septembre 2020, enregistrée le 25 novembre 2020, était par suite tardive et la demande tendant à la suspension de l'exécution de cette décision ne peut, pour ce motif, qu'être rejetée.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Fullrama une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Courbevoie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Courbevoie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 1er décembre 2020 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société Fullrama devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : La société Fullrama versera à la commune de Courbevoie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Fullrama et à la commune de Courbevoie.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 447889
Date de la décision : 07/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2021, n° 447889
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassagnabère
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:447889.20210607
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