Vu la procédure suivante :
Par une requête, un nouveau mémoire et deux mémoires en réplique enregistrés les 4 janvier, 21 juin et 10 octobre 2019 et le 25 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT (FTM-CGT) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2018 par lequel la ministre du travail a étendu l'accord national professionnel du 29 juin 2018 relatif au contrat à durée déterminée et au contrat de travail temporaire conclu dans le secteur de la métallurgie, dans le cas où cet accord serait invalidé par le juge judiciaire, après avoir sursis à statuer sur la requête jusqu'à ce que le juge judiciaire se soit prononcé sur la validité de cet accord ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ;
- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... A..., auditrice,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de l'Union des industries et métiers de la métallurgie ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 23 décembre 2018, la ministre du travail a étendu pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son champ d'application les stipulations de l'accord du 29 juin 2018 relatif au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire conclu dans le secteur de la métallurgie. La Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. Au regard des moyens qu'elle présente, elle doit être regardée comme n'en demandant l'annulation qu'en tant qu'il procède à l'extension de l'article 1.2 et de l'article 4.2 de cet accord, prévoyant que le délai de carence prévu par les articles L. 1244-3 et L.1251-36 du code du travail n'est pas applicable dans certains cas et notamment, ainsi qu'il est prévu au 2° de ces deux articles de l'accord, lorsqu'un des deux contrats de travail à durée déterminée ou contrats de travail temporaire successifs est conclu pour un motif " d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ".
Sur le cadre juridique :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail : " Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ". Aux termes de l'article L. 1244-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail : " A l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. (...)". Aux termes de l'article L. 1244-4 du même code, dans sa rédaction issue de la même ordonnance : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 1242-1, une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir les cas dans lesquels le délai de carence prévu à l'article L. 1244-3 n'est pas applicable ". L'article L. 1244-4-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la même ordonnance prévoit plusieurs cas dans lesquels, à défaut de stipulation dans la convention ou l'accord de branche conclu en application de l'article L. 1244-4, le délai de carence n'est pas applicable. En vertu de l'article L. 1248-11 de ce code, dans sa rédaction applicable, le fait de méconnaître les stipulations d'une convention ou d'un accord de branche prises en application de l'article L. 1244-3 ou, lorsqu'elles sont applicables, les dispositions de l'article L. 1244-3-1 relatives à la succession de contrats sur un même poste, est puni d'une amende de 3 750 euros et, en cas de récidive, d'une amende de 7 500 euros et d'un emprisonnement de six mois.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail : " Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ". Aux termes de l'article L. 1251-36 du même code, dans sa rédaction issue de la même ordonnance que celle citée au point précédent : " A l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. (...) ". Aux termes de l'article L. 1251-37 du code du travail, dans sa rédaction issue de cette ordonnance : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 1251-5, la convention ou l'accord de branche étendu de l'entreprise utilisatrice peut prévoir les cas dans lesquels le délai de carence prévu à l'article L. 1251-36 n'est pas applicable ". L'article L. 1251-37-1 du code du travail dans sa rédaction issue de cette ordonnance prévoit plusieurs cas dans lesquels, à défaut de stipulation dans la convention ou l'accord de branche conclu en application de l'article L. 1251-37, le délai de carence n'est pas applicable. En vertu de l'article L. 1255-9 de ce code, dans sa rédaction applicable, le fait de méconnaître les dispositions relatives à la succession de contrats sur un même poste, prévues par voie conventionnelle ou, le cas échéant, par l'article L. 1251-36-1, est puni d'une amende de 3 750 euros et en cas de récidive, d'une amende de 7 500 euros et d'un emprisonnement de six mois.
Sur les moyens de la requête :
4. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 1244-4 et L. 1251-37 du code du travail citées aux points 2 et 3, d'une part, que le législateur a entendu confier à une convention ou un accord de branche étendu la possibilité de prévoir les cas dans lesquels le délai de carence prévu à L. 1244-3 et à l'article L. 1251-36 n'est pas applicable et que, d'autre part, les stipulations d'une telle convention ou d'un tel accord sont sans préjudice des dispositions, d'ordre public, des articles L. 1242-1 et L. 1251-5 du code du travail, en vertu desquelles un contrat de travail à durée déterminée ou un contrat de mission, quel que soit leur motif, ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. D'ailleurs, l'accord litigieux rappelle lui-même que ses stipulations s'appliquent sans préjudice des dispositions des articles L. 1242-1 et L. 1251-5 du code du travail. Il en résulte que les stipulations en cause ne trouvent pas à s'appliquer en présence de situations relevant des dispositions d'ordre public précitées. Par suite, le moyen soulevé par la fédération requérante et tiré de ce que l'arrêté litigieux ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles L. 1242-1 et L. 1251-5 du code du travail, étendre les stipulations du 2° de l'article 1.2 et du 2° de l'article 4.2 de l'accord du 29 juin 2018 permettant de ne pas appliquer le délai de carence lorsque l'un des deux contrats successifs est conclu en raison de l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, ne présente pas à juger une question sérieuse et ne peut qu'être écarté.
5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que les stipulations des articles 1.2 et 4.2 de l'accord en cause se bornent à définir les cas dans lesquels le délai de carence n'est pas applicable en cas de contrats successifs sur un même poste, sans fixer de règles relatives à la détermination d'un délit en la matière, lesquelles figurent, au demeurant, aux articles L. 1248-11 et L. 1255-9 du code du travail, cités aux points 2 et 3. Par suite, le moyen soulevé par la fédération requérante et tiré de ce que l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité en ce qu'il étendrait des stipulations instituant un délit, qui ne présente pas à juger une question sérieuse, ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense par l'Union des industries et métiers de la métallurgie, ni de surseoir à statuer, la requête de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT une somme à verser à l'Union des industries et métiers de la métallurgie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Union des industries et métiers de la métallurgie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, à l'Union des industries et métiers de la métallurgie et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Copie sera transmise à la Fédération des cadres, de la maitrise et des techniciens de la métallurgie CFE-CGC, à la Fédération confédérée FO de la métallurgie et à la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT.