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26/05/2021 | FRANCE | N°446404

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 26 mai 2021, 446404


Vu la procédure suivante :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Kani-Kéli (Mayotte) pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune. Par un jugement n° 2000650 du 14 octobre 2020, le tribunal administratif de Mayotte a fait droit à sa protestation et annulé ces opérations électorales.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 novembre 2021 et 25 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conse

il d'Etat, M. A... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Kani-Kéli (Mayotte) pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune. Par un jugement n° 2000650 du 14 octobre 2020, le tribunal administratif de Mayotte a fait droit à sa protestation et annulé ces opérations électorales.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 novembre 2021 et 25 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la protestation de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Prévoteau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du second tour des élections municipales qui s'est déroulé le 28 juin 2020 à Kani-Kéli (Mayotte), la liste " Mouvement pour le développement de Mayotte " (MDK), conduite par M. D..., a recueilli 1044 voix, soit onze voix de plus que la liste " Fampitia Ensemble tout est possible ", conduite par M. B.... M. D... relève appel du jugement du 14 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a, sur la protestation de M. B..., annulé ces opérations électorales.

2. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral : " Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement ". Le second alinéa de l'article L. 64 du code électoral dispose : " Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : l'électeur ne peut signer lui-même ". Il résulte de ces dispositions destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l'encre, d'un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin. Il est loisible à l'électeur dans l'incapacité de signer lui-même de se faire assister d'un électeur de son choix attestant que cette formalité ne peut être accomplie. La signature personnelle sous la forme d'initiales n'est pas dépourvue de validité. En revanche, la constatation d'un vote par l'apposition d'une croix sur la liste d'émargement ne peut être regardée comme garantissant l'authenticité de ce vote. La circonstance que la personne ne saurait pas écrire ne peut justifier qu'un tel vote soit réputé valide, alors que le législateur a prévu que l'électeur pouvait faire émarger à sa place un électeur de son choix.

3. D'une part, il résulte de l'instruction que si seule la mention " oui " figurait à la place de la signature de Mme A... C... ayant voté sous le numéro 31 dans le bureau de vote n° 40, la carte nationale d'identité de Mme A... C..., dont le prénom est Ouiladati, est signée par un même " oui ", et que l'émargement doit par suite être considéré comme régulier. Il résulte en revanche de l'instruction que le vote enregistré sous le numéro 210 dans le bureau de vote n° 92 a été constaté par l'apposition d'une simple croix et que celui enregistré sous le numéro 138 dans le bureau de vote n°105 ne comportait pas de signature mais un rond, précédé d'un trait reliant les cases réservées aux observations et émargements pour chacun des deux tours. Par suite, ces deux derniers suffrages, qui ne permettent pas d'établir avec certitude la réalité des votes des électeurs, n'ont pas été exprimés dans les conditions rappelées aux dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 64 du code électoral.

4. D'autre part, il résulte de l'instruction que les signatures apposées sur les listes d'émargement pour le second tour dans le bureau de vote n° 12 pour les électeurs enregistrés sous les numéros 44, 59 et 269, dans le bureau n° 40 pour les électeurs enregistrés sous les numéros 41 et 371, dans le bureau n° 64 pour l'électeur enregistré sous le numéro 27, dans le bureau n° 76 pour les électeurs enregistrés sous les numéros 238, 406 et 461 et dans le bureau n° 92 pour les électeurs enregistrés sous les numéros 271 et 333 diffèrent de celles apposées au premier tour. Dès lors, ces suffrages doivent être regardés comme irrégulièrement émis, sans que les attestations signées par les électeurs en cause, produites ultérieurement devant le tribunal, soient de nature à remettre en cause cette appréciation.

5. En revanche, si les signatures des électeurs enregistrés sous les numéros 207 et 208 dans le bureau n°11 diffèrent de celles apposées au premier tour, celle apposée par l'électeur ayant voté sous le numéro 207 est identique à celle apposée par l'électeur ayant voté sous le numéro 208 au premier tour et celle apposée par l'électeur ayant voté sous le numéro 208 est identique à celle apposée par l'électeur ayant voté sous le numéro 207 au premier tour. Les signatures ainsi apposées sont en outre identiques à celles figurant sur les cartes nationales d'identité produites par les deux électeurs, qui portent au surplus le même nom de famille. L'expression de leur suffrage dans la mauvaise case résulte donc d'une simple inversion qui n'entache pas leur vote d'irrégularité. Ne peuvent non plus être regardés comme irréguliers les suffrages exprimés dans le bureau n° 64 par l'électeur ayant voté sous le numéro 185, dans le bureau n° 92 par les électeurs ayant voté sous les numéros 17 et 332 et dans le bureau n° 76 par les électeurs ayant voté sous les numéros 263, 387, 451 et 455 dès lors que les intéressés attestent avoir voté au second tour et produisent un titre d'identité comportant une signature identique.

6. Enfin, contrairement aux allégations de M. D..., le tribunal n'a pas écarté comme entachée d'irrégularité la signature de l'électeur ayant voté sous le numéro 27 dans le bureau de vote n° 12 et s'il a mentionné la signature de l'électeur ayant voté sous le numéro 407 au lieu de celle apposée par l'électeur ayant voté sous le numéro 406 dans le bureau n° 76, cette erreur de plume est sans incidence sur le nombre de suffrages irrégulièrement exprimés.

7. Il suit de là que, dès lors qu'il n'y avait qu'onze voix d'écart entre les deux listes arrivées en tête au second tour, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées dans la commune de Kani-Kéli, le 28 juin 2020.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... D..., à M. F... B..., à M. E... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 446404
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mai. 2021, n° 446404
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Prévoteau
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:446404.20210526
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