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26/05/2021 | FRANCE | N°438837

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 26 mai 2021, 438837


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'enjoindre à la Banque de France, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de prendre les mesures nécessaires à l'exécution du jugement n° 1310695 du 16 juin 2016 par lequel ce tribunal avait condamné la Banque de France à lui verser les arrérages correspondant à la revalorisation de la pension de son mari défunt, déduction faite de la somme de 34 905,95 euros déjà perçue, et décidé que ces arrérages versés pour la période comprise entre le 5 mai 1

974 et le 28 février 1990 porteraient intérêts au taux légal à compter du ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'enjoindre à la Banque de France, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de prendre les mesures nécessaires à l'exécution du jugement n° 1310695 du 16 juin 2016 par lequel ce tribunal avait condamné la Banque de France à lui verser les arrérages correspondant à la revalorisation de la pension de son mari défunt, déduction faite de la somme de 34 905,95 euros déjà perçue, et décidé que ces arrérages versés pour la période comprise entre le 5 mai 1974 et le 28 février 1990 porteraient intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2006, qu'ils seraient capitalisés, le taux de ces intérêts devant être majoré de cinq points à compter du 18 septembre 2012 et enfin, que la somme de 4 399,03 euros déjà perçue à ce titre devrait être déduite de ces intérêts.

Par un jugement n° 1709031 du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Melun a enjoint à la Banque de France, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, de verser à Mme A... la somme de 4 399,03 euros, actualisée à la date de son versement, correspondant au reliquat des intérêts moratoires, et de lui communiquer la copie des actes justifiant des mesures prises pour achever d'exécuter le jugement du 16 juin 2016.

Par une ordonnance n° 19PA02267 du 18 février 2020, enregistrée le 19 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 11 juillet 2019 au greffe de cette cour, présenté par Mme A....

Par ce pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 2 septembre et 12 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2019 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Prévoteau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme A... et à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la Banque de France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un jugement du 16 juin 2016 devenu définitif, le tribunal administratif de Melun a condamné la Banque de France, d'une part, à verser à Mme A... les arrérages correspondant à la revalorisation de la pension de son mari décédé, calculés sur la base de l'indice 463 pour la période du 5 mai 1974 au 28 février 1990, déduction faite de la somme de 34 905,95 euros déjà versée au même titre, et, d'autre part, jugé que ces arrérages porteraient intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2006 et que devait être déduite de la somme versée à ce titre le montant de 4 399,03 euros correspondant aux intérêts déjà perçus par Mme A.... En raison d'un différend l'opposant à la Banque de France sur les implications de ce jugement, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande regardée comme tendant à ce qu'il soit enjoint à la Banque de France, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de prendre les mesures qu'impliquait son exécution. Par un jugement du 2 mai 2019, après avoir relevé que Mme A... soulevait dans sa demande un litige distinct ne se rapportant pas à l'exécution du jugement du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Melun a jugé que la Banque de France n'avait pas entièrement exécuté ce jugement et, en conséquence, lui a enjoint de verser à Mme A... la somme de 4 399,03 euros correspondant à un reliquat d'intérêts moratoires. Mme A... doit être regardée, eu égard aux moyens qu'elle soulève, comme demandant l'annulation de ce jugement en tant qu'il statue sur sa demande d'exécution de l'article 2 du jugement du 16 juin 2016 relatif au versement des intérêts afférents aux arrérages mis à la charge de la Banque de France en vertu de son article 1er.

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".

3. En principe, il n'appartient pas au juge saisi d'une demande tendant à l'exécution d'une décision juridictionnelle, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de l'interpréter. Toutefois, si cette décision est entachée d'une obscurité ou d'une ambiguïté qui, en rendant impossible la détermination de l'étendue des obligations qui incombent aux parties du fait de cette décision, font obstacle à son exécution, il lui revient alors de l'interpréter dans la mesure nécessaire pour en définir les mesures d'exécution.

4. Aux termes de l'article 2 du jugement du 16 juin 2016, l'intégralité des arrérages de pension versés pour la période comprise entre le 5 mai 1974 et le 28 février 1990 devaient porter intérêts et la somme de 4 399,30 euros déjà perçue à ce titre par Mme A... être déduite du montant ainsi obtenu. Il résulte de ces dispositions que le jugement du 16 juin 2016 ne pouvait être lu que comme mettant à la charge de la Banque de France des intérêts calculés sur les arrérages de pension versés, soit sur le montant non contesté de 132 455,08 euros, le résultat obtenu étant alors diminué des intérêts déjà versés à hauteur de 4 399,03 euros. Ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ce jugement n'était pas entaché d'une ambiguïté telle qu'elle faisait obstacle à son exécution. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que le tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit en procédant, par son jugement du 2 mai 2019, à l'interprétation de son jugement du 16 juin 2016 pour condamner la Banque de France au paiement des intérêts sur une somme de 97 549,13 euros. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le jugement du 2 mai 2019 doit être annulé en tant qu'il statue sur la demande présentée par la requérante tendant à l'exécution de l'article 2 du jugement du 16 juin 2016.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, dans cette mesure, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte du point 4 ci-dessus que Mme A... est fondée à demander à ce qu'en exécution du jugement du 16 juin 2016, il soit enjoint à la Banque de France de lui verser la somme correspondant aux intérêts au taux légal qui lui sont dus, en calculant ces intérêts sur la somme de 132 455,08 euros selon les modalités énoncées à l'article 2 du jugement à exécuter, puis en déduisant du résultat ainsi obtenu les sommes déjà versées à la requérante au même titre.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 2 mai 2019 est annulé en tant qu'il statue sur la demande de Mme A... tendant à l'exécution de l'article 2 du jugement du 16 juin 2016 relatif au versement des intérêts afférents aux arrérages mis à la charge de la Banque de France en vertu de l'article 1er de ce jugement.

Article 2 : Il est enjoint à la Banque de France de verser à Mme A... la somme correspondant aux intérêts au taux légal qui lui sont dus en application de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Melun du 16 juin 2016, en calculant ces intérêts sur la somme de 132 455,08 euros selon les modalités énoncées à cet article, puis en déduisant du résultat ainsi obtenu les sommes déjà versées au même titre, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La Banque de France versera à Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la Banque de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la Banque de France.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 438837
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mai. 2021, n° 438837
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Prévoteau
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP DELVOLVE ET TRICHET ; SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:438837.20210526
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