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19/05/2021 | FRANCE | N°431980

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 19 mai 2021, 431980


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 23 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association La Quadrature du Net demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision prise pour l'application de l'article L. 863-2 du code de la sécurité intérieure, révélée par voie de presse le 24 avril 2019, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garant

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Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 23 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association La Quadrature du Net demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision prise pour l'application de l'article L. 863-2 du code de la sécurité intérieure, révélée par voie de presse le 24 avril 2019, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 863-2 du code de la sécurité intérieure.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité intérieure, notamment son article L. 863-2 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 863-2 du code de la sécurité intérieure : " Les services spécialisés de renseignement mentionnés à l'article L. 811-2 et les services désignés par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 811-4 peuvent partager toutes les informations utiles à l'accomplissement de leurs missions définies au titre Ier du présent livre. / Les autorités administratives mentionnées à l'article 1er de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives peuvent transmettre aux services mentionnés au premier alinéa du présent article, de leur propre initiative ou sur requête de ces derniers, des informations utiles à l'accomplissement des missions de ces derniers. / Les modalités et les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ".

3. Ces dispositions de l'article L. 863-2 du code de la sécurité intérieure sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

4. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis, au nombre desquels figurent le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances, protégés par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Le grief tiré de ce que, faute de déterminer les conditions d'exploitation et de conservation des données susceptibles d'être transmises et partagées sur le fondement de l'article L. 863-2 du code de la sécurité intérieure, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence et affecté, ce faisant, le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances, soulève une question présentant un caractère sérieux.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 863-2 du code de la sécurité intérieure est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association La Quadrature du Net jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question qui lui est renvoyée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association La Quadrature du Net, au Premier ministre et à la ministre des armées.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 431980
Date de la décision : 19/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2021, n° 431980
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Réda Wadjinny-Green
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:431980.20210519
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